L’intégrité physique et psychologique de Maître Mohamed Abbou menacée
Le CNLT est vivement préoccupé par la dégradation de l’état de santé de Maître Mohamed Abbou, figure emblématique de la lutte pour les droits de la défense, ancien dirigeant de l’Association des jeunes avocats, membre du CNLT, et de l’AISSP, condamné en appel le 10 juin à trois ans et demi de prison ferme pour avoir publié une tribune critiquant la situation des prisons tunisiennes et détenu depuis cinq mois à la prison du Kef, qui a entamé une troisième grève de la faim le 25 juillet pour dénoncer cette condamnation inique.
Maître Abderrazak Kilani, membre du Conseil de l’ordre des avocats tunisiens et Maître Imed Mansouri, rapportent que Maître Abbou, lors de leur dernière visite, leur a fait part de ses suspicions concernant une incorporation par l’administration pénitentiaire de substances médicamenteuses dans son alimentation. Il a décrit être plongé depuis quelques semaines dans un état d’abattement incontrôlable chaque fois qu’il s’alimente et remarqué que cet état dépressif disparaissait totalement à chaque fois qu’il cessait de s’alimenter. Il a aussi affirmé avoir demandé en vain à être examiné par un médecin privé.
Le CNLT,
- Tout en rappelant avoir fait état par le passé (rapport sur l’état des prisons – octobre 1999) de recours avérés, par l’administration pénitentiaire tunisienne, de traitement des prisonniers par les psychotropes et les neuroleptiques, en dehors de toute prescription médicale, exprime ses craintes les plus vives de voir ces pratiques se répéter avec Me Abbou à son insu, ce qui constituerait une atteinte grave et délibérée à son intégrité physique et psychologique.
- Il exige que Maître Abbou soit autorisé à subir des analyses biologiques et à être examiné par un médecin choisi par sa famille.
- · Il rappelle aux autorités publiques que ces éventuels agissements seraient assimilables à un acte de torture, selon la convention internationale de lutte contre la torture ; l’Etat tunisien est tenu de respecter ses engagements à veiller à la santé mentale et physique des détenus placés sous son autorité. Le CNLT souligne notamment que l’Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, adopté par l'Assemblée générale dans sa résolution 43/173 du 9 décembre 1988, énonce dans son principe 22 :« Aucune personne détenue ou emprisonnée ne pourra, même si elle y consent, faire l'objet d'expériences médicales ou scientifiques de nature à nuire à sa santé. », ainsi que son article premier « Toute personne soumise à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».
Pour le Conseil,
La porte-parole
Sihem Bensedrine
sbensedrine@cnlt98.org