INTERVIEWS |
Edward
Norton, le rabbin et le pretrê
Derrière
un physique plutôt banal, Edward Norton a déjà révélé
un comédien qui joue avec brio sur des répertoires les plus
divers. Aujourd'hui, avec sa première réalisation, "Au nom
d'Anna", présenté en avant-première à Deauville
avant la sortie le 11 octobre, il ajoute une corde à son arc. Une
comédie légère sur fond d'amitié et de religion.
Edward Norton a un physique lisse, sans aspérité, celui de
M. Tout-le-Monde qui lui permet d'endosser les rôles les plus extrêmes:
psychopathe machiavélique (Primal Fear de Gregory Hoblit),
avocat idéaliste
(Larry Flynt de Milos Forman), amoureux
niais (Tout le monde dit I love you de Woody Allen), skinhead terrifiant
(American
History X de Tony Kaye), cancéreux disjoncté
(Fight
Club de David Fincher).
Derrière
son apparence ordinaire - cheveux blonds ternes, œil cerné, épaules
tombantes - se cache une personnalité rare. Edward Norton, 31 ans,
est un jeune homme studieux, secret et talentueux. Deux nominations aux
oscars, une licence d'histoire et la maîtrise de la langue japonaise.
Cérébral donc mais instinctif aussi. Il a sans hésiter
réalisé son premier film, Au nom d'Anna, présenté
en avant-première avant sa sortie le 11 octobre. «C'est
Milos Forman qui, à l'époque de Larry Flynt, m'avait conseillé
de passer sans tarder à la réalisation. A l'origine, je devais
seulement produire Au nom d'Anna. Mais Milos m'a dit de foncer, de passer
derrière la caméra sans me poser de question.»
Norton
est là où on ne l'attendait pas. Au nom d'Anna
est
une comédie légère et délurée sur fond
d'amitié et de religion. Deux amis, un rabbin (Ben Stiller) et un
prêtre (Edward Norton) ont décidé de donner un coup
de jeune à leur lieu de culte respectif, dans la joie et dans la
foi. Le premier est la star montante de sa synagogue, le second a tout
du yuppie branché. Tout irait pour le mieux dans le royaume de Dieu
si leur amie d'enfance (Jenna Elfman) ne réapparaissait dans leur
existence. Cette «pom-pom girl» des temps modernes,
très craquante, va semer le doute et la tentation... Lorsqu'on demande
à Edward Norton s'il a réalisé Au nom d'Anna parce
qu'il a la foi, il vous regarde de manière suspecte comme si vous
l'interrogiez sur son petit déjeuner ou, pire, sur sa petite amie
du moment. «C'est très indiscret
et personnel... Je suis protestant»,
glisse-t-il en rougissant.
Aucun doute en tout cas sur son perfectionnisme.
«Nous
avions deux conseillers religieux, un rabbin et un père. J'ai assisté
aux offices du prêtre. Mon sermon est identique au sien. J'ai également
utilisé son principe du Quizz qui teste les connaissances de ses
paroissiens! Authentique aussi le rabbin qui inscrit tous ses rendez-vous
sur son palm-pilot: funérailles, barmitzva...» Côté
style, Edward Norton dit avoir été influencé par «les
comédies des années 30-40 signées Cukor. Elles étaient
à la fois drôles, sophistiquées et intelligentes».
Quant à sa vocation d'acteur, il confie avoir eu la révélation
«à
6 ans. Ma mère m'avait emmené voir une comédie musicale.
Dès le lendemain, je décidais de prendre des cours de théâtre».
Malgré
ses dons, il a raté deux fois les auditions d'entrée à
l'Actors Studio. Plutôt ironique puisqu'il s'inspire beaucoup de
la Méthode et qu'on le compare à DeNiro, Norton a pris 15
kilos de muscles pour incarner le néonazi d'American History
X. «Je crois que l'Actors Studio n'est plus
ce qu'il était. Je ne regrette rien.» Peu importe,
en effet. Aujourd'hui c'est en quelque sorte l'Actors Studio qui vient
à lui: il tourne au côté des mythiques Marlon Brando
et Robert DeNiro dans le thriller The Score de Frank Oz. Intimidé
d'être pris en sandwich entre deux légendes? «Non.
