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Numéro 1: Christophe RICHARD
L'interview
Les news des expat
L'INTERVIEW DU MOIS
Le pays du mois
  Nom:   OUDIN            
  Prénom:   CHRISTOPHE  
  Promotion: 1989      
  Pays d'accueil: TAIWAN  
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Le Portrait du mois
Ca fait  5 minutes que Mr Wu, l'un de mes distributeurs taiwanais, regarde le fond de sa tasse de thé, sans rien dire. Ca fait plus de 2 heures que nous sommes assis sur ces banquettes basses en bois bien dur. Wakabayashi mon Chef des ventes japonais, est vert. Taiwan est son seul pays export et cette négociation est cruciale pour lui. Nous allons y passer plus de 4 heures, comme le mois dernier.C'est l'Asie
Reportage
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LANCONS LE DEBAT
Peux-tu nous présenter ton parcours professionnel ?
Tout a commencé beaucoup plus tôt, en 1988 exactement. Après quelques atermoiements en écoles d'ingénieur, mon BTS Electrotechnique en poche, je passais le concours d'une école qui n'était même pas encore construite, l'ESIDEC. Passage sous les drapeaux pour cause d'âge avancé, j'ai fait ma rentrée en 89 avec la deuxième promo. TJ et Mourot étaient déjà les piliers de l'établissement (l'ESIDEC, pas seulement l'Electron!). Une deuxième année à Reutlingen pour découvrir la langue de Goete, Ghoete, Gohete, allemande, mon diplôme ESIDEC, et me voilà Chef de produit chez Jungheinrich, un grand constructeur allemand de chariot élévateurs. Par la suite, près d'une dizaine d'Esidec ont fait un passage plus ou moins long dans cette société.      
Après 6 ans, avec des fonctions différentes (chef de projet, responsable de département...), j'en ai eu marre des bouchons parisiens et j'ai démissionné pour amener ma tribu dans les montagnes du Grésivaudan, entre Grenoble et Chambéry. Mes trois rejetons, ma femme et moi, nous nous sommes rapidement habitués à aller au ski tous les Week-end, à voir le Mont Blanc de la fenêtre et à faire la fête à la moindre occasion. J'avais été embauché comme Chef des ventes France chez Wheelabrator Allevard, le leader mondial de la grenaille d'acier. Avant de venir dans la vallée, je ne savais même pas que cela existait ! J'avais hérité d'une équipe de 5 vendeurs, âgés de 47 à 57 ans, avec 4 à 22 ans d'ancienneté. Quatre ans après, entre les départs en retraites et les remaniements divers, j'avais embauché et formé 4 nouveaux avec un profil différent, j'avais réorganisé la Belgique qui m'avait été attribuée en cours de route, et je commençais à m'ennuyyer.     
Qu'est ce qui t'as poussé à partir en Asie ? Y es-tu bien installé ?
"Oudin, ça te dirait d'aller en Asie ? Toi qui râles toujours que tu veux du changement, tu serais servi." Avec Martine , ma femme, on a réfléchi, le lendemain on disait oui. A 35 ans, c'est un beau challenge. Trois semaines plus tard, on atterrissait à Taipei, juste après un énorme typhon, pour avoir une première vision du pays.    
Nous avions fait le voyage d'exploration ( essentiellement pour trouver une maison et inscrire les enfants à l'école) en juillet. J'ai pris le poste Asie en Septembre et ma famille est arrivée un mois plus tard. Je suis Sales manager pour le Japon, la Chine et Taiwan. J'avais choisi d'installer ma famille à Taiwan pour la qualité de vie. Je trouvais le Japon un peu austère, que ce soit dans la région de Tokyo, ou Nagoya où nous avons l'une des 16 usines du groupe. J'aurai pu également m'instaler en Corée près de Pusan ou nous avons également une usine, ou encore près de nos bureaux de Séoul. La corée étant un gros facteur de divorce pour les expats, je me suis abstenu ! Shanghai était une option très intéressante, nous y avons des bureaux et une petite usine, la ville est en plein boom, passionnant pour un jeune couple ou un célibataire, mais la transition avec mes montagnes du Grésivaudan aurait été trop rude. Il n'y a pas une forêt ou un espace naturel à moins de 200 km à la ronde et les bouchons parisien font petit bras à côté de Shanghai. Très peu pour moi ! A Taiwan, je suis dans une belle maison sur les hauteurs, en bordure du parc national et à 800 m de l'école Européenne (Française, Allemande et Anglaise). A 2 km, nous pouvons nous balader sur un plateau avec des buffles en liberté, des fumerolles et les sources chaudes du volcan. Comme le disait le représentant Français à Taiwan, les 3 dangers principaux sont: Les typhons, fréquents et violents (en septembre avec le typhon Nari, il est tombé plus d'un mètre d'eau en 24 heures, avec des vents à plus de 130 km/h), les tremblements de terre, et les voisins chinois qui ont tous leurs missiles braqués sur l'île! Mais globalement, la vie est très agréable et les taiwanais sont très cool sauf en affaires.     
