LE
CANARD (SUITE)

Vie et mœurs
Les Canards colverts sont des oiseaux résistants
qui hivernent régulièrement dans le sud de l'Ontario et de la
Colombie-Britannique. Certains demeurent dans le Nord, aussi loin
qu'ils peuvent trouver des masses d'eau libres de glace. Des
Colverts y passent les mois les plus rigoureux, même en Alaska,
et, en Alberta, certains hivernent sur les eaux libres de la
Saskatchewan Nord jusqu'à Edmonton.
La grande majorité migrent cependant vers le centre et le sud
des États-Unis, où les lacs et les étangs sont libres de glace
toute l'année. Le Colvert vit essentiellement en eau douce, mais
certains hivernent dans les baies côtières.
Les Colverts sont parmi les premiers canards à revenir aux sites
de nidification au printemps. Dotés d'une grande faculté
d'adaptation, ils peuvent nicher près d'un lac, d'un étang, ou
d'une rivière, ou même d'une mare en terrain boisé. Ils préfèrent
cependant les prairies naturelles parsemées de roselières et de
cuvettes, typiques des provinces des Prairies.
Vers la fin de mars et le début d'avril, les premiers Colverts
sont de retour dans les Prairies. À cette époque de l'année,
les lacs et les étangs sont habituellement encore gelés, et les
seules eaux libres sont les eaux de fonte qui remplissent les
creux des pâturages et des champs. Ordinairement, les premiers
arrivés sont des couples déjà formés.
Accompagnée du mâle, la femelle se met à chercher un
territoire. Le plus souvent, le territoire choisi se trouve à
proximité de son lieu natal. Certaines femelles retournent au même
site d'une année à l'autre.
C'est la femelle qui choisit le site de nidification. Le nid peut
être construit près d'un étang, mais il est souvent à une
certaine distance de l'eau et peut même en être passablement éloigné.
Normalement construit au sol, le nid n'est guère plus qu'une dépression
tapissée de fragments d'herbe et de joncs ou d'autres matériaux
trouvés aux alentours. Il est habituellement bien abrité par
des plantes herbacées de bonnes dimensions ou des symphorines,
des églantiers ou d'autres arbrisseaux des prairies. Les oeufs,
dont la couleur peut varier d'une femelle à l'autre d'un vert
terne à presque blanc, sont pondus au rythme d'un par jour. La
femelle peut pondre jusqu'à 15 oeufs, mais le nombre habituel
est de 8 à 12.
L'incubation ne commence qu'une fois tous les oeufs pondus, de
sorte que les canetons éclosent à peu près en même temps.
Durant la période de ponte, et tout particulièrement au début
de l'incubation, la femelle utilise une partie du duvet de son
ventre pour garnir le nid. Lorsqu'elle quitte le nid pour se
nourrir, la femelle recouvre les oeufs avec ces plumes grises
dont la partie centrale est blanche. En plus de garder les oeufs
au chaud, le duvet les soustrait à la vue des corneilles, des
pies et des autres prédateurs capables de repérer facilement
les oeufs laissés à découvert.
L'incubation, qui dure environ 28 jours, est assurée entièrement
par la femelle. Dès leur éclosion, les canetons sont de
charmantes petites boules de duvet. Leur dos, d'un brun sombre,
est rehaussé de quatre taches jaunes. Leur face et leurs parties
inférieures sont jaunes, avec une tache foncée à l'oreille et
une ligne brune au niveau de l'oeil.