Je connais Marlon depuis des années. J'aime sa grande sensibilité.
Il est très poétique et pas du tout macho comme on pourrait
l'imaginer. Quant à DeNiro, il est tout simplement excellent!»
Deauville:
Emmanuèle Frois
Publié
dans le Figaro Quotidien du dimanche 10 septembre, page 37
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Réalisateur
de Nom D'Anna
«J'AI
TOUJOURS BEACOUP AIME LE CINEMA FRANCAIS !»
Avec
AU NOM D'ANNA, Edward Norton, l'un des jeunes acteurs les plus brillants
de sa génération, signe sa première réalisation.
Cette histoire d'amour et d'amitié, avec la religion pour toile
de fond, possède une originalité et une fraîcheur qui
font trop souvent défaut aux comédies romantiques. Une bonne
surprise.
La présence de Ben Stiller,
lui aussi acteur réalisateur, vous a t-elle rassuré ?
Edward
Norton : Oui,
c'était bien d'avoir Ben qui lui aussi a réalisé.
D'autant plus que lorsqu'on est soi même dans le film on n'a parfois
pas assez de recul pour voir ce qu'on fait réellement. Ben est quelqu'un
qui connaît les problèmes, les difficultés que ça
peut représenter, avec évidemment un regard de sympathie
et de compréhension. De ce côté là, c'était
vraiment bien.
En tant qu'acteur, comment choisissez-vous
vos rôles ?
Edward
Norton : D'abord, je n'ai pas décidé consciemment
que c'était les rôles qui m'intéressaient. C'est vrai
que plus le personnage comporte de facettes, plus il est intéressant,
comme dans FIGHT CLUB avec cette sorte de dichotomie entre les deux aspects
dans mon personnage et moins dans les autres. Dans AMERICAN HISTORY X,
c'est plus une évolution du personnage que deux aspects contradictoires.
La complexité et la richesse d'un personnage font qu'un comédien
choisit un rôle plutôt qu'un autre.
Le
film se rapproche des comédies à l'ancienne comme PHILADELPHIA
STORY, NEW YORK MIAMI, ou de films plus récents comme QUAND HARRY
RENCONTRE SALLY. Est-ce que ces films ont eu des influences sur vous ?
Edward
Norton : Quand on va voir des films il est évident qu'on
est influencé. C'est aussi valable pour toutes les autres formes
d'art. Les peintres, les sculpteurs ont vu des œuvres d'art et les ont
intériorisées. Personne ne peut nier les influences que l'on
peut avoir dans son propre travail. Ce n'est pas une chose négative
parce qu'on profite de ce qui a été fait, ça fait
partie de notre inconscient. En revanche, au moment où on commence
à travailler, on oublie, même si on y a pensé pendant
la préparation. Personne, même les plus grands, que ce soit
Scorsese, Milos Forman, David Fincher, aucun d'eux ne vous dira qu'il n'a
pas été inspiré par le travail de ceux qui les ont
précédés. Moi j'ai bien sûr pensé à
PHILADELPHIA STORY, mais aussi à JULES ET JIM. Non pas que ce soit
le même genre de film, mais parce qu'il y a ce triangle, cette relation
avec ces trois personnages qui était très intéressante.
C'était aussi le cas dans BROADCAST NEWS où l'évolution
de la relation était très importante et intéressante.
Au delà de l'histoire
d'amour et des consciences de ces deux hommes d'église, Avez-vous
eu l'intention de montrer la possibilité de rendre la religion plus
" attrayante " ?
Edward
Norton : Evidemment, je n'ai pas fait le film pour ça,
ce n'était pas du prosélytisme du tout. Mais quand on fait
un film, une œuvre d'art, on espère arriver à communiquer
avec les gens aider à ce que la communication avance donc si c'est
quelque chose que l'on éprouve ou que l'on voit dans le film, c'est
parfait, ça va dans le bons sens même si ce n'était
pas le but de départ
L'approche
du milieu juif est assez étonnante et précise. Quel est votre
rapport personnel avec la religion ?