En quoi consiste ta fonction de responsable pour la Chine, le Japon et Taiwan ?
Pour chacun de mes trois pays, mon boulot est très différent :
ATaiwan, pour un pays qui fait 400 km sur 130 (plus petit que la Hollande) nous avions plus de 25 distributeurs pour 7 marques du groupe. Un vrai bordel. Tant que la croissance était au rendez-vous, nous avons laissé jouer. Maintenant que le pays est en récession et que la majorité des industries s'installent en Chine continentale (plus de 80% des fonderies ont déjà émigré ou ont ouvert des filliales en Chine au cours des 2 dernières années), les distributeurs se font la guerre entre eux au lieu de s'occuper des vrais concurrents. Mon rôle est de rationaliser tout ça et d'accompagner la baisse du marché (-15 à 20% par an !!!) pour sauver ce qu'il reste de marge.   
En Chine, nous avons moins de 2% du plus gros marché potentiel solvable de la planète. A titre de comparaison, nous avons environ 50% de part de marché au niveau mondial. Le challenge est de taille. Mon rôle est d'organiser le circuit de distribution directe, de recruter et former la force de vente locale. Installé depuis 1997 sur place, nos ventes n'ont jamais décollé, faute d'une organisation et d'une stratégie commerciale adaptée au marché local, à la mentalité très particulière et aux infrastructures largement différentes du pays        
Au Japon, notre usine et l'équipe de vente sont de bon niveau, mais l'économie japonaise s'enlise durablement dans la crise. Mon rôle est de coacher l'équipe de vente pour leur faire perdre certaines habitudes culturellement ancrées et de les réorienter peu à peu vers une dynamique commerciale adaptée aux temps de crise. 
Es-tu amené à voyager fréquemment?
En pratique, je suis en déplacement 3 à 4 jours par semaine, essentiellement en Chine. Quand vous avez le choix entre 20 heures de train (aller simple !) ou 1 heure et demi d'avion le samedi pour le seul vol de la semaine, vous travaillez le week-end. Sur la carte de Chine, je voyais moins de 2 cm entre l'aéroport et la ville de mon client. Mon vendeur me dit : "c'est de l'autoroute, il y a 350 km, il nous faudra un peu plus de 5 heures." En fait d'autoroute, c'est une nationale à péage avec des trous et des bosses dignes du Paris-Dakar. Je croyais que c'était une 2x2 voies, en fait, chacun roule sur les quatre voies dans l'anarchie la plus totale. On double même à gauche ceux qui viennent en sens inverse (essayez, vous verrez, c'est très impressionnant). Les motos tricycles et les vélos se fraient un chemin entre les trous et les camions, il y a très peu de voitures. Au milieu de nulle part, il y a toute une industrie automobile (en joint-venture avec Citröen). Les usines et la ville avaient été établies là durant la guerre froide car c'était à l'époque hors de portée des missiles balistiques Russes et Americains. Le choix idéal.
Quelle est la situation industrielle de ces trois pays et quels sont les différences de mentalité auxquels tu as dû t'adapter ?
Dans les industries qui me concernent (fonderies, forges, aciéries, mécanique et tôleries...), j'ai trouvé 3 types d'instalations. Il y a des usines équipées avec des machines européenes dernier cri. Ces usines ultramodernes produisent avec plus de bonne volonté que de savoir-faire. Elles servent généralement de laboratoire pour les autres industries analogues. Viennent ensuite de belles usines bien propres ou la plupart des machines sont d'excellentes copies des machines européenes, americaines ou japonaises. Ce sont ces sites qui sont le plus à la recherche de qualité et de productivité. Ces industries sont le fer de lance de le Chine de demain. Enfin, on trouve les bonnes vieilles usines qui n'ont pas bougé depuis 50 ans, qui servent essentiellement de garderie pour une main d'oeuvre pléthorique. Avec le mouvement engagé ces dernières années par Pékin, ce type d'usine est condamné à court terme. Le gouvernement s'est lancé dans une course effrénée pour se mettre au niveau des critères mondiaux de qualité et de productivité. Pour l'analyse des coûts et la compta analytique, vous repasserez. C'est une autre planète et ce n'est pas leur problème pour le moment. Les gens sont dans une logique de revenu à court terme, voire immédiat, et le gouvernement central dans une logique d'investissement à moyen et long terme. Les sommes engagées sont colossales, à l'image du pays. Les chinois apprennent très vite et cette nouvelle révolution va bouleverser en quelques 50 ans de système communiste. Sur 1.4 milliards d'habitants, plus de la moitié sera laissée pour compte, mais 700 millions seront là pour jouer un rôle de premier plan au niveau mondial. Comme Taiwan, les négociations commerciales sont un rapport de force, très dur, mais toujours avec le sourire. L'important est de ne pas perdre la face, et surtout de ne pas être le plus faible. Les notions de réciprocité et de négociation win/win sont à oublier. Votre partenaire restera avec vous tant qu'il en tirera un bénéfice substantiel en numéraire ou en savoir faire. Après c'est chacun pour soi.               
