Extrait du livre de Guy-Claude Burger

Instinctothérapie, Manger Vrai

éditions du Rocher, 1990

(pages 186 à 201)


- Pouah ! Vous pouvez manger du poulet cru ?

Quand le corps en a besoin, même la volaille - eh oui ! - devient très bonne au goût. Pourquoi y aurait-il une différence entre cette viande et une autre ? Il semble que nous sommes même mieux adaptés à la chair des oiseaux qu'à celle des mammifères. Peut-être parce qu'on trouve plus facilement des oiseaux accidentés dans la nature: l'aviation a toujours été un sport dangereux. D'ailleurs le petit enfant sauvage de l'Aveyron savait attraper et plumer les oiseaux avec une agilité surprenante...

- Dans ce cas, je ne suis pas encore mûre pour faire votre régime !

Sauf que vous oubliez l'essentiel: en instincto, on ne mange que ce qui est bon ! Si n'importe quel aliment vous paraît mauvais, c'est que vous ne devez pas en manger. Le jour où le dindonneau cru vous paraîtra transcendant, où le canard faisandé dépassera le meilleur canard à l'orange, vous verrez s'évaporer toutes vos idées préconçues. On raisonne toujours comme si on était obligé d'avaler tout ce qu'on met sur la table. L'instinct rétablit au contraire la liberté du plaisir

Je tiens aussi à vous rassurer quant à la longueur de votre intestin: il mesure exactement 6,15 m et jouit de toutes les propriétés nécessaires pour digérer ce que votre contrôle palatal y laisse pénétrer. Il a eu des millions d'années pour se mettre au point. Ces considérations de longueur n'ont aucun sens: chaque espèce vivante est adaptée à la longueur de son intestin, et réciproquement! Les aliments ne fermentent pas librement au hasard de leur traversée: la flore intestinale est étonnamment stable, contrairement à ce qu'on croyait autrefois. La multiplication microbienne est rigoureusement contrôlée par des mécanismes de régulation qui sont eux-mêmes programmés génétiquement.

- Programmés pour les aliments originels, si je raisonne comme vous. Ce qui laisse toujours planer le doute sur la viande, au cas où elle ne le serait pas.

Il n'y a finalement que l'expérience qui permette de «trancher». La viande cuite provoque toute une série de troubles. La viande crue non, pour autant qu'elle provienne d animaux nourris correctement. On voit clairement que l'anomalie provient de la dénaturation non de la viande elle-même.

A vrai dire, la question de la viande ne se serait jamais posée s'il n'y avait pas eu la cuisine. Le court-circuitage de l'instinct nous laisse dans une totale incertitude. Nous ne savons plus ce qui est bon ni ce qui est mauvais; nous sommes obligés de nous livrer à d'interminables spéculations diététiques, qui se révèlent finalement oiseuses ou contradictoires, et qui sont si compliquées que personne ne peut réellement les appliquer.

Les bébés savent mieux que nous ce qui est juste. Nous avons souvent pu voir un nourrisson lâcher le sein maternel en pleine tétée juste au moment où sa mère mordait dans un fruit: le parfum qui s'exhale à cet ins-tant parvient jusqu'aux papilles olfactives de l'enfant, ses centres instinctifs lui font vraisemblablement paraître le goût du lait désagréable, il se met à crier jusqu'à ce qu'on lui donne l'objet de ses désirs. Or le bébé de quelques semaines réagit exactement de la même façon lorsque sa mère mord dans un mor-ceau de viande. Il le réclame à cor et à cri et se calme aussitôt que le morceau convoité a passé dans sa bouche. Ensuite, il le suce et le mâchouille longuement, avec ses gencives s'il n'a pas encore de dents, puis s'endort avec un visage angélique... malgré le reste de cadavre qu'enserrent ses mâchoires meurtrières!

Sincèrement, je crois que le mieux est d'oublier les idées préconçues, et de s'en tenir aux faits. C'est effectivement depuis que nous avons supprimé les produits laitiers et réintroduit les protéines animales que nous observons les guérisons les plus spectaculaires: des guérisons de leucémies, de cancers, de lupus érythémateux disséminés, de polyarthrites...

- Laissez-moi m 'étonner: la fréquence du cancer est augmentée, à ce qu'il parait, dans les pays où /'on consomme plus de protéines. Or vous parlez de guérir cette maladie avec un régime dans lequel foisonnent les protéines de toute nature, viandes, volailles, oeufs, poissons, mollusques... pourquoi pas les insectes ?

