“ Le suffrage est universel, égal et secret ”
(Art. 4 (alinéa 1) de la
Constitution Gabonaise)
“ Un homme,
un vote ”
(Une
question de bon sens, ou l’indispensable révision de la loi électorale actuelle)
Par Martin Edzodzomo-Ela
Dans une démocratie, le législateur
obtient son mandat du peuple par la voie de l’élection. Ce mandat doit
correspondre aux différentes aspirations de ceux dont les suffrages lui sont
nécessaires pour être élu. Les tendances diverses au sein de l’opinion publique
courante se communiquent ainsi à l’assemblée par le canal de la volonté de ce
corps électoral que le législateur représente. Le volume du corps électoral
ainsi représenté détermine l’attitude du législateur et la composition
politique de l’ensemble de la représentation nationale ainsi que le caractère
des lois élaborées. Il est évident, dès lors, que les hommes et les femmes qui
briguent des charges électives, et des groupements politiques qui présentent
des candidats à ces charges, doivent garder à l’esprit les caractéristiques du
corps électoral auquel ils font appel.
Dans la conception de la démocratie
représentative, le corps législatif est l’organe représentatif. Mais, qu’a-t-il
à représenter ?
On peut dire qu’il représente
“ le pays ”, “ la nation ”, “ le peuple ”. Chaque
représentant correspond à un échantillon miniaturisé de l’ensemble. Mais
quelles sont les modalités de cette représentation et comment doit-elle être
élaborée ? Dans quelle proportion les parties du tout doivent-elles être
représentées ? En outre, quelles sont les divisions du pays, de la nation
ou du peuple qui sont prises en compte pour être représentatives ?
Toutes questions qui ne sauraient
être éludées et qui méritent une attention particulière de la part de tout
responsable politique soucieux de faire prévaloir les intérêts du peuple sur
ceux des coteries et autres groupes particuliers. Dans un système de
gouvernement démocratique, les réponses à ces différentes interrogations sont
données dans le Code électoral : une loi démocratiquement élaborée qui
détermine les modalités des élections aux fonctions de représentation du
peuple.
Notre loi fondamentale en énonçant,
dans son article 4, que le vote est égal pour tous, a opté clairement pour un
système de représentation égalitaire à tous les niveaux, c’est-à-dire que
l’égalité de base des citoyens leur donne une égalité de représentativité,
principe cher à tous les grands démocrates de tous les temps et de tous les
continents. Le principe rendu célèbre par Nelson Mandela et tous ses
compatriotes de l’ANC dans leur lutte contre l’apartheid. On peut donc penser
que l’esprit de notre loi fondamentale veut que la représentation des citoyens
à la chambre législative soit basée sur un rapport d’égalité pour tous les
citoyens : un homme, un vote où chaque élu doit se prévaloir d’un
même nombre d’électeurs, et qu’un élu ne peut parler au nom d’un groupe
d’électeurs privilégiés. Personne dans la représentation ne peut et ne doit
parler au nom d’un échantillon plus petit par rapport à celui d’un autre élu.
Tous les échantillons miniaturisés de l’ensemble de la nation qui sont
représentés à l’assemblée législative doivent avoir la même valeur numérique et
représenter la même quantité de citoyens égaux.
Aujourd’hui, l’exigence de révision
du Code électoral répond aux seuls critères implicites de la démocratie qui
requiert une égalité des chances à tous les citoyens adultes et une égalité de
statut entre les citoyens. Ce qui impose une juste et équitable représentation
dans le cadre d’une démocratie représentative. Chaque citoyen détenteur d’un
mandat doit pouvoir parler au nom d’un échantillon du corps électoral de même
importance numérique que celui des autres représentants.
Du point de vue de la démocratie,
personne ne peut contester la valeur générale de ce principe. Le citoyen pris
individuellement est certainement l’unité de base qui fonde le démos,
ceci est aussi vrai dans les démocraties modernes. Ce critère fondamental est
devenu la norme essentielle pour l’application de l’idée et du principe
d’égalité dans l’expression de la souveraineté du peuple. Aucune dérogation à
ce critère ne saurait être admise dans un processus électoral basé sur la norme
démocratique. Un homme, un vote. Une représentation qui ne respecte pas ce
principe impose de facto à la société, dans sa représentation, une sorte
d’apartheid inadmissible.
