TIC… TAC… TIC… TAC… TIC… TAC…
(Sur la porte)…… CONSULTATIONS PHILOSOPHIQUES

 

 

PAS SI VITE

 

IMAGE...

Mlle Agnès : Ca va ?
Jackie : C'est bizarre, personne vient me voir pour les consultations… Il avait pourtant bien démarré le cabinet philosophique ! … Hein ?…
Mlle Agnès : Mais, tu devrais peut-être faire un effort… Sur tes tenues ! … Avoir une image ! …
Jackie : Ah ! …

L'image que l'on se fait d'un philosophe, a-t-elle changée au cours des siècles ?

Prenons l'école d'Athènes de Raphaël, on voit des philosophes parler et marcher, ils semblent entièrement tournés vers l'extérieur !
Le "saint Augustin " de Carpaccio est assis, le philosophe ne marche plus, mais il regarde encore au dehors !
Maintenant un philosophe de Rembrandt, il est assis, il ne regarde plus rien, il est absorbé, il pense, il est voué absolument à la vie intérieure !

Mlle Agnès : Ben oui ! … Tu mets toujours des chemises et des polos tristounes ! … Ben, c'est toi-même qui dit qu'on vit dans le monde de l'apparence !
Jackie : C'est vrai ! …

On aurait là, trois étapes :
Le philosophe de l'antiquité parle en marchant !
Le philosophe du moyen âge scrute assis les alentours !
Le philosophe classique médite dans le clair-obscur !

Raphaël, Carpaccio, Rembrandt ont, dans leurs tableaux, montré et isolé les éléments nécessaires au philosophe !
Au philosophe antique, il faut une rue et des gens !
Au philosophe médiéval, un bureau, des livres et une fenêtre !
Au philosophe classique, il faut une chaise, du noir, un peu de lumière et lui-même !

Mlle Agnès : Tu pourrais mettre un peu de couleurs, un peu plus vives ! … Parce que je t'ai encore acheté des chemises l'autre fois… Tu les mets pas ! …
Jackie : Ah ! …
Mlle Agnès : Ben oui ! … Trois ! … La rouge ? … Très bien, la rouge ! …
Jackie :… … Bon ! …

A-t-on aujourd'hui une image du philosophe ?
Certes, nous avons des portraits, des statuts, des photos !
On peut savoir quelles têtes avaient Hegel, Nietzsche, Merleau Ponty ou Deleuze !
Mais aucune image ne nous montre les éléments absolument nécessaires au philosophe !
Aucune ne répond à la question : Que faut-il pour la philosophie ?
C'est comme ci on montrait un poisson sans eau, un oiseau sans air, une vache sans herbe !

C'est comme un baiser sans moustache !

Les philosophes modernes sont sans image, et quand on se fait une image d'eux, cela devient grotesque, on les affuble d'attributs, de masques…
… Ca n'est plus Rembrandt ! … Mais le musée Grévin !…
On photographie Sartre au café, mais rien dans l'image ne montre qu'il faut un café à Sartre, comme Raphaël montrait qu'il fallait une rue et des gens à Platon !

Mlle Agnès (avec la chemise rouge) : Tiens regarde ! … Ca c'est bien !
Jackie : Mais pourquoi tu me l'as pas dit avant que je pouvais… …
Mlle Agnès : Ben, si je te l'ai pas dit deux cents fois, j'ai rien dit… J'ai un peu baissé les bras, certes ! … C'est bien ça ? …
Jackie : Oui, ben…

On ne peut plus, comme Platon, parler dans les rues !
Trop de bruits, et ça pue !
Un philosophe à son bureau ou pensif, ça ferait image d'Epinal ! … Mais cela ne suffit pas !
Alors pourquoi les philosophes d'aujourd'hui n'ont-ils pas d'image ?

Mlle Agnès : Tout fout le camp ! … On se demande si Cambrai a encore des bêtises ?

Il semble que l'on trouve chez le grand philosophe Georges Simeul (!), un élément de réponse !
Simeul (!) notait que l'invention des transports en commun, avait avant tout bouleversé la pensée et la perception des peuples !
Il explique en effet, que voyager pendant un certain temps face à un inconnu, devait avoir été une expérience qui, petit à petit, a imposé à tous le silence ou des paroles sans importances !
Un regard sans curiosité, une impassibilité du visage, des pensées qui ne déclenchent aucune expression !

Jackie : Dans le métro parisien, ce sont toujours les provinciaux, les visiteurs, qui parlent fort… Et les Parisiens se taisent ! …
Mlle Agnès : Et alors ?
Jackie : Ben, ça pourrait être le contraire ! … Ca pourraient être les provinciaux bouches bées qui écoutent les Parisiens communiquer à l'aise dans leur élément… Comme ça ! …
Mlle Agnès : Bon ben ça nous dit pas comment tu vas t'habiller tout ça ! …

Voyager en commun a imposé au corps une immobilité et a ouvert à tous l'espace de la vie intérieure !
Je me suis souvent demandé où était assis le penseur de Rodin ? … Je l'imagine, quelques fois, sur un strapontin de métro… Je ne sais pas s'il pense ou s'il est pensif !

Mlle Agnès (avec un jean) : Non mais j'ai pas rêvé ! … Ce jean non plus tu l'as pas mis ! …
(Elle le jette… Bing sur la tête à Jackie)
Jackie : Aah ! … Mais ça va pas ! Tu veux mon poing sur la gueule ? …
Mlle Agnès : La Classe ! !…. Le philosophe ! …

Est-ce un philosophe, un usager de la RATP ?
Je ne sais pas ! …
Concluons donc qu'il est difficile de distinguer l'image d'un philosophe de celle d'un voyageur en commun !
Mais qu'est-ce qui distinguait Platon d'un passant ou le philosophe de Rembrandt d'un vieillard cuvant dans sa cave ? …

Mlle Agnès (qui remballe les fringues) : Bon ! …
Jackie : En tout cas, il faut trouver quelque chose parce qu'on a trois mois de loyer en retard !

Petite musique de harpe…
… Dans la rue… Jackie dans une charrette… Tirée par un Camelot… Accompagné d'un Majordome

PHILO… PHILO… PHILOSOPHIE…
PHILO… PHILO… PHILOSOPHIE…

Petit coup de fouet sur le Camelot ! …
Jackie : Stop ! …Stop ! …
Le Camelot : Ben j'ai l'impression que ça n'intéresse pas grand monde, Maître ! … Qu'est-ce t'en penses ? …
Jackie : Non… C'est très bien…

PHILO…PHILO… PHILOSOPHIE…


This page hosted by Get your own Free Homepage