Présidentielles

Sommaire

Intégration-cohabitation

Un pays malade de son centralisme

Quelle place pour la France dans le monde?

Les dossiers des présidentielles ii

Des dossiers éthiques qui embarrassent

Un pays lent à se réformer. Bloqué?

Chirac-Jospin: blanc bonnet et bonnet blanc?

Le modèle républicain se fissure
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 04/04/2002

Intégration-cohabitation: troisième volet de notre série sur les dossiers du scrutin présidentiel

CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS

Si l'on en croit un récent sondage, 93 pc des jeunes vivant aujourd'hui en France trouvent que le racisme y est répandu. Sur le terrain, le climat intercommunautaire s'est effectivement dégradé ces dernières années, comme l'a encore rappelé le regain récent de violences anti-juives. Mais l'antisémitisme résurgent n'est pas le seul indicateur de cette interculturalité difficilement vécue. Les observatoires officiels l'admettent eux-mêmes: dans certains secteurs comme le logement, les discriminations raciales sont en hausse. L'une ou l'autre polémique récurrente (le port du foulard à l'école, par exemple), l'un ou l'autre incident mémorable (ainsi, les troubles lors du match de football France-Algérie) témoignent aussi des raideurs de la cohabitation.

Le modèle républicain d'intégration s'essouffle donc, loin du cliché de la France `black-blanc-beur´ baignant dans l'égalité et la fraternité. Ces deux derniers jours, d'ailleurs, à la télé, les plus hautes autorités du pays s'en sont émues. Mardi, le président Chirac s'est élevé contre la tendance au communautarisme. `Il faut que les Français se rassemblent´, a insisté le Premier ministre Jospin le lendemain.

L'islam français (4 millions de personnes, soit la plus grosse communauté musulmane d'Europe) vit lui-même une situation difficile. Sans organisation ni porte-parole reconnu, atomisée en courants rivaux, cette religion ne se dotera que fin mai d'une instance représentative, aboutissement historique d'un processus ardu lancé en 1999. Cela permettra à la communauté musulmane d'être représentée - enfin! - à la cérémonie des voeux de l'Elysée, mais cela ne réglera sans doute ni les nombreux problèmes posés sur le terrain (absence de formation commune des imams, etc.), ni la grosse question du droit de vote des étrangers: un sujet encommissionné jusqu'aux municipales de 2007 et que la campagne a un peu relancé, via divers plaidoyers (verts, communistes ou trotskistes) en sa faveur. Mais les deux grands candidats se taisent ou bottent en touche - ainsi, Jospin qui promet de soumettre la question à référendum. Le même embarras est de mise sur les sans-papiers. Quelque 60 000 clandestins déboutés lors de la régularisation de 1998 sont toujours en attente d'un statut. Pendant cette campagne, ils se sont d'ailleurs rappelés au souvenir des candidats: chahutant l'un ou l'autre meeting, invoquant une tradition française d'accueil séculaire certes, mais de plus en plus battue en brèche (lire ci-dessous).

Seuls de petits candidats (l'écologiste Mamère, la radicale Taubira ou l'ex-UDF Christine Boutin, sans oublier le trio Laguiller-Besancenot-Gluckstein) réclament la régularisation de ces sans-papiers. Tandis que l'extrême droite continue de faire son fond de commerce de l'immigration, la droite traditionnelle, elle, peine à se positionner sur tous ces thèmes, comme si elle était encore plombée par un impopulaire passé en la matière (voir notamment les manifestations-monstre de l'hiver 96-97 contre les lois Debré). Jospin n'en mène pas large non plus. Nombre d'associations l'accusent d'avoir renié ses promesses humanistes faites pendant la campagne des législatives de 1997 et, dès son arrivée à Matignon, d'avoir calqué sa politique sur celle de la droite. Sur ce genre de dossier, d'ailleurs, le candidat socialiste à l'Elysée aura fort à faire, s'il est élu, pour accorder les violons de ses alliés potentiels - écologistes et `chevènementistes´ notamment.

