Si vous lisez ce texte, je suppose que quelqu’un de votre entourage, un membre de
votre famille ou un ami, vous a fait une révélation qui vous parait peut être
choquante, en tous cas certainement troublante. Vous vous posez certainement une foule de
questions. Si vous êtes un ou une proche de cette personne, vous devez aussi probablement
exprimer quelques craintes.
Dans cette lettre, je vais essayer de répondre à certaines de ces questions et je
l’espère, dissiper la plupart de ces craintes. Je peux parler avec une certaine
autorité sur ce sujet, car je suis moi-même un Transsexuel.
Cependant, avant de commencer à y répondre, permettez-moi de vous éclairez sur les
difficultés que rencontre un Transsexuel à faire une telle révélation.
Il n’ y a pas si longtemps que j’ai avertis mes parents de mon intention de
changer de sexe. Nous avons toujours entretenu des rapports très proches, cependant,
révéler ce « secret » a été certainement le chose la plus difficile que je n’ai
jamais faite. Il m’a fallu presque une année de thérapie pour y parvenir. Chaque
fois que je téléphonais ou que je rendais visite à mes parents, je pensais qu’il
était grand temps de leur dire.Puis, je me « dégonflais »... Et si à la suite de cet
aveu, ils me rejetaient ?
Sur les Transsexuels nous entendons tous des histoires d’horreur sur des gens
perdant leur famille, leurs amis, sur des parents reniant leurs enfants.
A un niveau de gravité moindre, nous entendons fréquemment des remarques et des
commentaires désobligeants de la part « d’amis » et de membres de la famille. Je
dois l’admettre, certains Transsexuels, de par leur comportement, provoquent
quelquefois de telles réactions. Mais ils sont extrêmement minoritaires ! Elles ne sont
pas en tous cas du fait des gens qui vous aiment vraiment.
Je me rappelle sanglotant pendant près d’une heure avant de poster la lettre qui
annonce ma décision à mes parents. A l’instant où je jetais le courrier dans la
boite, je pensais qu’ils seraient si fâchés qu’ils ne voudraient plus me voir.
Les 24 heures qui ont suivi ont été un enfer pour moi. J’essayais d’imaginer
leurs réactions, mais je n’y parvenais pas. Seront-ils conscients que malgré
l’amour que je leur porte, je suis prêt à les perde pour toujours ?
Je conçois que vous puissiez être troublés et même éventuellement en colère
contre cet ami ou ce membre de votre famille, mais vous devez comprendre l’extrême
difficulté qu’a rencontré cette personne pour vous le dire. La seule raison
qu’il s’est exposé ainsi, est l’estime ou l’amour qu’il vous
porte et la nécessité pour vous de connaître cette décision. Gardez ceci en mémoire,
cela vous aidera à surmonter la plupart des difficultés.
Qu’est exactement le transsexualisme ?
Le transsexualisme est défini comme un inconfort persistant et intense qui conduit le
sujet à vouloir changer de sexe. La meilleure manière de comprendre ce problème est de
vous imaginer se réveillant le matin et de constater que durant la nuit vous avez changé
de sexe.
Mais si votre corps est désormais différent, votre mental est resté le même. Vous
voilà donc prisonnier d’une enveloppe qui ne vous correspond pas. Vous devez vivre
avec cela toute votre vie. Si vous parvenez à comprendre cela, vous êtes sur la bonne
voie pour comprendre ce qu’éprouve un Transsexuel.
Cela signifie t-il que cette personne est homosexuelle ?
L’identité de genre et l’orientation sexuelle sont des choses différentes.
Beaucoup de Transsexuels se considèrent eux-même comme hétérosexuels et restent
attirés par des membres du sexe contraire originel. Beaucoup sont chastes.
La dysphorie de genre, comme son nom l’indique, n’implique pas de
spécificité de préférences sexuelles. La seule chose qui change sur la personne que
vous connaissez, c’est son genre, son apparence sociale. C’est très simple et
très complexe à la fois car nous avons pris par convenance et facilité d’associer
sexe, préférences et genres...
Existe-t-il des moyens pour guérir ?
Je pense que le sens du mot guérir signifie pour vous le retour à un genre dit normal
qui permettrait au sujet d’accepter son sexe physique...
