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Paul les oiseaux
2 ou 3 pas dans la bataille de San Romano, article autour de l’œuvre de Paolo Uccello, 
éd. Ecole des Arts déco - journal 8, p 23 à 25, juin 1996.
 
 
L'histoire contemporaine semble en avoir terminé avec le cas de Paolo Uccello, du moins provisoirement. 
Après Berenson, Longhi, Pope-Hennessy, la conclusion s'impose : Uccello est un peintre "énigmatique",
et les nombreuses questions que soulève son uvre resteront sans doute sans réponse. Il y a cinq siècles,
Vasari, son seul biographe remarquait déjà chez le personnage des bizarreries, des négligences, des obsessions, mais il estimait qu'il méritait de figurer parmi les plus  « eccellentissimi » créateurs de son temps. 
Les cubistes, puis les surréalistes, l'adoraient ; son succès s'étend aujourd'hui à un très large public. 

Alors que les uns essaient de sonder les mystères de sa création, les autres y trouvent un plaisir esthétique immédiat, sans problèmes apparents d'interprétation. La peinture d'Uccello est un sujet riche à tous points de vue, et contradictoire aussi : elle ne se séparera jamais vraiment de la tradition dont elle est issue, celle des primitifs florentins, tout en y intégrant une foule impressionnante d'innovations plastiques dans des paramètres aussi fondamentaux que la lumière, le mouvement et la maîtrise de l'espace. Uccello connaissait le traité d'Alberti sur la perspective, mais pas celui de Piero Della Francesca, plus complet et plus opérationnel aussi. 

Le Mazocchio, qu'il peint souvent, et dont il a si bien étudié l'incidence de la lumière sur les facettes, 
est-il une préfiguration de Vasarely ? Le dédoublement des personnages, des cavaliers et des lances qui synthétisent le temps et le mouvement en une image unique et figée, n'est-il pas, déjà une anticipation 
des expériences de Marey ou de Muybridge ? Et cette rumeur persistante, qui voudrait qu'Uccello ait conçu 
le premier tableau abstrait, et dont on ne retrouve jamais la source exacte ? 

Entouré de mythes et de spéculations, le cycle des Batailles est une forteresse d'hypothèses. 
Il faut une certaine audace et beaucoup de détermination pour s'attaquer à un sujet d'une telle complexité, 
mais avant tout, une méthode. Dans son mémoire, Annabel Vergne aborde "le cas Uccello" comme un détective privé 
et discret qui, sans mandat ni commission rogatoire, va déterrer un vieux dossier classé, pour tester la validité de ses pièces, pour ouvrir de nouvelles pistes, dont la plupart révéleront des éléments surprenants, 
parfois inédits, parce que perçus par l'œil et la sensibilité du plasticien et scénographe, 
qui d'ailleurs ne prétend nullement parvenir à une théorie globalisante. 

Romano Prada, juin 1996.

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