Savoir plus
Seize candidats, mais pas Pasqua

Le Conseil constitutionnel a validé jeudi 16 candidatures à l'élection présidentielle, a annoncé son président, Yves Guéna. La liste sera publiée dans le Journal officiel de ce vendredi. Avec 16 candidats, le record de 1974 (douze candidats) est battu. Ils étaient neuf en lice en 1995 et en 1988, dix en 1981, sept en 1969 et six en 1965.

L'ordre officiel de ces candidats se décline comme suit: Bruno Mégret (MNR), Corinne Lepage (CAP 21), Daniel Gluckstein (PT), François Bayrou (UDF), Jacques Chirac (RPR), Jean-Marie Le Pen (FN), Christiane Taubira (PRG), Jean Saint-Josse (CPNT), Noël Mamère (Verts), Lionel Jospin (PS), Christine Boutin (ex-UDF), Robert Hue (PCF), Jean-Pierre Chevènement (Pôle républicain), Alain Madelin (DL), Arlette Laguiller (LO) et Olivier Besancenot (LCR).

Sont recalés l'ex-ministre RPR de l'Intérieur Charles Pasqua et le candidat `anti-impôts´ Nicolas Miguet, qui n'ont pas obtenu les 500 parrainages obligatoires.

Certains n'en sont pas à leur premier scrutin. Arlette Laguiller se présente pour la cinquième fois, Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac pour la quatrième, et Lionel Jospin et Robert Hue pour la deuxième fois. (REUTERS)

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Un pays malade de son centralisme
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 05/04/2002

Quatrième volet de notre série consacrée aux dossiers sur lesquels la présidentielle va se jouer

CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS

Depuis les lois Defferre de 1982, aucun pas significatif n'a été franchi en France en matière de décentralisation. Sur la carte européenne, l'Hexagone fait toujours figure de curiosité, avec ses 36 000 communes, ses cantons, ses départements, ses Régions trop nombreuses, trop petites et rognées dans leurs compétences, son pouvoir souvent hypercentralisé à Paris.

Chargée par Lionel Jospin de plancher sur la question, une commission présidée par l'ex-Premier ministre Mauroy n'a proposé d'apporter que de microscopiques retouches au paysage administratif français. Pour le reste, on s'est contenté de progresser un peu en matière d'intercommunalité et de démocratie de proximité. Pas de quoi fouetter un chat, donc. Plus que jamais, la France manque d'imagination quand il s'agit de conjuguer sa sacro-sainte unité républicaine avec le respect des identités et diversités régionales.

L'avenir, du reste, apparaît flou. Pendant la campagne, marquée notamment par la montée en puissance du discours `républicain´, les grands décentralisateurs Madelin, Bayrou ou Mamère ont eu des difficultés à faire entendre leur voix. Les deux grands candidats, pour leur part, en sont restés au stade des vagues promesses. Les politiques, il est vrai, ne savent plus sur quel pied danser depuis que le Conseil constitutionnel a censuré le Plan Jospin sur la Corse, qui conférait plus d'autonomie à l'île. Certains envisageaient d'étendre à terme ce nouveau modèle corse aux autres Régions. Il apparaît désormais que tout approfondissement sérieux de la décentralisation nécessitera une modification préalable de la Constitution de 1958.

C'est un contretemps d'autant plus fâcheux que, sur le terrain, dans les trois Régions traditionnellement revendicatrices de davantage d'autonomie, les choses ne se passent pas bien.

En Corse, la mandature finissante, même si elle a donné lieu à la proclamation d'une trêve historique, a surtout été marquée par deux événements inédits dans les annales: un préfet a été assassiné (Claude Erignac) et un autre... emprisonné (Bernard Bonnet, dans l'`affaire des paillotes´). Tandis que le développement économique de l'île patine, la vague de règlements de comptes qui a notamment coûté la vie à Jean-Michel Rossi et à François Santoni renvoie aux chapitres les plus noirs de l'histoire du nationalisme. Ce dernier, atomisé en groupuscules aux contours flous voire acoquiné au grand banditisme, paraît désormais de moins en moins contrôlable.

