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DOSSIER : la traduction juridique et assermentée
(Juillet 1999)
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La
formation des traducteurs juridiques Article de Jacques Pelage, enseignant à l'ESIT. A ma connaissance, la traduction des textes juridiques est enseignée dans trois cadres différents : des universités ou facultés de droit, des établissements formant à la traduction juridique, des écoles de traducteurs généralistes. Dans le premier cas, les étudiants ne se destinent pas, en général, au métier de traducteur ; leur bagage cognitif sacquiert au cours de leurs études de droit ; laccent doit être mis sur la connaissance de la langue étrangère. Mes propos ne concernent pas ce type de formation. En revanche, je mintéresserai aux deux autres catégories de formation, qui sont centrées sur lexercice de la profession de traducteur. Tout dabord, je voudrais affirmer quelques principes (I) ; ensuite seront abordées les modalités dapplication de ceux-ci, en fonction du cadre de formation (II). I - Affirmation de quelques principes Dans la formation à la traduction des textes juridiques, il me semble essentiel dappréhender le droit non pas comme un simple ensemble de normes sanctionnées par lautorité sociale, mais comme un ensemble de disciplines scientifiques dont certaines trouvent des applications en traductologie : philosophie du droit, linguistique juridique, herméneutique juridique, et, bien entendu, droit comparé. Ces disciplines ont ceci de commun quelles abordent les relations de la langue et du droit, les deux piliers de toute société humaine, et quelles mettent en évidence limportance de linterprétation dans le travail des juristes. 1 - Les relations du langage et du droit On a coutume de dire que le langage est le seul instrument du droit. Tout juriste est donc, au même titre que le traducteur, un spécialiste du langage. Le langage du droit est acquis par les juristes en même temps que la culture et la technique juridiques. Mais il crée chez les non-initiés, en raison notamment de son lexique parfois archaïsant et de limportance des formes dans son expression, un sentiment détrangeté. Cest tout cela que létudiant en traduction doit assimiler pour devenir non pas un spécialiste du droit mais un initié. 2 - Le droit, science de linterprétation En droit, le passage du général au particulier et linverse saccompagnent toujours dune phase dinterprétation : il sagira, par exemple, de situer un fait dans une catégorie juridique pour connaître les règles à lui appliquer, ou de dégager le sens dun discours écrit ou oral. Les étudiants en traduction nont aucune difficulté à comprendre une telle démarche ; il suffit que les enseignants les aident à en prendre conscience. En partant de ces principes, lenseignement de la traduction devrait toujours comporter un cours dinitiation au droit englobant tous les aspects évoqués plus haut, ce qui nest pas toujours le cas. Lacquisition dune culture juridique plus spécialisée, prendrait place, quant à elle, dans les modalités relatives aux exercices sur des textes juridiques. II - Modalites dapplication des principes suivant le cadre de formation Lacquisition dune culture juridique spécialisée entrant dans le bagage cognitif du traducteur doit être faite à partir de textes : lois et règlements, décisions de justice, actes juridiques, articles doctrinaux. Leur explication doit se fonder sur le droit comparé, en prenant comme référentiel la langue darrivée. Cest le moyen de bien appréhender la composante culturelle de loriginal et de fonder la réexpression dans la langue darrivée sur des correspondances ou équivalences puisées dans les textes de référence. Le droit est ainsi compris comme un système, dans lequel les mots renvoient à des institutions, qui forment lordonnancement juridique. Les aspects linguistiques ne sont pas absents de cette démarche : on constatera, par exemple, que le vocabulaire du BGB est plus technique que celui du Code civil français, mais aussi que des notions techniques peuvent sexprimer à laide de mots du langage courant. Cest dans le choix des domaines que je ferai des distinctions entre lenseignement de la traduction juridique destiné aux généralistes et celui qui doit être dispensé aux futurs spécialistes. 1 - La formation des généralistes Deux erreurs sont souvent commises. La première consiste à aborder la traduction juridique comme nimporte quelle traduction technique ; or, chaque Etat a son propre système, intimement lié aux moeurs et à la culture nationale ou locale, et le droit na pas les référents universels de la science. La seconde est de faire de la traduction juridique un appendice de la traduction économique ; or, la base du droit est une discipline normative, tandis que léconomie est une science de lobservation. La traduction juridique doit être enseignée pour elle-même. A noter que, si le droit est lié à léconomie, il lest aussi à la technique, qui inclut des normes et des réglementations dont la portée est juridique. Le noyau de lenseignement doit être le contrat, base du droit des affaires et des relations internationales. Quel traducteur généraliste ou technique na jamais traduit de contrat ? En revanche, le droit de la famille, les sûretés réelles et la procédure pénale sont, à mon sens, des facteurs de dispersion. 2 - La formation des traducteurs spécialisés Certaines universités ont créé des DESS ou des diplômes particuliers sanctionnant des études de traduction juridique en une ou deux années. Dans ces formations, tous les domaines du droit doivent être abordés. En outre, les connaissances thématiques doivent faire lobjet dune évaluation particulière, cest-à-dire en dehors des exercices de version et de thème, sauf pour les étudiants titulaires dun diplôme sanctionnant deux années détudes de droit. Certains centres spécialisés procèdent dailleurs de la sorte. En conclusion, la formation de traducteurs juridiques doit être spécifique et accorder une place importante à la connaissance des systèmes de droit. Elle peut sinsérer soit dans un cursus de plusieurs années, en allant vers une spécialisation croissante, soit dans un cycle spécialisé supposant une connaissance approfondie des institutions. Et pourquoi ne pas envisager des spécialisations dans le cadre daccords entre établissements ? © Copyright 1999 - Association des Anciens Elèves de l'Ecole Supérieure d'Interprètes et de Traducteurs de l'Université de Paris - Tous droits réservés. |
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