Guide de phonétique hongroise à l'intention des chefs de choeur francophones


Introduction

Des chefs de choeur m'ont souvent demandé de leur apprendre comment prononcer le texte de telle ou telle oeuvre de Bartók, Kodály, Bárdos, ou d'autres compositeurs hongrois. Je destine ce petit document à leur usage. Bien entendu, il reste très important de faire contrôler, de vive voix, la prononciation de chaque nouvelle oeuvre, mais je pense (je l'espère) que ce petit guide permettra de dégrossir la prononciation des textes.


Est-ce difficile ?

On rencontre fréquemment en France la fausse idée, selon laquelle la prononciation hongroise serait très difficile à apprendre. Il n'en est rien : la langue hongroise se prononce comme elle s'écrit, et à peu de choses près elle s'écrit comme elle se prononce. En tout cas, toute lettre écrite est prononcée.

Conséquence : moyennant l'apprentissage d'un nombre restreint de règles, on peut correctement prononcer un texte écrit en hongrois.


Accent tonique, rythme

En hongrois, lorsqu'il existe, l'accent tonique est toujours sur la première syllabe. Il y a un piège à éviter. Dans toutes les langues latines, une syllabe accentuée s'allonge. En hongrois, ce n'est pas du tout le cas. Au contraire, une syllabe courte accentuée au début d'un mot aurait plutôt la tendance de se raccourcir.

Il y a deux moralités à en tirer :

  1. La barre de mesure (donc le premier temps fort) a une plus grande importance chez un compositeur de langue hongroise que chez beaucoup d'autres.
  2. Dans les rythmes du genre "croche - noire pointée" où la croche est sur un temps fort (donc accentuée d'office), chez un compositeur de langue hongroise, on ne commet pas d'erreur en raccourcissant légèrement la croche (et en pointant un peu plus la noire). Par contre, allonger la croche consisterait à commettre une erreur de style. Tout musicien hongrois dira qu'ici l'oeuvre est interprétée avec un accent étranger.

La longueur de la syllabe dépend de la longueur des voyelles et des consonnes qui la composent. La distinction entre voyelle longue et courte, consonne longue et courte est très importante. La signification d'un mot peut complètement changer de sens en modifiant la longueur d'une de ses consonnes ou de ses voyelles.


Les voyelles

Chaque voyelle peut avoir deux formes : une forme courte et une forme longue. La forme courte s'écrit sans accent (a, e, o, u), avec un point (i), ou avec un tréma (ö, ü). La forme longue s'écrit avec un accent aigu (á, é, í, ó, ú) ou avec un double accent aigu (, ).

Les accents diacritiques (accent aigu, tréma, double accent aigu) figurent obligatoirement dans les mots écrits en majuscule.

Les voyelles sont soit franchement ouvertes soit franchement fermées. Entre la version courte et la version longue, l'ouverture de la voyelle ne change que pour 'a' et 'e'.

a
toujours court, très ouvert, entre le 'a' et le 'o' français (un peu comme si l'on enlevait tout ce qu'il y a autour du 'a' dans "grand", ou comme "bas" dans "là-bas" prononcé avec un accent parisien exagéré)
á
toujours long, assez fermé, un peu comme le 'a' dans le Midi (donc moins fermé que le 'a' à Paris), mais toujours long
e
toujours court, très ouvert. Comme 'è' dans "bègue", mais encore plus ouvert, en baissant complètement la mâchoire inférieure (et bien sûr beaucoup plus court)
é
toujours long, très fermé. En chantant, tend nettement vers le 'i' français (pour les oreilles françaises tout au moins). On prononce un 'é' long en français en s'efforçant de sourire fortement
ë
comme le 'e' hongrois court, mais plus fermé. N'existe plus que dans des dialectes, mais on le trouve parfois dans des textes populaires, notamment chez Kodály.
i
'i' court
í
'i' long'
o
'o' bien franchement fermé et court
ó
'o' fermé et long
ö
'oe' fermé et court
'eu' fermé et long
u
'ou' court et franchement fermé
ú
'ou' long et franchement fermé
ü
'u' court et fermé
'u' long et fermé

Sans craindre d'exagérer, il faut bien marquer la différence entre voyelle courte et longue. De plus, ne pas oublier que l'accent tonique du début d'un mot n'allonge jamais une syllabe courte, au contraire, il la raccourcit plutôt.


Suite de voyelles

Si plusieurs voyelles se suivent, elles ne fusionnent jamais. Par exemple, dans "fiai" il n'y a pas de diphtongue, en exagérant un peu on prononcerait à peu près "fiyayi".