Il est vrai que certaines sauterelles ont une saveur chocolatée parfaitement agréable! Saint Jean Baptiste n'avait pas l'air de les mépriser. Si nous mangions davantage d'insectes, comme nos cousins primates, nous n'aurions peut-être plus besoin de viande. Nous sommes certainement mieux adaptés à la consommation des grillons qu'à celle des éléphants...

- Ce serait la clé du végétarisme? Sérieusement, croyez-vous que l'alimentation puisse jouer un rôle déterminant dans la guérison de maladies grave ?

Les faits m'en ont convaincu, mais je n'en parle pas trop, on m'accuserait automatiquement de jouer au faiseur de miracles.

Quoi qu'il en soit, les statistiques ont aujourd'hui démontré qu'il existe un rapport étroit entre alimentation et cancer. L'abondance des protéines apparaît statistiquement comme un facteur favorisant, mais on ne peut rien conclure pour les cas particuliers.

J'ai vu des malades guérir des cancers même très graves en mangeant instinctivement beaucoup de viande crue. Ainsi, un architecte atteint de cancer après une première opération de l'intestin : le poumon gauche plein d'eau, par suite d'un épanchement dû à une tumeur de la plèvre, deux métastases dans le poumon droit et encore une forma-tion du genre nævus sur un doigt. Dès la première semaine d'instincto, il se mit à manger environ sept cents grammes de boeuf cru par jour, et cela pendant plusieurs mois. En quelques semaines, le poumon gauche s'était vidé et les radiographies montraient la disparition progressive de la tumeur de la plèvre; les métastases se mirent à décroître également dans l'autre poumon. La tumeur du doigt s'aplatit de jour en jour, la peau reprenant un aspect normal; nous avons même vu de petits points blancs parsemer la surface brune et s'étendre pour former des taches rondes qui finirent par se réunir, exactement comme dans les cul-tures de cellules sur gélatine, des cellules normales s'étaient apparemment multipliées à partir de quelques semences saines. En sept mois, l'état général fut assez bon pour permettre la reprise du travail.

Détail amusant: dans le même temps, les cheveux gris qui blanchissaient les tempes de cet homme de 50 ans avaient complètement disparu, au point qu'en le voyant revenir, je le pris pour son frère cadet...

- Alors il faudrait recommander la viande crue à tous les cancéreux ?

Surtout pas. Il faudrait leur recommander l'instinct: c'est en se mettant à l'écoute de leur corps qu'ils pour-raient découvrir chaque jour leur aliment-médicament, et celui-ci est toujours imprévisible. Toute généralisa-tion nous écarte de la réalité des besoins présents, toujours variables et différents d'un cas à l'autre. Même si un cancéreux guérit après une cure de viande, celle-ci peut rester dangereuse pour un autre malade. Et, à l'inverse, même si la consommation de viande apparait statistiquement liée à la genèse des cancers, on ne peut pas conclure à l'utilité d'en priver un cancéreux donné. Le problème est identique chaque fois qu'il s'agit de prescrire un aliment ou un médicament.

- Vous attaquez là le principe même de la prescription ?

La diététique et la médecine sont par nature construites sur des généralisations...

- Et l'instinct apporte la solution ?

Lui seul peut le faire. Mais on fait bien d'autres erreurs dans les raisonnements statistiques. Par exemple, dans la plupart des enquêtes sur les rapports entre alimentation et cancer, on additionne indifféremment les protéines de la viande et celles des produits laitiers. Il s'ensuit une confusion générale au niveau des conclusions.

Admettez un instant que le lait soit cause de cancer et la viande nécessaire à la guérison. Le taux de cancer serait alors augmenté dans les régions où l'on consomme beaucoup de protéines par le fait qu'on y consomme en moyenne beaucoup de produits laitiers. Mais en accusant indistinctement toutes les sources de protéines, les statistiques pousseraient les malades à se priver de viande.

Il faut bien comprendre une chose: les statistiques ne font que confirmer ou infirmer des théories préexistantes. Comme on n'a jamais distingué entre lait et viande du point de vue de l'adaptation génétique, une statistique globale sur la quantité des protéines ne peut qu'ajouter à l'imbroglio dans lequel se débattent les cancérologues.

Le point de vue de l'instinctothérapie nous place d'emblée au-dessus de ce genre de difficulté: il ne s'agit plus de recommander ou d'interdire un aliment quelconque, mais tout simplement de restituer à chacun la liberté d'expression de son instinct. Le corps a le droit de recevoir ce dont il exprime le besoin, qu'il s'agisse de viande ou de n'importe quel aliment naturel.

- Avez-vous observé d'autres guérisons avec forte consommation de viande ?

