Qu'est-ce que le français cadien?
On pourrait commencer à répondre à cette question quelque peu épineuse en signalant ce que le cadien n'est pas. Le français cadien n'est surtout pas, comme le veut le père Daigle dans son excellent dictionnaire de la langue cadienne, une langue à part. Il n'est pas non plus une «corruption» du français standard ou international. Nous avons donc affaire à un dialecte. C'est-à-dire un parler qui montre des écarts par rapport au français de l'Académie, ou disons plutôt des différences. Faisons cette distinction car le mot «écart» a quand même un ton péjoratif.
Pour revenir au côté linguistique, le français cadien, et en particulier celui des paroisses des savannes, est un dialecte dont les sources remontent au parler poitevin du 16e siècle. Au fil des quatre siècles qui se sont écoulés depuis l'arrivée des Européens en Acadie, beaucoup d'autres influences se sont imposées dans la langue de ces premiers colons qui allaient devenir acadiens.
On ne peut discuter de l'évolution de la langue sans se rendre compte de l'histoire. Depuis que les exilés acadiens se sont refugiés en Louisiane, leur parler a subi plusieurs influences particulières à ce nouveau pays. Parmi celles-ci on compte le langage plutôt standard des habitants, le parler créole des africains, diverses langues amérindiennes, l'espagnol, et finalement l'américain.
Quand on parle du français en Louisiane, il s'agit quand même de plusieurs dialectes: le français louisianais, le créole de la Nouvelle-Orléans, le français du Bayou LaFourche, le français houma, le parler des Avoyelles, le bas-parler de Lafayette, le créole de la paroisse St-Martin... en somme, cette question se complique très vite. A mesure que l'assimilation a détruit notre langue, la masse de ces dialectes s'est effondue jusqu'au point où la plupart des francophones louisianais disent parler ce qu'ils appellent le français cadien. Par là, je veux dire que le cadien a plus ou moins absorbé les locuteurs d'autres dialectes: dans la paroisse Evangéline on ne distingue largement plus la différence entre le langage des descendants des français, des acadiens et des africains.
Pourtant, se fier entièrement à cette dernière phrase serait beaucoup trop simplifier. Le français des Houmas comptent quelque 15.000 locuteurs. Le français du Bayou LaFourche (qui ressemble beaucoup plus au parler des Acadiens de la Nouvelle-Ecosse et s'attache plus au poitevin originel) se distingue très vite à première écoute.
Donc, ce que je propose ici est un résumé assez général du français cadien à l'ouest de l'Atchafalaya.
En quoi le français cadien est-il différent?
Lorsqu'on parle de différences dans une langue ou dialecte vis-à-vis d'un autre, il s'agit surtout de deux grands volets: le vocabulaire et la grammaire. Le vocabulaire traite de l'aspect sémantique d'une langue: la significations des mots, leurs nuances, ce qu'ils suggèrent, etc. La grammaire se divise également en deux domaines: la syntaxe et la morphologie. La syntaxe se porte sur la construction des phrases, la façon de réaliser idées et concepts. Le morphologie consiste en tout ce qui concerne les transformations des mots par rapport à la syntaxe. Les adjectifs, la conjugaison des verbes, par exemple.
Quant au lexique, je viserai surtout à identifier l'origine d'un mot et le comparer au mot «standard». Pour la syntaxe et la morphologie, nous allons aborder des questions énormément plus compliquées. Le français cadien montre de petits écarts morphologiques, syntactiques et lexicaux.
Comment conjuguer un verbe cadien?
je vas | nous-autres/on va |
tu vas | vous-autres/vous va |
elle/il/ça va | ils/elles/eux-autres va/vont |
Nous pouvons voir que la conjugaison du verbe a été beaucoup simplifée, mais non pas jusqu'au point où le locuteur «standard» ne pourraient pas comprendre. Nous parlerons des pronoms, qui montrent également des écarts, dans la prochaine partie.
Bien que le présent à l'indicatif fonctionne plus ou moins comme en francais international. Pourtant, il existe un autre moyen d'exprimer une action progressive, c'est-à-dire une action en train d'être exécutée. Voilà la version standard: en train de. Les Cadiens disent plutôt après, et parfois sans même se servir du verbe être. Par exemple, au lieu de dire Je mange, un Cadien pourrait dire Je suis après manger ou bien j'après manger. Quant à l'origine de ce phénomène, j'ai toujours compris que cet usage représente un emprunt direct des Africains créoles et de leur parler dit couri vini gain ou patois nègre. Ce parler aurait résulté du désir des marchands d'esclaves et des habitants d'apprendre à leurs esclaves très vite le français. Donc, on aurait inventé des formes moins compliquées, donnant en même temps un dialecte très riche et savoureux. Un locuteur créole dirait, par exemple, pour je viens, mo vini ou m'apé vini. ce apé aurait été après à l'origine, donc l'emprunt cadien.
Notons que si en général, on dit on va ou nous-autres va, cette analogie n'empêche pas les Cadiens de dire Allons! ou Passez un bon temps!
j'ai marché | nous-autres/on a marché |
tu/t'as marché | vous-autres/vous a marché |
elle/il/ça a marché | ils/elles/eux-autres ont/a marché |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
© 1997 cbruce@caramail.com