Si le nid est détruit, la femelle recommence la nidification;
elle peut s'y reprendre jusqu'à trois ou quatre fois. D'une fois
à l'autre, le nombre d'œufs diminue. Le Colvert n'élève
cependant qu'une seule nichée par année.
Dès que les canetons sont secs, la femelle les conduit au plan
d'eau le plus près. Le trajet peut être long et périlleux.
Bien que la femelle construise parfois son nid près d'une
cuvette ou d'une mare remplies d'eaux de fonte, une grande partie
de cette eau peut s'être évaporée, ne laissant qu'une boue en
voie d'assèchement. Sur la terre ferme, les canetons peuvent s'égarer
dans l'herbe ou être cueillis par des prédateurs.
La femelle est une excellente mère. Elle s'arrête à maintes
reprises pour rassembler et réchauffer ses petits. Si une
personne ou un animal constituant une menace se présente, elle
attirera habituellement l'intrus loin des petits en battant des
ailes et en poussant des cris rauques, comme si elle était blessée.
Un humain ne s'y laissera probablement pas prendre, mais les prédateurs
mordent à tout coup à l'hameçon.
Une fois à l'eau, la femelle conduit ses petits vers les aires
d'alimentation. Les canetons trouvent eux-mêmes leur nourriture,
laquelle est au début probablement composée de petits crustacés,
comme les puces d'eau, ainsi que d'insectes et de végétaux
minuscules, comme les lenticules mineures.
Graduellement, les petits perdent leur duvet et se revêtent de
plumes véritables. À l'âge d'environ 10 semaines, leur plumage
ressemble beaucoup à celui de la femelle. À cet âge, leur mère
les a quittés.
Après la saison de reproduction, les Canards colverts muent et
acquièrent leur plumage dit d'éclipse. Les mâles sont les
premiers à subir cette mue.
Les mâles demeurent sur leur territoire pendant environ les 10
premiers jours de l'incubation, après quoi ils quittent leur
partenaire. Ils se réunissent alors dans de grands marais où
ils perdent leur éclatant plumage nuptial et prennent une
apparence assez semblable à celle des femelles. Ils perdent d'un
coup leurs plumes de vol et, durant à peu près un mois, sont
incapables de voler. Ils vivent alors cachés dans les roseaux
jusqu'à ce que leurs nouvelles plumes aient poussé.
Après que les femelles ont abandonné leurs petits, elles se
rassemblent à leur tour dans les roseaux pour muer. Elles
perdent elles aussi la faculté de voler, mais cette mue modifie
peu leur apparence. À la fin de l'automne, les jeunes acquièrent
le plumage caractéristique de leur sexe; le plumage des mâles
peut toutefois ne pas avoir tout son éclat avant la deuxième
année.
Vers la fin de l'été, les oiseaux se rassemblent en groupes
mixtes de jeunes et d'adultes. Pendant une bonne partie de la
journée, ils se tiennent immobiles ou flânent à distance du
rivage. Quand le grain devient mûr, ils s'envolent vers les
champs pour s'y nourrir.
Habituellement, les Colverts gagnent les champs tôt le matin et
les quittent tard le soir, mais, quand le temps est couvert ou
orageux, ils peuvent effectuer ces déplacements en tout temps
durant le jour. Ce sont ces volées qui procurent la chasse la
plus excitante.
Conservation
Dans toute son aire de répartition,
le Canard colvert est très prisé des chasseurs : son vol est
rapide, on peut l'attirer facilement au moyen d'appeaux et
d'appelants, et sa chair est excellente. Le poids moyen des
adultes est de 1.24 kg, et les plus gros mâles peuvent
facilement atteindre 1.36 kg. Aucun autre canard n'est autant
chassé : au Canada, plus de la moitié de tous les canards
abattus sont des Colverts.
Le Colvert est l'un des canards les plus résistants et les plus
adaptables. Néanmoins, la destruction régulière de ses
habitats de nidification dans les Prairies, particulièrement
dans les hautes terres herbeuses, a fait que, depuis bon nombre
d'années, les populations continentales de Colverts diminuent.
La sécheresse qui a sévi dans les années 1980 et 1990 a créé
des conditions défavorables aux canards des Prairies et a
facilité la mise en culture de nombreuses anciennes terres
humides qui se sont asséchées.
Dans l'est du Canada, l'espèce est florissante. Elle y trouve
d'abondants sites de nidification dans les fermes abandonnées,
les parterres de coupe à blanc et les espaces verts des villes,
ce qui l'a aidée à se propager. La prolifération du Colvert,
conjuguée au fait qu'il se croise facilement avec le Canard
noir, un proche parent, ont rendu passablement problématique la
conservation des populations de Canards noirs de l'Est.
Devant la chute des populations de Colverts des Prairies et
d'autres canards, comme le Canard pilet, observée depuis bon
nombre d'années, on a décidé de mettre en oeuvre à l'échelle
du continent un programme de conservation de la sauvagine et
d'autres espèces des terres humides. Le Plan nord-américain de
gestion de la sauvagine (PNAGS), signé en 1986, poursuit des
objectifs bien précis de gestion des habitats du Colvert, tant
dans ses habitats de nidification des Prairies que dans ses
couloirs migratoires et ses aires d'hivernage, pour en rétablir
les populations. Le Canada, les États-Unis et, depuis peu, le
Mexique participent au PNAGS. Le Plan conjoint Habitat des
Prairies, l'un des volets de ce plan, vise à restaurer plus de 1,4
million d'hectares renfermant des habitats de première qualité
pour la reproduction du Colvert au Manitoba, en Saskatchewan, et
en Alberta. On peut obtenir de plus amples renseignements sur le
PNAGS en s'adressant à la Direction de la mise en oeuvre du
PNAGS à l'adresse mentionnée ci-contre pour le Service canadien
de la faune.
Le Colvert est l'un des rares canards qui se nourrit régulièrement
de céréales. Il est particulièrement friand d'orge et de blé.
De nos jours, comme la plus grande partie des céréales est récoltée
au moyen de moissonneuses-batteuses, les canards ne peuvent
constituer une nuisance pour les agriculteurs que lorsque le
mauvais temps oblige ces derniers à laisser leurs céréales en
andains.
De tout temps, les humains se sont nourris des oeufs et de la
chair du Canard colvert. Il existe aussi depuis longtemps une
variété domestique de cet oiseau, lequel est aussi à l'origine
de nombreuses autres races de canards domestiques, dont le
plumage brillant trahit la descendance.
Le Colvert n'est pas seulement utile : ce magnifique oiseau fait
aussi la joie de nombreux amateurs de plein air. L'ornithologue
amateur connaît peu de spectacles aussi fascinants que celui des
Colverts qui, les pattes tendues, cherchent à se poser au
printemps sur les premières eaux libres.

Fait par Katarina le 3 décembre 2002
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