UN PROCESSUS POLITIQUE MORT-NÉ

Enfin, le processus politique est au point mort. Le Plan Jospin, qui avait nourri tant d'espoirs, par son souci de transparence notamment, est boudé par les nationalistes, la droite, une frange non négligeable de la gauche (les chevènementistes, surtout) et une bonne part des élus insulaires.

La situation n'est guère plus brillante au Pays basque. Il y a peu - première historique, ici aussi - l'ETA a rompu son modus operandi et tiré sur des gendarmes français. Malgré les succès remportés dans la coopération franco-hispanique, l'organisation terroriste continue à bénéficier en France d'une base arrière dont les frontières s'étendent désormais à tout le sud-ouest. En outre, la violence urbaine liée à la cause basque s'étend (voir les incidents en marge du sommet de Biarritz), alors que croît l'audience nationaliste dans le paysage politique régional.

Regain d'activisme également en Bretagne: région qui - première historique toujours - fut elle aussi endeuillée par la violence (l'attentat du McDo de Quévert, au printemps 2000) et où se développent d'inquiétantes connexions avec le terrorisme basque. Région où, tout autant, la démarche politique de Paris apparaît parfois un peu chaotique. En a encore témoigné l'annulation par le Conseil d'Etat pour inconstitutionnalité de l'intégration à l'Education nationale des écoles Diwan bilingues français-breton.

Savoir plus
Télé : de l'équité à l'égalité

Avec seize candidats en lice, la campagne présidentielle s'annonce un exercice délicat pour les télévisions et les radios. Dès la publication au Journal officiel vendredi matin de la liste des candidats arrêtée par le Conseil constitutionnel, les médias audiovisuels sont tenus par la loi de respecter une scrupuleuse égalité entre les candidats. Ce principe vaut aussi bien pour la reproduction ou les commentaires des déclarations et écrits des candidats que pour la présentation de leur personne. Avant l'ouverture officielle de la campagne, en revanche, c'était le principe d'équité entre les candidats qui était censé prévaloir dans les médias. Mais on sait qu'un net déséquilibre a joué en faveur des deux grands candidats Chirac et Jospin. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel mesurera jour après jour les temps de parole accordés aux candidats et alertera les chaînes de télévision en cas de dérapage. `Il n'y a pas un autre pays au monde où il y ait de telles garanties d'égalité d'accès aux médias´, s'est réjoui vendredi le président du CSA, Dominique Baudis. À cette couverture médiatique, chacun des 16 candidats ajoutera très exactement 48 minutes de temps de parole officiel, correspondant à la diffusion de spots de quelques minutes sur les principales chaînes, à des horaires prédéterminés par le CSA. Les choses seront plus simples entre les deux tours, où il ne restera plus que deux candidats. Mais d'ici là, la couverture du scrutin risque de prendre des allures de casse-tête pour les radios et télés. (REUTERS)

© La Libre Belgique 2002

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Quelle place pour la France dans le monde?
BERNARD DELATTRE - Mis en ligne le 07/04/2002

Cinquième volet de notre série consacrée aux grands dossiers sur lesquels l'élection présidentielle des 21 avril et 5 mai va se jouer

CORRESPONDANT PERMANENT À PARIS

Si l'on en croit un récent sondage, 47 pc des Français jugent que le rôle de la France s'est accru dans le monde lors du septennat finissant, contre 42 pc qui sont de l'avis inverse. Ce sentiment positif majoritaire correspond-il à la réalité? La question mérite d'être posée.