Et bien non, il n’existe pas de « guérison » pour ce genre de problème. Aucun
traitement n’a obtenu de résultats probants et durables. L’identité de genre
est établie pour toujours dans les deux ou trois premières années de la vie. Dès
l’adolescence, elle est difficilement attaquable.
En revanche, une aide est dispensée par des médecins et psychologues afin que le
sujet clarifie ses sensations sur ses problèmes de genre. Si ces médecins jugent
qu’il est approprié de proposer un changement, leur aide sera indispensable pour que
la transition s’opère dans les meilleures conditions.
En tant que parent d’un transsexuel, ai-je une part de responsabilité dans
cette situation ?
Les origines de la transsexualité sont très controversées. Des études portant sur
des cas cliniques se sont révélées contradictoires. A ce jour, il n’y a aucune
raison évidente pour impliquer une responsabilité quelconque dans cette situation.
Certaines études sont conduites afin de rechercher une origine biologique, une sorte de
« commutateur de genre » dans le cerveau humain. Mais quelque soit la cause du
transsexualisme, il est clair qu’à ce jour, aucune thérapies ni pratiques
d’éducation ne parviennent à empêcher cette condition.
Vous parlez de procédé de transition. Quels sont-ils ?
La transition est une longue, merveilleuse, excitante, frustrante, heureuse et triste
expérience.
Elle commence avec l’exigence de l’honnêteté. La personne doit cessez de
nier ce qu’elle est. L’aide vient tout d’abord sous la forme d’un
psychologue formé à ce genre de problème. Cette personne devient son guide, confesseur,
thérapeute et amie. Elle traitera avec elle de tous les problèmes liés à sa
transsexualité.
Par exemple, j’éprouvais des difficultés liées à mon isolement social en tant
que mâle avec mes camarades du lycée. Elle traitera aussi avec elle des difficultés du
processus de sa transition, par exemple, des insultes qu’elle ne manquerez pas
d’essuyer...
Ou encore des relations de travail avec ses patrons et collègues, de la façon la plus
appropriée de révéler la situation à des proches... Malgré cette aide, il lui
arrivera de pleurer jusqu’à l’aube en ayant le sentiment qu’elle est la
seule personne au monde qui passe par là... Mais cette personne est aussi la première
qui applaudira à ses premiers triomphes, le jour ou quelqu’un l’a appelé
madame pour la première fois, sa première robe achetée en boutique ou à des étapes
telles que le changement de prénom ou le début de son Essai Réel de Vie. Après un
minimum de trois mois de thérapie, le transsexuel peut commencer une thérapie hormonale.
Les hormones féminisent son corps. Cela implique l’adoucissement de la peau, une
réduction du volume musculaire, une redistribution des graisses, un adoucissement des
traits faciaux, un rétrécissement de la longueur du pénis et aussi, un développement
de la poitrine.
Les hormones peuvent également susciter chaque mois des changements extrêmes et
imprévisibles d’humeur. Toutefois, étant prévenu, le sujet apprendra à
s’adapter exactement comme la femme génétique s’est adaptée aux conséquences
de ses périodes menstruelles.
Ces changements hormonaux ne provoquent pas seulement des mutations physiques. Le sujet
commence vraiment à quitter son sexe originellement assigné pour pénétrer dans celui
de son soi réel.
L’étape prochaine est le début d’une vie en femme à plein-temps connu
comme l’Essai Réel de Vie.
C’est une période de un à deux ans pendant laquelle la nouvelle femme doit
vivre, travailler et mener une vie sociale entièrement dans son nouveau rôle.
C’est l’étape la plus importante de la transition.
Pour la première fois de sa vie, le sujet est une personne à part entière, sans
devoir cacher sa vraie personnalité. Je pense que votre ami est parvenu à la veille de
cette étape, raison pour laquelle il vous a fait part de sa décision, car c’est le
temps des révélations :
Outre à sa famille et à ses amis, il doit aussi en référer à ses patrons, aux
banques, assurances et administrations diverses. Ces révélations ont été pour moi
très pénibles, mais j’ai eu de la chance, la plupart des gens ont été polis et
même supporters. Mon patron m’a offert son aide et a beaucoup facilité ma
transition. J’ai été souvent heureusement surprise.