Cela peut arriver, dans des cas de leucémie, d'épilepsie, de dépression, d'allergie, de myasthénie, de sclérose en plaques, etc.

Mais attention: il ne suffit pas de manger de la viande pour guérir ces maladies ! De manière générale il serait illusoire de croire que tel aliment donné correspondra à une maladie donnée et qu'il faudra passer par lui pour la guérir; les choses ne sont pas si simples.

Suivant l'état de carence et d'intoxication, il faudra toute une série d'aliments dans un ordre donné, chacun dosé correctement et absorbé au bon moment, pour rétablir la situation. Dès que les conditions seront propices, la guérison pourra commencer. Mais la marche à suivre est imprévisible, le chemin sera différent dans chaque cas particulier. La nature est compliquée, surtout quand elle se dérègle. Il n'y a pas de correspondances simples: une même altération du terrain peut provoquer des maladies différentes, et, inversement, des altérations différentes peuvent provoquer une même maladie. En fait, il est mathématiquement impossible de prévoir une posologie alimentaire en fonction d'un diagnostic.

- J'essaie de vous suivre...

L'instinctothérapie prend là le contre-pied du principe fondamental de toutes les médecines et de toutes les diététiques: «diagnostic-prescription». Je sais que c'est surprenant. On ne peut plus dire: «Prends cela car c'est bon pour... »

- Cela me paraît même désécurisant...

Vous avez raison, on a l'habitude de se sécuriser dans le savoir: «La betterave rouge est bonne contre le cancer.» Ainsi, on a l'impression d'assurer ses arrières. Le jour où surviendra la maladie, on saura à quoi se raccrocher. La betterave rouge rachètera nos fautes. On aura le rédempteur à portée de main.

La réalité est plus complexe que cela. Ouvrez un bouquin sur le métabolisme et vous comprendrez...

- Vous voulez dire que je ni comprendrai rien, parce que moi, la chimie...

Vous saisirez au moins pourquoi nos savants et nos médecins ne comprennent rien au problème de la santé! La machine humaine est trop compliquée, cha-que situation est trop différente, il y a trop d'impondérables. On ne peut faire que de vagues approximations. On croit chaque fois tenir la panacée, mais les plus belles théories n'apporteront jamais le salut.

- Ne risquez-vous pas de faire de votre système une panacée de plus ?

Je ne crois pas que l'instinctothérapie puisse tomber dans ce piège. Car elle part d'une interrogation. Elle commence par poser la question fondamentale de l'adaptation génétique à l'alimentation non originelle. C'est ensuite l'expérience qui apporte les réponses, à commencer par l'expérience personnelle. Chacun peut découvrir en lui-même les mécanismes de l'instinct alimentaire, puis faire le bilan des améliorations observées, qu'il s'agisse de bobos ou de grandes maladies.

- Vous prétendez néanmoins, entre les lignes, que l'instinctothérapie peut tout guérir...

Je pense qu'une alimentation conforme aux lois naturelles de la nutrition ne peut que tendre à restaurer l'intégrité du terrain et donc améliorer le pronostic de la plupart des maladies.

On raisonne toujours comme si la maladie ne résultait que de l'action d'agents pathogènes extérieurs. Il est pourtant clair que l'évolution vers la guérison, ou l'aggravation, dépend de l'équilibre entre le potentiel de défense de l'organisme et les facteurs d'agression. On devrait donc tout mettre en oeuvre non seulement pour diminuer les facteurs d'agression, mais également pour améliorer le terrain. Comme on ne peut généralement pas changer grand-chose du côté des facteurs pathogènes (du moins pas sans porter atteinte à l'intégrité de l'organisme: pensez aux antibiotiques, aux antiviraux, aux antimitotiques, aux antifongiques, aux antihelmintiques...), on a tout intérêt à faire le maximum du côté du terrain.

Or l'état du terrain dépend à son tour principalement de deux facteurs: la génétique et la nutrition. Du côté de la génétique, on ne peut de nouveau pas changer grand-chose. C'est donc finalement le facteur alimentaire qui sera déterminant! Le problème est d'apporter à l'organisme les éléments nécessaires pour sa remise en état. Et cela, je crois que l'instinctothérapie peut le faire plus vite et plus sûrement qu'aucune prescription extérieure.

Il est impossible, du dehors, de savoir exactement ce qui se passe dans un corps: la complexité des processus vitaux dépasse l'entendement. Rien que pour la nutrition il y a plus de deux mille types d'enzymes en service... Et ces ferments ne sont pas les bêtes simples qu'on croyait autrefois! On découvre chaque jour, à l'échelon microscopique, des mécanismes plus complexes, des propriétés inattendues, des tours de passepasse innombrables. Le médecin le plus féru de connaissances y perd son latin.