En effet, il n'est pas sûr qu'aient contribué au prestige international de la France des événements aussi divers que la reprise des essais nucléaires, le caillassage de Lionel Jospin en Cisjordanie, les déboires du porte-avions Charles-de-Gaulle, ou les ratés de l'engagement militaire français en Afghanistan. Et que dire du bilan mitigé de la présidence française de l'Union européenne? De la `saga Trichet´ à la Banque centrale européenne? Des accusations de partialité pro-serbe faites à l'encontre de l'armée française dans les Balkans? De la récente vague de violences anti-juives?

Sans parler des `couacs´ internationaux survenus dans la cohabitation. Ainsi, ce mémorable assaut d'amabilités au sein d'un couple Chirac-Jospin déchaîné sur la vache folle en plein sommet franco-allemand, sous l'oeil mi-effaré, mi-goguenard d'un Schröder qui n'en demandait visiblement pas tant...

UN AXE EN PETITE FORME

Au niveau européen, précisément, rarement la France n'était apparue aussi effacée que ces dernières années. Jadis moteur de l'Europe, le couple franco-allemand avance désormais cahin-caha. On l'a vu notamment aux heurts survenus lors du sommet de Nice, mais aussi lorsque la France rejeta le credo fédéraliste du duo Schröder-Fischer, ou lorsque l'Allemagne délaissa son partenaire français pour prendre des initiatives européennes communes avec d'autres pays: la Grande-Bretagne, l'Espagne et/ou l'Italie. Paris a toujours feint de ne pas prendre ombrage de ces infidélités, prétextant que sa relation avec Berlin ne s'est jamais voulue exclusive. Il n'empêche, il est sans doute significatif que, dans leur programme présidentiel, tant Chirac que Jospin prônent à présent une relance de l'axe franco-allemand.

Tout n'est pas négatif, certes. Ainsi, ces dernières années, Paris est parvenu à maintenir une certaine liberté de ton, dans le dossier proche-oriental ou à l'égard de Washington par exemple. La France n'a pas craint non plus de faire valoir sa différence dans plusieurs cénacles: que ce soit sur la culture et l'agriculture (à l'OMC) ou sur les services publics (au récent sommet de Barcelone). La nouvelle politique africaine annoncée, qui veut rompre avec des décennies d'ingérence, d'opacité et d'affairisme, paraît également prometteuse, même si la non-ingérence affichée est appréciée différemment selon les cas d'espèce : positivement pour la Côte d'Ivoire hier, négativement pour Madagascar aujourd'hui. Enfin - gage du maintien d'une certaine influence -, l'un ou l'autre beau poste international a effectivement été confié à des Français: la présidence du Parlement européen hier, celle de la Convention aujourd'hui.

PEU D'INTÉRÊT ÉLECTORAL

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, vu les pouvoirs du Président en la matière, les questions internationales sont peu évoquées dans les programmes. Elles ont encore moins occupé la campagne. Sauf - fait significatif - quand elles ont nourri les diatribes protestataires: euro-sceptiques pour l'extrême droite, anti-mondialistes pour l'extrême gauche. De grands thèmes reviennent toutefois dans les programmes, tel l'allégement de la dette du tiers-monde, la relance de la coopération au développement (en chute depuis 1995) ou la régulation de la mondialisation.

Chirac et Jospin n'ont jamais été `euro-enthousiastes´. Dès lors, leur vision de l'Union, comme celle de l'opinion française d'ailleurs, est bien plus intergouvernementale que fédérale. Les deux hommes se contentent de prôner une Constitution européenne censée déboucher à terme sur une `Fédération d'Etats-nations´ assez floue. Chirac suggère aussi d'abolir les présidences tournantes au profit de l'élection du Président européen par le Conseil. Le Président de la Commission devrait être désigné par le parti remportant le scrutin européen, rétorque Jospin.

Dans la foulée, le Premier ministre sortant promet que, dès que la cohabitation aura pris fin, la politique étrangère hexagonale aura `plus de force et de constance´

De quoi `inspirer confiance´ à ses partenaires. C'est toutefois son rival que les sondages décrivent généralement comme le mieux à même d'améliorer la place et l'image de la France dans le monde.

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