A la fin de cette période, la personne obtient un document de deux psychologues
certifiant qu’elle est un vrai transsexuel et peut donc bénéficier de l’acte
chirurgical. Je ne vais pas aborder les détails, mais c’est une opération
douloureuse qui nécessite généralement de six à huit semaines pour récupérer une
activité normale. C’est un acte majeur mais relativement sûr. Toutefois, le
rétablissement se fera d’autant mieux que le sujet pourra bénéficier du soutien
moral de parents et d’amis.
Sera-t-elle la même personne que j’ai connue avant ?
Oui et non.
Oui, elle aura toujours les mêmes sentiments sur la plupart des choses, sa
personnalité ne changera pas profondément. Toutes les qualités que vous appréciez
avant se retrouverons après. Mais prétendre qu’il n’y aura aucun changement
serait insensé. Si vous êtes un homme, elle se comportera maintenant comme une personne
du sexe opposé. Son comportement, son maniérisme seront en accord avec son sexe et avec
les changements de votre propre comportement à son égard. Parce qu’elle sera
traitée comme un membre de son nouveau sexe, vous trouverez probablement qu’elle
sera différente. Elle sera peut-être plus extravertie ou l’inverse, elle
développera sans doute des talents que vous ne lui connaissiez pas. Elle se montrera plus
heureuse, accomplie que par le passé.
Si elle sera la même personne que vous avez connue avant, des changements évidents ne
manqueront pas de vous surprendre agréablement.
Comment dois-je me comporter avec cette personne ?
Tout dépend du type de relations que vous entreteniez avec cette personne. Selon que
vous soyez ses parents, un homme, une femme, un amant ou un copain de foot, le changement
ne sera pas le même. Toutefois, pour les parents proches, le changement est finalement
moins important que l’on pourrait croire de prime abord.
Je me souviens de la première visite chez mes parents en tant que femme. Nous étions
finalement surpris du côté « ordinaire » de cette journée. Nous avons discuté de
politique, d’actualité et de toutes autres choses comme à notre habitude. Maman
m’a parlé un peu de mode et papa semblait un petit peu plus protecteur avec moi.
Mais si les changements concrets sont finalement peu importants, un nouveau type de
relations plus subtil se met en place.
Comment dois-je parler maintenant à cette personne ?
Il faut continuer comme d’habitude. Évidemment, au début vous serez un peu
maladroit et vous confondrez les pronoms et vous l’appellerez parfois avec son
précédent prénom. Il ne faut pas s’inquiéter de cela, la plupart des nouvelles
femmes comprennent cela, et vous serez surpris de la rapidité avec laquelle vous vous
adapterez. Il faut juste continuer à la traiter en amie comme vous l’avez toujours
fait, le reste vient tout seul.
Comment puis-je lui venir en aide ?
Le seul fait que vous posiez cette question est d’une grande importance. Cela
montre que vous vous sentez concerné et vous voulez participer à la réussite de sa
mutation. En cela, vous lui prodigué un niveau de soutien que beaucoup de transsexuels ne
reçoivent hélas pas. Pratiquement, il faut être à l’écoute sans pour autant la
surcharger de questions. Une bonne chose est de l’aider au mieux en fonction de vos
compétences.
Si vous êtes une femme, vous pouvez lui offrir votre aide dans sa socialisation. En
l’emmenant faire les boutiques, en lui donnant des conseils de maquillage, vous lui
apporterez un grand soutien. Une chose importante aussi, c’est de l’inclure dans
des « discutions de filles ». Vous aurez le sentiment assez agréable de servir de
modèle à votre protégée.
Si vous êtes un homme, ce sera probablement plus dur pour vous. S’il vous plaît,
ne voyez pas son changement comme un acte de trahison envers sa caste. Exprimez lui votre
soutien par des petites attentions. J’ai été particulièrement touchée quand mon
père a passé son bras autour de ma taille en m’appelant Terry pour la première
fois.
J’aurais toujours en mémoire le message de ma mère sur le répondeur : « Il
n’est pas important que tu sois Charles ou Terry, nous t’aimons de la même
façon. Nous aimerons autant notre fille que nous avons aimé notre fils. »
J’ai toujours une larme à l’oeil quand je me rappelle cela.
Votre amie, votre membre de votre famille a pris un risque majeur en vous associant à
cet épisode de sa vie. Elle vous a exprimer la foi que vous l’accepterez telle
qu’elle est réellement. Vous avez le pouvoir d’alléger son fardeau et aussi
partager son bonheur.
Vous avez le choix.