Edward
Norton : Ce
ne sont pas des membres de ma famille. On m'a fait un beau compliment à
la sortie du film, le président du studio qui a produit le film
et qui est juif m'a dit qu'il ne pouvait pas imaginer que le film avait
été réalisé par un non-juif, c'était
un très beau compliment. En fait, je me considère un peu
comme un juif honoraire, si on est allé à au moins dix bar-mitsvas
on a le droit, je crois d'avoir ce certificat de juif honoraire. Sinon,
j'ai grandi avec une communauté d'enfants où il y avait beaucoup
de juifs et de non-juifs donc c'est vrai que c'est une culture qui m'est
très très familière. Je connais d'ailleurs mieux le
service religieux juif que la messe catholique.
Dans quelle mesure vous êtes
vous investi dans l'écriture du scénario ?
Edward
Norton : Il
y a trois ans que Stuart…. Un ami d'université a écrit le
scénario déjà à l'époque nous avions
écrit beaucoup de choses ensemble. C'est mon meilleur ami et notre
travail d'écriture s'est poursuivi au fil des années. L'histoire
est un peu celle qui est arrivé autour de Stuart dans sa famille.
IL y avait effectivemnt une histoire avec une jeune fille non juive. Tout
ça était un peu son inspiration et quand il m'a montré
le scénario, nous avons travaillé ensemble pendant un an
dessus. C'est vrai qu'au moment où l'on commence à tourner,
il faut vraiment s'approprier le scénario. C'st une chose normale
et naturelle, c'est toujours le cas. A un moment donné, il faut
s'approprier le scénario mais ça a été un vrai
travail en commun.
Pacino,
De Niro. Comment vous situez-vous par rapport à la méthode
de l'Actors studio ?
Edward
Norton : J'ai auditionné deux fois pour l'actors studio
et les deux fois, ils m'ont refusé mais ca ne m'embête pas
trop car Dustin Hoffman m'a dit qu'il avait été refusé
7 fois et après avoir fait LE LAUREAT, ils lui ont dit qu'ils seraient
très contents de l'avoir et à ce moment là Dustin
leur a répondu " Allez-vous faire foutre, je n'ai pas besoin de
vous ! "C'est vrai qu'on a tendance à utiliser la méthode
de l'actors à toutes les sauces Il ne faut pas oublier qu'il y a
eu des profs comme Lee Strasberg, Stella Adler.. mais ces gens-là,
on disait tous qu'ils enseignaient la méthode mais ils avaient tous
des méthodes complètement différentes de jeu. De nos
jours, la méthode c'est de se donner à fond dans son travail
et le prendre au sérieux et s'y commettre complètement. Il
n'y a pas une technique ou une seule méthode qui soit bonne. Les
professeurs qui m'ont véritablement apporté quelque chose
sont ceux qui m'ont donné la possibilité de travailler de
plusieurs manières différentes, qui avaient une approche
pluraliste du travail.
Pouvez-vous
nous parler un peu de votre travail avec Marlon Brando et Robert de Niro
sur THE SCORE de Franck Oz ?
Edward
Norton : Nous sommes en train de tourner et c'est magnifique.
Comment est ce que ca pourrait ne pas l'être. J'ai une immense admiration
pour Marlon Brando et Robert de Niro, ce n'est pas un film très
profond mais on accepte de faire un travail pareil sans hésitation
quand on travaille avec de tels comédiens. C'est aussi pour ça
que l'on fait ce métier, c'est formidable ! Il s'agit de l'histoire
d'un vol dont Marlon Brando est le cerveau, l'instigateur.
Quel est votre rapport avec la
culture française ?
Edward
Norton : J'ai appris mon mauvais français à l'école
publique américaine car c'était une langue obligatoire à
l'époque. J'ai toujours beaucoup aimé le cinéma français.
Quand on étudie le cinéma, on étudie forcément
la nouvelle vague française et donc c'est ce que j'ai fait et je
la connais très bien. J'ai aussi vu tous les films de Truffaut de
Godard. J'aime particulièrement JULES ET JIM mais aussi LE DOULOS,
de Jean- Pierre Melville, je me souviens particulièrement bien de
certaines scènes totalement extraordinaires car je trouve que Jean
Paul Belmondo est un peu le de Niro français. Il est tout à
fait cool…
CPlanet
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