L'instinct, lui, est en liaison directe avec l'intérieur de l'organisme; il a eu des millions d'années pour apprendre à reconnaître toutes les données utiles et contrôler, tel un super-ordinateur, l'apport journalier des combustibles, des lubrifiants, des matériaux de construction, de l'outillage, du matériel de réparation, de tout ce qui permettra de reconstruire au mieux et le plus vite possible. Il ne se trompe pas de diagnostic. Il intervient avant que la maladie ne se déclare. Il suit l'évolution de l'organisme d'instant en instant. Il prend soin de tout: de la régulation calorique, de l'équilibrage glucides-lipides-protides, de l'apport en eau, en vitamines, en sels minéraux, en oligo-éléments, en substances médicamenteuses, sans compter ce que la médecine n'a pas encore découvert. Je crois qu'il n'y a pas de meilleur médecin.

Et c'est un médecin qui vous envoie non pas une facture, mais un supplément de plaisir...

- Ce qui me séduit dans votre affaire, c'est de découvrir en moi-même le médecin que j'ai toujours cherché à l'extérieur.

Je crois que c'est le point le plus essentiel: apprendre àne plus compter toujours sur une aide extérieure, ne plus être dépendant d'un pouvoir médical, constater que la nature a tout prévu, qu'elle a inscrit en nous tout ce qui est nécessaire au maintien de notre santé, qu'il n'y a même plus besoin de chercher les solutions dans des représentations mentales, avec tous les risques d'erreur que cela comporte, mais que ces solutions nous sont données dans la joie du corps...

- En somme, l'instinctothérapie, ce n'est pas une thérapeutique au sens propre...

Bien sûr que non: une thérapeutique consiste à appliquer un traitement, un artifice quelconque de l'extérieur. L'instincto, c'est la suppression de tous les artifices qui peuvent tromper le corps, afin de laisser celui-ci trouver par lui-même la voie de la guérison.

C'est rendre au corps la liberté de la santé.

- En d'autres termes, c'est l'art de provoquer les guérisons spontanées...

Si vous avez le goût des paradoxes...

- Tout cela n'est-il pas trop beau pour être vrai? Guérir par le plaisir... ce n'est pas coutumier.

Pourquoi vous étonner ? Le plaisir est le moteur de la vie; on devrait trouver tout naturel qu'il nous conduise à la santé...

- Une thérapeutique qui n'est pas une thérapeutique, mais qui guérit toutes les maladies, plus vite et mieux que toutes les thérapeutiques ! Il y a de quoi fermer tous les hôpitaux...

Attention: n'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit. La médecine reste indispensable chaque fois que la nature ne peut plus suffire à rétablir une situation. Au-delà de certaines limites, l'intervention extérieure reste nécessaire. Imaginez que vous vous cassiez le tibia, vous n'allez pas attendre que vos os se remettent en place par la seule vertu de votre régime cru ! Le chirurgien de service fera certainement mieux.

En revanche, pour recalcifier votre fracture, rien ne vaudra la nature.

- En définitive, vous n'êtes pas contre la médecine ?

Au contraire! Je pense simplement qu'il est grand temps que la médecine tienne compte du facteur alimentaire, en s'interrogeant sur les conséquences de l'inadaptation génétique à l'alimentation traditionnelle. Mon but, toute ambition mise à part, ce serait plutôt d'apporter à la médecine un élément qui lui manque. Ce n'est pas ce qu'on appelle être contre la médecine.

- La médecine n'est pourtant pas originelle: elle est faite d'artifices intelligents pour prendre vos propres termes.

Je ne suis pas non plus contre les artifices, pourvu qu'ils soient vraiment intelligents ! Le petit ennui, c'est que l'intelligence humaine me parait encore un peu proche de celle du chimpanzé. Nous réfléchissons seu-lement quand la souffrance vient nous faire prendre conscience de nos imprudences. Il nous manque la pulsion de nous représenter à l'avance les consé-quences de nos actes.

L'intelligence nous permet certainement de faire plus de bêtises que tous les animaux du monde. Elle échappe aux règles de l'adaptation, elle permet d'improviser toutes sortes de comportements, au hasard de représentations imaginaires qui ne correspondent que de très loin à la réalité. Pensez à l'agrochimie: on invente des poisons pour tuer les prédateurs en ne pensant qu'au rendement direct et, quand on s'aperçoit qu'on est en train de détruire l'équilibre éco-logique dont dépend notre propre existence, on se dit qu'on aurait dû y penser plus tôt...