Les consonnes courtes

b, d, f, k, m, p, t, z se prononcent à peu près comme en français.

c
'ts' fondu en une seule consonne, où l'on ne distingue pas le 't' et le 's'. Equivalent du 'z' allemand dans "zahlen" ou du 'ts' russe dans "tsvet".
cs
'tch' fondu en une seule consonne, où l'on ne distingue pas le 't' et le 'ch'. Equivalent du 'ci' italien dans "centro" ou "città", ou du "ch" anglais dans "cheese" ou "chin".
dz
variante voisée (rare) de la consonne hongroise 'c' ; le 'd' et le 'z' sont fondus en une seule consonne.
dzs
variante voisée (rare, on la trouve surtout dans des mots d'origine étrangère) de la consonne hongroise 'cs' ; le 'd' et le 'zs' sont fondus en une seule consonne.
g
comme le son 'gue' dans "garçon", "guêtre" ou "guirlande". Ne se lit jamais comme le son 'j' en français.
gy
attention : c'est un 'd' mouillé ! Un peu comme dans certains dialectes français le début de "dieu" ou "diable", sans distinguer le 'd' du 'i'.
h
toujours fortement aspiré, comme le 'h' dans l'allemand "Hand" ou dans l'anglais "hand". Seule exception : il ne se prononce pas après une voyelle à la fin des mots.
j
semi-voyelle 'y' comme à la fin de "portail", ou comme dans l'anglais "yellow", ou dans l'allemand "Jagd".
l
comme dans "loin" en français.
ly
attention : c'est le même son que le 'j' hongrois ci-dessus (cf. fin de "portail") ! A l'origine, c'était un 'l' mouillé, dont certains dialectes hongrois ont gardé la trace.
n
comme en français, mais on peut considérer que la forme nasalisée n'existe pas.
ny
c'est un 'n' mouillé, comme 'gn' dans "agneau" ou "gnôle".
q
n'existe pas dans les "vrais" mots hongrois. Se prononce comme 'k'.
r
toujours roulé, comme en italien, espagnol, russe…
s
son 'ch' comme dans "cheval" ou "vache".
sz
son 's' comme au début de "sac" ou de "cercle"
ty
't' mouillé, comme le 't' russe suivi d'une voyelle mouillée. Peut se concevoir comme un 't' français prononcé simultanément avec la semi-voyelle 'y'.
w
n'existe pas dans les "vrais" mots hongrois. La prononciation dépend de l'origine du mot ou cette lettre figure.
x
toujours 'ks', jamais 'gz'.
y
n'existe pas dans les "vrais" mots hongrois en tant que voyelle ou semi-voyelle. Une seule exception : à la fin de quelques noms patronymiques, il se prononce 'i'. Normalement, il sert à "mouiller" (palataliser) les sons 'n' et 't' (cf. ny et ty) ou 'd' (cf. gy).
zs
est équivalent du son français 'j', comme dans "jaquette" ou "germe".

Les consonnes longues

On allonge la durée d'une consonne en la doublant. Ainsi, en doublant b, c, d, f, g, h, j, k, l, on obtient bb, cc, dd, ff, gg, hh, jj, kk, ll, mm, nn, pp, rr, ss, tt, vv, zz.

On ne double pas q, x ou y.

Si une consonne s'écrit initialement avec deux lettres, on allonge sa durée en doublant sa première lettre. Ainsi, ccs, ggy, lly, nny, ssz, tty, zzs, sont les versions longues de cs, gy, ly, ny, sz, ty, zs.

Attention : lorsque l'on décompose un mot en syllabes (soit pour préciser la correspondance notes - syllabes dans un texte chanté, soit pour faire une césure en fin de ligne), on réécrit la consonne dans les deux syllabes. Par exemple "hattyú" se décompose "haty-tyú". Bien entendu, la consonne longue ne doit être prononcée qu'une seule fois.


Exceptions et ambiguïtés

Il y a quelques exceptions à la règle "prononcez toujours comme c'est écrit". Lors de l'agglomérations de deux consonnes, il arrive que l'une d'elles soit voisée et l'autre non voisée. Dans ce cas, la sonorité de la deuxième consonne influe sur celle de la première. Mais il ne faut pas être obnubilé par ces effets : en chantant cette assimilation a nettement moins d'importance qu'en parlant. Toutefois, je donne un tableau pour permettre d'étudier d'éventuels cas particuliers :
écrit se prononce comme écrit se prononce comme écrit se prononce comme
bc pc bp pp cb dzb
bcs pcs dt tt csb dzsb
bh ph gk kk cg dzg
gc kc gyty tty kz gz
vh fh vf ff pd bd
zk szk td dd kg gg
vs fs

Quelques fusions sont aussi intéressantes à connaître :

écrit se prononce comme écrit se prononce comme écrit se prononce comme
tj tty dj ggy nj nny
tyj tty gyj ggy nyj nny

Il y a aussi quelques assimilations labiales : 'nb' et 'np' se prononcent 'mb' et 'mp' comme dans la plupart des langues européennes.

Dans le cas des mots composés, des ambiguïtés de prononciation peuvent survenir. Exemple : si l'on ne connaît pas le mot "vonószenekar", on risque d'identifier la troisième consonne à un "sz". Or, ce mot est le composé de "vonós" (à archet) et "zenekar" (orchestre), et signifie "orchestre à cordes", où il y a un 'z' séparé après le 's'. Mais étant donné qu'un texte chanté est normalement noté en séparant les syllabes, un chef de choeur ne devrait pas être confronté à ce cas.


Bibliographie

En grande partie, ce petit guide est le fruit de mon expérience. Le hongrois est ma langue maternelle, et je vis en France depuis longtemps. Mais pour le paragraphe "Exceptions et ambiguïtés", je me suis largement inspiré du livre suivant :

Lajos Nyéki :
Grammaire pratique du hongrois d'aujourd'hui
Ophrys - Publications Orientalistes de France, 1988


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N'hésitez pas à me de vos remarques, appréciations ou questions.

Rieumajou, novembre 1999


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