Appel aux démocrates

 

Par Martin EDZOZOMO-ELA

 

“ Excellences messieurs les membres et responsables de l’Europe [...] si vous voyez que nous sacrifions et exposons nos vies, c’est parce qu’on souffre trop en Afrique et qu’on a besoin de vous pour lutter contre la pauvreté et mettre fin à la guerre en Afrique ”    (Fodé Tounkara, 15 ans et Yaguine Koïta, 14 ans : “Martyrs de l’Afrique néo-coloniale”)[1]

 

 

Madame,

Monsieur,

 

Cher(e)  ami(e) du Gabon et autres hommes femmes de bonne volonté de par le monde,

 

Depuis 1990, le peuple gabonais à engagé sa marche dans l’histoire humaine en entreprenant avec comme les autres peuples du continent africain l’expérience de la liberté retrouvée, et donc de la démocratie.

 

Nous devons organiser ce processus pour que la démocratie devienne levier de progrès économique et social dans notre pays, mais qu’elle soit aussi porteuse d’une plus grande émancipation de l’homme.

 

Or, pour Foccart, l’alter ego du Général De Gaulle, le fondateur des États post-coloniaux francophones d’Afrique Noire, comme pour ceux qui continuent à maintenir le système qu’il a mis en place, à s'en prévaloir, ou mieux encore s'appliquent à mettre en oeuvre ses idées dans les relations que la France entretient avec le continent noir, l'exercice du pouvoir en Afrique se résume entre autres à un État fort et, au besoin, autoritaire; ce qui permet une stabilité incarnée par un président tout puissant et, surtout, une détermination de ce dernier à veiller au maintien des liens personnels et “ privilégiés ” avec la France.

 

Ainsi, en Afrique au Sud du Sahara, le pouvoir politique s'exerce directement sur l'individu de façon despotique. C'est un pouvoir tyrannique où l'arbitraire des désirs du tyran se substitue à la loi. Il se manifeste sous la forme de gouvernement où la terreur remplace le droit, et un régime politique où la crainte se substitue à la légitimité.

 

Dans l'État despotique néo-colonial, un seul homme, sans loi ni règle, entraîne tout par sa seule volonté et ses caprices. Aux litiges publics, aux débats collectifs, se substituent les intrigues politiciennes, les querelles de famille et les calculs clientélistes. Tout se réduit à concilier le gouvernement politique et civil de la nation avec le paternalisme domestique, les officiers de l'État avec ceux du sérail.  Les “ amis ” c’est-à-dire les vassaux qui, dans les anciennes colonies africaines de la France, ont été placés à la tête de ces États post-coloniaux  par l'ancienne métropole, sont des prototypes du dictateur en Afrique.

 

Mais lorsque ces "régimes forts", de dictature néo-coloniale, ont à affronter une crise ou un échec  dans le domaine de la politique, le manque de légitimité populaire finit par devenir une source critique de faiblesse malgré leurs appuis extérieurs et la loyauté des élites intérieures. Certes, ces régimes autoritaires ne seront pas pour autant convertis à la démocratie du jour au lendemain pour se maintenir au pouvoir, car ils demeurent victimes de leur incompétence ou de leurs erreurs de calcul. Ils ne s'attendent généralement pas à perdre les élections auxquelles ils se soumettent d'eux-mêmes. Il est cependant un fait que le plus intransigeant des dictateurs croit toujours qu'il doit se donner au moins un verni démocratique en organisant des élections. C'est ainsi qu'à chaque fois, l'abandon du pouvoir par des "hommes forts" se fera au prix de risques personnels considérables, parce que les dictateurs perdent du même coup leur principale protection contre la vengeance de leurs victimes. Ceux-ci tiennent subitement en leurs mains le sort du pouvoir du dictateur. Il n'est donc pas surprenant que le régime autoritaire soit chassé du pouvoir par l'idée même de démocratie.

 

Pour les maintenir au pouvoir malgré tout, la métropole leur apporta la “ Paristroïka ” mitterrandienne : “ Acceptez le multipartisme, placez-vous au-dessus de la mêlée et on vous garantit l’impunité ”, message lapidaire au syndicat des chefs d’État du pré-carré du Président français, François Mitterrand, en 1990, alors que le vent de démocratisation venu de l’Est avec la chute du Mur de Berlin déferlait sur les dictatures du Tiers Monde.

 

En effet, pour Paris, il n’y a pas d’alternance possible au niveau des présidences africaines en dehors de ses féaux serviteurs, anciens commis ou anciens “supplétifs de La Coloniale ”.  Rappelons à cet effet que la France, en réalité, n’aime et n’accepte sur les États de son pré-carré africain que ses marionnettes et ses valets conformes au système néo-colonial mis en place par Foccart.  Car pour elle : “ Il s’agit de prolonger l’état de dépendance de la colonisation sous d’autres formes. {... }  Et c’est au Gabon qu’on trouve la forme la plus achevée d’influence.  Omar Bongo a été choisi et mis en place à la présidence en 1967 dans des conditions singulières : Jacques Foccart avait organisé à Paris un simulacre de passation avec Léon Mba...soigné alors pour un cancer dans sa phase terminale.  Les liens très forts qui en ont résulté ont été confortés et pérennisés par un noyautage intensif de l’entourage du président Bongo et de ses principales administrations... ”[2].  Depuis lors, Bongo a régné en potentat grâce à ses multiples appuis et complicités de l’Hexagone. Résultat : “ La chute de la Maison Gabon ”, ou “ Comment un pays de 1 million d’habitants et qui produit 18 millions de tonnes de pétrole ne peut plus payer ses dettes ” comme l’annonce en couverture l’hebdomadaire Jeune Afrique

 

(à suivre…)

 

 

 

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[1]Lettre retrouvée le 2 août, sur le corps sans vie de ces deux collégiens guinéens, “ martyrs africains ” comme tant de milliers d’autres enfants, adultes et vieillards, victimes du pillage de leur continent, de dictatures ruineuses, de l’entretien des guerres civiles ; véritable tragédie sociale dont les “ dirigeants de l’Europe ” ont une grande part de responsabilité.

[2]Pierre Marion, LA MISSION IMPOSSIBLE à la tête des Services Secrets (Calmann-Lévy), p.101-104.