Au Japon, l'approche est différente. La prise de décision est collégiale, tout comme la responsabilité et l'application de ces décisions. Ce n'est pas parce que vous êtes le patron que votre décision sera appliquée. J'ai payé pour le savoir. Toutes les décisions, de la couleur du papier toilette à la stratégie à long terme de l'entreprise, sont discutées et entérinées dans des réunions avec au moins une demi douzaine de personnes, dont les trois quarts n'ont rien à voir avec le sujet débattu. Le processus est très long, mais quand la décision est prise avec consensus, elle est appliquée par tous et sans discussions. Le système de distribution au Japon, pour tous les produits, est basé sur une cascade d'intermédiaires, les Shosha. Avec la crise, ce système est en train de voler en éclat et cette révolution culturelle est très dure à accepter pour les japonais.   
Et ton integration en asie ?
Pour ma famille, la situation n'est pas évidente. L'adaptation de ma femme et de mes trois enfants (un fils de 8 ans et deux filles de 6 ans) s'est bien faite, mais ce n'est pas facile. Les milieux expat sont souvent un peu prout-prout et ce n'est pas vraiment notre genre. Heureusement, il y a beaucoup de jeunes (relativement !) comme nous qui se concentrent sur les côtés positifs et oublient les menus désagréments quotidiens. Pour ceux qui partent en couple, il faut être bien soudé au départ, sinon, divorce assuré dans l'année. Martine, ma femme a abandonné un poste de responsable marketing pour me suivre. Même si les occupations quotidiennes multiples ne lui laissent que peu de temps pour s'ennuyer, on ne peut pas vraiment parler d'épanouissement personnel. Certaines épouses d'expat qui se balladent de pays en pays depuis des années passent leur temps enfermées chez elles à regarder TV5, le pied. La decouverte de la vie et de la culture locales est passionnante pour ceux qui s'en donnent la peine. Rien que l'apprentissage de la langue est un défi superbe. Pour l'anecdote, j'avais appris le mot pour saluer le matin : Zaho. Je le disais avec beaucoup de coeur tout les matins à mes collègues. Manque de pot, je n'utilisais pas les bonnes intonations, et au lieu de dire bonjour , je disais...Fuck!!!Ceux qui ont vu Rush hours II comprendront. Les enfants apprennent et utilisent l'anglais et le chinois à l'école. Ils font des progrès fulgurants et c'est assez frustrant. Qand je répète 5 fois la même chose à un commerçant en faisant les variations d'intonations possibles, et que finalement mon fils prononce une seul fois le mot magique et que le chinois lui donne la réponse que j'attendais depuis 10 minutes...je me dis : Pourquoi tant de haine ! "
Pour un expat, cette experience est dure mais passionnante. Le premier écueil est le temps. Le temps n'a pas la même durée en Asie, et il faut apprendre la patience. Il est tout aussi illusoire de vouloir imposer ses methodes occidentales que de vouloir singer la culture locale. Il faut trouver la troisième voie qui sera une adaptation des deux approches précédentes. Après six mois sur place, je peux vous dire que ce n'est pas évident, et quand après s'être pris quelques bonnes baffes, on commence à voir les résultats positifs, on est en droit d'être fier.
Je compte passer au moins 3 ou 4 ans en Asie. Après, Inch halla comme on ne dit pas là- bas. La vente m'amuse beaucoup moins et je préfère m'orienter de plus en plus vers le management, l'organisation et le marketing opérationnel. On vera bien ce que me proposera la société d'ici là.     
Pour ceux que l'Asie intéresse, vous pouvez me contacter à l'adresse Zimeille suivante : christophe.oudin@wheelabrator.com