Elle était déchaussée
Elle était déchaussée,
elle était décoiffée,
Assise, les pieds nus, parmi
les joncs penchants ;
Moi qui passais par là,
je crus voir une fée,
Et je lui dis : Veux-tu t'en
venir dans les champs ?
Elle me regarda de ce regard
suprême
Qui reste à la beauté
quand nous en triomphons,
Et je lui dis : Veux-tu, c'est
le mois où l'on aime,
Veux-tu nous en aller sous les
arbres profonds ?
Elle essuya ses pieds à
l'herbe de la rive ;
Elle me regarda pour la seconde
fois,
Et la belle folâtre alors
devint pensive.
Oh ! comme les oiseaux chantaient
au fond des bois !
Comme l'eau caressait doucement
le rivage !
Je vis venir à moi, dans
les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée
et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et
riant au travers.
Mont l'Am., juin 183...
Victor Hugo
©Jacques Lemaire, 1999, 2000
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