Il en est de même avec la cuisine: on pense d'abord au seul plaisir et, quand on constate les dégâts, on n'a plus la force de s'en sortir...

Non, je ne critique pas l'intelligence ni l'artifice. Ce sont les seuls traits de supériorité que nous ayons sur l'ani-mal. Je ne vois pas très bien ce qui resterait de nous s'il fallait s'en passer... En revanche, je crois qu'il serait temps de prendre conscience que cette intelligence ne va pas très loin par rapport aux mystères de la vie, et que nos artifices sont toujours dangereux. Ils court-circuitent inévitablement des processus naturels et, de ce fait, sortent des règles d'harmonie qui se sont établies au fil de milliards d'années d'évolution. La cuisine me parait être le meilleur exemple de ce genre d'égarements: l'artifice qui est censé nous donner le plaisir nous enferme dans la frustration et nous condamne à la maladie...

- Vous avez pourtant recours à l'intelligence pour dépasser cette situation...

Seule l'intelligence peut nous aider à sortir des erreurs de l'intelligence. L'instinct n'est pas fait pour résoudre les problèmes que nous nous fabriquons par le biais de l'intelligence, car celle-ci est un facteur nouveau dans l'histoire de l'évolution. Une fois qu'existe l'artifice culi-naire, par exemple, l'instinct ne fait que nous y enfon-cer davantage. Il faut une prise de conscience pour désamorcer le processus. On retrouve partout la même problématique: l'agrochimie nous a engagés dans un système économique tel que seuls une prise de conscience du danger qu'il représente pour la biosphère et un effort concerté pourront éviter la catastrophe à long terme. La planète aussi paie nos erreurs au prix de la maladie...

- Et la médecine dans tout cela ?

Comme vous le disiez, la médecine est un artifice intelligent. Elle en a tous les avantages et tous les inconvénients. Elle donne souvent des résultats satisfaisants dans l'immédiat. Mais, à plus long terme, les artifices qu'elle utilise débouchent sur l'inconnu. Elle se contente de traiter les symptômes, sans s'inquiéter suffisamment des conséquences réelles de son intervention. Elle s'inquiète à peine des effets secondaires du médicament. Pour savoir vraiment ce que l'on fait quand on soigne une maladie, il faudrait commencer par comprendre la signification réelle de cette maladie. Il peut s'agir d'un processus dont la nature nous échappe - on est loin de tout savoir...

Prenez l'exemple de la poliomyélite: les premiers symptômes sont identiques à ceux d'une grippe, comme on a peur de la fièvre, on prescrit volontiers un antithermique; or le virus de cette maladie se multiplie dix fois plus lorsqu'on abaisse la température du corps d'un demi-degré! On s'étonne ensuite que survienne une paralysie, par suite de lésions de la moelle épinière...

- Ce que vous dites concerne également les médecines naturelles ?

Chaque fois qu'on intervient de l'extérieur, qu'il s'agisse d'une médication chimique ou naturelle, on part d'une représentation du phénomène maladie: on pense à des agents pathogènes qu'il faut détruire, à une perturbation quelconque qu'il parait logique d'éliminer, on raisonne en se disant que plus vite la maladie sera terminée, mieux cela vaudra pour la santé. On vise la guérison sans s'interroger sur la finalité possible des phé-nomènes.

Or il se pourrait que la maladie soit nécessaire pour rétablir la santé à plus long terme. Les vieux médecins conseillaient de bien laisser «sortir» une grippe; ils n'avaient pas forcément tort.

- Alors, si vous attrapiez une typhoïde, vous laisseriez faire la nature ?

J'essaierais d'abord de comprendre ce que peut signifier le processus qui se déroule dans mon corps. Ce ne serait d'ailleurs pas très facile, vu que cette maladie se manifeste par un état de stupeur. Mieux vaut y réfléchir avant de se contaminer!

- On sait bien qu'elle est due à un microbe qui se multiplie dans l'intestin, au point d'en attaquer les parois et d'envahir le sang

Une salmonelle, dite bacille d'Eberth, qui se transmet très facilement.

- Sans antibiotique, n'est-ce pas une maladie souvent mortelle?

Environ 6 % d'issues fatales, dans le cadre de l'alimentation traditionnelle. Il y a de quoi s'alarmer, je vous l'accorde. Mais l'erreur que l'on fait, c'est de se tourner contre ce malheureux microbe comme s'il était un envoyé de Satan, au lieu de se demander pourquoi il se multiplie dans le corps, ou mieux encore: pour quelle raison le corps le laisse se multiplier. Je dirais même: dans quelle intention... (fin de la page 201)


Retour bibliographie ; Retour Instincto