Sur la porte : CONSULTATIONS PHILOSOPHIQUES
Mlle Agnès qui arrive... Sonnette ! ... Drriinng ! ...

 

 

 

PAS SI VITE

 

ATTENTE...

 

J'ai rendez-vous chez moi !
Je suis en avance !
Je lis le journal en attendant !
Soudain je lève les yeux du journal et je vois à la pendule que l'heure fixée est passée !
Je ne suis plus en avance... Elle est en retard !
Je ne lis plus en attendant... J'attends !
Et voici qu'imperceptiblement, tout change autour de moi... Et en moi !
Tout ce qui m'entoure semble attendre avec moi !
Comme ci mon attente affectait tout d'une dimension temporelle !

TOC... TOC... TOC... TOC... TOC... TOC...
... Coup de pied dans la porte !
Jackie... Casque sur la tête... Police... Roxanne... Journal... Ordinateur...

DRRIINNGGG.....

TOC... TOC... TOC... TOC... TOC... TOC...
TOC... TOC... TOC... TOC... TOC... TOC...

Jackie... Casque sur la tête... Police... Roxanne... Petit verre de vin...

TOC... TOC... TOC... TOC... TOC... TOC...

Ainsi, je compte les verres que je me sers, les chansons que j'écoute, les bougies qui se consument... Comme on compte les moutons lors d'une insomnie !
Les objets et les actes, qui m'entourent, marquent aussi sûrement le temps qui passe que les aiguilles d'une montre !
Je me suis mis à convertir une qualité, mon attente, en quantité... Je me mets à compter...

TOC... TOC... TOC... TOC... TOC... TOC...
... Coup de pied !
Jackie... Roxanne... Etc... Verre de vin...

DRRIINNGGG.....

Mais voici ce qui se passe en moi...
Plus mon attente dure, plus je lui ajoute de l'incertitude !
En fait, je ne l'attends plus, j'attends de savoir si elle viendra ou non !
Ou plutôt, j'attends de savoir quand elle viendra !
Viendra-t-elle au quatrième verre servi, à la huitième chanson qui passe, à la troisième bougie qui s'éteint ?
Je n'indexe plus le moment de sa venue au temps de mon attente, mais à la succession des événements qui m'entourent !

... Coup de pied !

Autant dire que je ne mesure pas le temps qui passe à l'aune de ma seule attente, ni à l'aune de moi-même !
J'attends... Je suis entièrement livré au temps...
Je ne peux rien faire d'autre, je suis prisonnier du temps qui me sépare de sa présence !
Mais comme c'est insupportable, je n'ai de cesse que de m'arracher à ce temps, de le mettre en dehors de moi !

Mlle Agnès : Non mais c'est dingue ! ...........(sur son portable)........ Bonjour ! Je voudrais le numéro de la serrurerie Pichard, s'il vous plaît, dans le XVIIème...

TOC... TOC... TOC.

Refaire du temps des événements extérieurs, la synthèse impossible entre ma présence et son absence, j'ai évidemment là un sentiment du temps ! ...
...Et m'apercevant de ce sentiment, une certaine conscience !
De quoi est faite cette conscience ?
C'est une conscience douloureuse... J'ai de la difficulté à coïncider avec mon propre présent !
Si d'un coté mon présent n'est rien d'autre que mon attente, d'un autre coté mon attente me dérobe à mon présent !

Mlle Agnès : Ah ! ...
Le Serrurier : Bonjour ! ... Alors ! ... Je suis déjà venu chez vous dites donc ! ... Vous perdez souvent vos clés, non ? ...
Mlle Agnès : Ben, non... Je les ai laissés à l'intérieur... Mais normalement, y'a quelqu'un ! ! !

Jackie... Roxanne...

Le Serrurier : Bon, je vais vous arranger ça ! ... Elle est pas jeune jeune votre serrure, là ! Dites donc...

De plus, je ne peux imaginer si c'est moi qui extériorise ce temps insupportable ou si c'est le temps qui s'échappe de moi !
Je l'attends ! ... Elle n'est pas là à la maison avec moi ! ... Pourtant, à bien y réfléchir, attendre est moins un problème d'espace que de temps !

Jackie... Roxanne... Verre de vin...

Chercher quelqu'un quelque part n'est pas attendre !
Celle que je cherche n'est pas là, cela ne signifie pas qu'elle n'est pas dans l'espace où je me trouve !
Cela signifie avant tout qu'elle n'est pas dans le temps que je suis en train de vivre !
Et si elle n'est pas dans le temps que je vis, ça n'est pas parce que nos montres ne sont pas accordées, ça n'est pas une question de mesure, même si empiriquement cette hypothèse peut être une explication plausible au retard, mais bien parce que celui qui attend est dépossède de son temps... Voir du temps ! ...

Mlle Agnès : C'est sympa d'être là en tout cas ! ... Votre femme doit vous attendre ! ...
Le Serrurier : Ben non, pas de problème, j'ai pas de famille vous savez ! ...

Je comprends mieux pourquoi, à présent, je m'étais mis à compter les verres servis ou les bougies consumées...
C'est moins pour parier sur une coïncidence que pour créer un intervalle !
C'est-à-dire une ligne commune du temps aux choses et à celle que j'attends...
Bref, pour créer un temps objectif extérieur auquel elle ne manquera pas d'être soumise au même titre que la succession des bougies consumées, des chansons diffusées et des verres vidés...

Mais c'est Elle que j'attends ! ... C'est-à-dire ni le messie... Ni Godot...

Mlle Agnès, Le Serrurier qui entrent...
... Elle lui retire le casque...
Mlle Agnès : Oh ! ...
Jackie : Ouais... Ah ! ben...
Mlle Agnès : Un ami... Patrick ! ... Il va rester à dîner avec nous ce soir ! ...
Jackie : ...... Oh ben moi, je vais pas vous déranger ! ... Je m'en... Je m'en vais ! ...
Le Serrurier : ....... Ah bon...... Ben d'accord......

 

 

 

 


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