Culture

Tintin, notre copain d’enfance

Bien que discrète et en édition limitée à 1000 exemplaires seulement, la récente publication d’un livre traitant – entre autre – de la "paternité" de Tintin, le héros de générations de millions d’enfants de "7 à 77 ans", met une nouvelle fois sur le tapis cette question très controversée qui fit couler beaucoup d’encre et alluma bien des passions.

En effet une rumeur persistante soutient que, lorsque Georges Rémi, alias Hergé, créa son personnage de Tintin en 1929, il lui donna la fougue et les traits les plus caractéristiques de Léon Degrelle, celui-là même qui deviendrait le jeune chef charismatique du mouvement fasciste belge REX, celui-là encore qui, après la grande débâcle des "démocraties" en mai 1940, s’engagerait au cours de l’été 1941 dans la grande croisade anti-bolchevique où, de simple soldat, il terminerait la guerre comme Standartenführer-SS (Général SS) à la tête de la légion des Waffen SS "Wallonie"…

Alors, Tintin, le plus grand ami des enfants dont les aventures ont été publiées en 45 langues à près de 200 millions d’exemplaires, serait-il en vérité un dangereux nazi ?

Tintin mon copain, c’est le titre de ce livre qui donne de nouveaux arguments à ce sujet ; arguments définitifs et à ne pas prendre à la légère, car son auteur est… Léon Degrelle en personne !

Lorsqu’il eut vingt ans, Georges Rémi se présenta aux bureaux du Vingtième Siècle, deuxième quotidien catholique de Belgique, afin d’y dénicher quelque petit boulot. L’abbé Norbert Wallez, directeur du journal, découvrant alors en ce jeune homme timide de grands talents de dessinateur – certes encore en gestation à l’époque ! -, lui confiera peu à peu la ligne graphique du journal.
En 1928, l’abbé Wallez décida de lancer un supplément "jeunesse" hebdomadaire au journal, qu’il fit naturellement illustrer par Hergé : le Petit Vingtième était né…
De son côté, Degrelle alors étudiant à l’université de Louvain, s’était déjà fait remarqué – entre autres - par de multiples écrits dont l’un d’eux Jeunes plumes et vieilles barbes fut remarqué par l’abbé Wallez. Ce dernier invita alors Degrelle à passer le voir dans les bureaux du journal. Quelques minutes suffirent pour que l’un convainquit l’autre de devenir rédacteur libre du Vingtième Siècle.

A titre d’exemple, Degrelle publia dans les colonnes du journal une enquête illustrée sur les taudis (Les Taudis) qui eu une répercussion telle que le ministre belge du Travail en souligna l’importance lorsque le texte fut de nouveau publié sous forme de petit livre.
Hergé rencontra donc Léon Degrelle, son aîné d’un an, au sein du Vingtième Siècle où ils se lièrent immédiatement d’amitié, et de cette amitié naquit une collaboration entre les deux hommes ; c’est ainsi que la brochure qu’écrivit Degrelle sur l’Histoire de la guerre scolaire put être illustrée par Hergé lui-même.
Un jour, Degrelle, aventurier dans l’âme, vint exposer à l’abbé Wallez un projet de reportage sur les Christeros, ces valeureux guérilleros catholiques et anti-communistes mexicains. De son voyage au Mexique qu’il consigna dans un livre intitulé Mes aventures au Mexique, il ramena des journaux locaux dans lesquels paraissaient des bandes dessinées américaines. Ces comics intéressèrent Hergé à plus d’un titre, car c’est de là que sortit la ligne graphique des Tintin.

Hergé voulant alors créer un personnage baroudeur pour lui faire "visiter" l’Union Soviétique et ainsi faire découvrir au lecteur les "joies" du paradis communiste, il fut naturel qu’il prît comme modèle son ami Léon Degrelle devenu reporter international ! En outre, cela lui permit de ne pas avoir à trop réfléchir pour donner de la consistance à son nouveau personnage de Tintin. Il l’habilla d’abord d’une culotte de golf. Pourquoi ? Seul parmi son entourage, Degrelle portait un tel accoutrement, qui devint le symbole du bourlingueur redresseur de torts. Il l’affubla ensuite de sa célèbre houppette, qu’il emprunta une fois encore à Degrelle, coiffé de la sorte dans sa jeunesse. Enfin, et pour l’anecdote, pour lui donner la réplique dans ses premières aventures (le capitaine Haddock n’apparaîtra qu’à partir du Crabe aux pinces d’or), il lui donna un compagnon à quatre pattes, son célèbre chien Milou, dont le modèle fut trouvé sur une photo datant des tranchées de la Première Guerre Mondiale, aux pieds d’un autre personnage célèbre…

La naissance de Tintin est développée dans les premiers chapitres de Tintin mon copain, mais n’en constitue pas l’essentiel. La majeure partie de ce livre est une sorte de parallèle entre la vie et l’œuvre de Hergé et celles de Léon Degrelle. C’est également là l’occasion pour ce dernier – qui, en grand mythomane devant l’Eternel, ne peut s’empêcher de se mettre en scène dans tous ses écrits – d’évoquer ses amitiés qui l’attachèrent à d’autres personnages célèbres tels qu’Arletty, Georges Simenon, Jean-Marie Le Pen (mais oui !), ou encore notre Zorro national : Alain Delon !
Bien que peu à la portée de la bourse du vulgum pecus (390,00 francs minimum quand même !) et difficilement dénichable (d’autant qu’il est en passe d’être interdit à la vente…), ce superbe album, abondamment illustré de photos et de dessins plus ou moins connus de Hergé et de collaborateurs proches de l’époque du Vingtième Siècle, ravira les grands enfants que nous sommes restés, époustouflés par les aventures rocambolesques de Tintin, le plus grand copain de nos premières années.

Hervé le Francien

document original : [revue QUARTIER LIBRE - numero 04 - septembre 2002]
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