Aucun argument valable ne peut être
opposé au principe de l’égalité numérique dans la représentation du corps
électoral d’un pays démocratique. En effet, tout argument qu’on veut opposer à
ce critère est indéfendable. Cependant, il en est qui méritent notre attention.
Par exemple une représentation idéale doit être équitable. Mais, comment
traduire l’équité qui est une qualité, par des nombres qui sont des
quantités ?
Quand on pose le problème de la
représentation équitable, il y a celui des caractéristiques du système
électoral à considérer. Les combinaisons qu’on peut imaginer entre la
mathématique du décompte des suffrages et les systèmes de répartition de ces
suffrages pour considérer l’élection d’un candidat sont pratiquement
innombrables. Mais on doit les juger en fonction de l’efficacité avec laquelle
elles permettent d’atteindre les buts recherchés. Le premier but d’une
élection est le contenu de la représentativité : savoir ce que veut le
peuple. Le deuxième qui découle du premier est de s’assurer qu’il y a une
nette majorité du corps électoral qui désire que les gouvernants agissent d’une
certaine façon. Les systèmes électoraux sont conçus pour dégager à un moment
donné une majorité dans l’opinion, et qui s’identifie pour un temps à la
mission de gouverner que le citoyen délègue à la représentation qu’il choisit.
Cette majorité inspire les lois qui sont faites, tout en assurant à la partie
de l’opinion minoritaire du corps électoral
une représentation suffisante pour lui permettre de se protéger
convenablement des lois et agissements de la majorité du moment. Il n’existe
pas en l’occurrence de système idéal pour réaliser parfaitement cet objectif.
L’expérience donne aujourd’hui le
choix entre deux systèmes, dont aucun n’est parfait. L’un divise l’État en de nombreuses petites
circonscriptions dont chacune sera représentée dans le corps législatif par une
seule personne. L’autre divise l’État en des circonscriptions plus grandes,
dans chacune desquelles les électeurs peuvent choisir plusieurs représentants.
Le système de représentation unique
par circonscription a l’avantage de la simplicité. Le choix qui lui est
présenté étant limité à un individu. L’électeur a moins de difficulté à décider
pour qui il vote. Il convient dans notre pays à la circonscription rurale
sous-peuplée, dont la représentation doit répondre cependant à la norme
démocratique de représentativité égalitaire : chaque élu représente un
même nombre d’électeurs.
Le système qui divise l’État en
circonscriptions électorales plus importantes, désignant chacune plusieurs
représentants, augmente les chances d’une meilleure représentation de toutes
les tendances politiques engagées dans la compétition. Chaque tendance peut, en
organisant ses partisans sur toute l’étendue de la circonscription, obtenir
suffisamment de suffrages pour faire élire un ou plusieurs représentants, dans
la proportion des voix obtenues. C’est le système de représentation
proportionnelle que l’on pourrait appliquer dans les agglomérations urbaines où
les populations plus concentrées sont en nombre plus important que dans les
zones rurales.
C’est un fait que dans un pays, la
population n’est jamais répartie également. Elle est particulièrement
concentrée dans les grandes villes, et très dispersée dans les zones rurales.
Le tout est de savoir ce qui va être représenté à l’Assemblée : le pays,
c’est-à-dire les espaces territoriaux, la nation, le peuple, c’est-à-dire le
citoyen ou l’individu ?
La concentration urbaine procure
beaucoup d’avantages politiques en démocratie. La proximité rend l’organisation
plus facile. Il y est plus facile aussi de mener campagne parce que le candidat
à une fonction élective peut atteindre plus aisément l’électeur, et ce dernier
y a de meilleures possibilités de faire connaître ses désirs. Ce qui rend le
rapport de la représentation en démocratie plus responsable.
Une représentation équitable doit
tenir compte de cette donnée pour respecter le principe d’égalité en démocratie
républicaine.
Sur la base du Recensement général
de la population et de l’habitat du 1er juillet 1993, du Ministère
de la Planification et de l’aménagement du territoire du Gabon, nous pouvons
avoir une indication objective et réaliste de ce que devrait être une
représentation démocratique juste et équitable au sein du corps législatif de
notre pays, et sur quelle base on devrait faire le découpage des
circonscriptions.