Le cœur
Le
cœur n¡¦est pas seulement un symbole visuel, mais le siège même de l¡¦amour,
dit-on. On reconnaît universellement le signe
™,
qui
ressemble pourtant peu à l¡¦organe du corps, comme son abréviation, et il
représente dans pratiquement toutes les cultures l¡¦emblème de la passion
romantique. Gravé sur un arbre, on l¡¦identifie instantanément comme une
marque laissée par des jeunes amoureux. Même la vulnérabilité physique du
cœur rappelle notre propre vulnérabilité lorsque nous tombons amoureux.
Lorsque l¡¦on a le cœur brisé, même si ce n¡¦est jamais fatal, on peut avoir
l¡¦impression d¡¦avoir reçu une blessure mortelle, comme si la vie elle-même
était fini. Mais comment l¡¦une des parties du corps s¡¦est-elle trouvée
associée à l¡¦amour? Pourquoi pas les yeux ou les poumons?
Cette association entre le cœur et l¡¦amour date d¡¦avant la civilisation, il
y a plus de vingt-six milles ans, pour être précis. En France, les hommes
des cavernes ont dessiné de petits cœurs rouges au centre de leurs peintures
animalières, ce qui suggère qu¡¦ils en ont deviné rapidement le rôle vital.
Mais bien avant que sa fonction biologique soit comprise, le cœur était
honoré comme le siège des passions humaines. Les anciens Égyptiens, par
exemple, considéraient le cœur comme le lieu de l¡¦intelligence, bien plus
que le cerveau. Dans l¡¦ancien Mexique, le cœur symbolisait le centre de
l¡¦homme et de la religion. En effet, cet organe était sacrifié aux dieux
comme une offrande de choix. La relation cœur- amour prit des proportions
divines au Moyen Âge, quand le cœur en vint à symboliser l¡¦amour infini de
Dieu pour les hommes. Une sœur visitandine française, sainte Marguerite-
Marie, prétendit que Jésus lui était apparu et lui avait confié : ¡¥ Voilà ce
cœur, qui a tellement aimé les hommes qu¡¦il n¡¦a rien épargné.¡¦ Cette vision
conduisit ses disciples à instaurer en l¡¦honneur du Sacré Cœur de Jésus une
fête annuelle, tout d¡¦abord interdite parce que dérangeant. Puis le pape Pie
IX approuva la fête du Sacré Cœur, que l¡¦on célèbre encore de nos jours le
vendredi de la troisième semaine après la Pentecôte. Le succès symbolique du
cœur se confirma pendant le Moyen Âge, dans le domaine spirituel mais aussi
tout simplement humain. Les peintures médiévaux dessinaient des cœurs
embrasés pour représenter les excès érotiques, et des cœurs brisés pour
illustrer un amour repoussé. Les poètes prirent des libertés extraordinaires
avec le cœur, notamment dans le
Roman de la
Rose, l¡¦un des poèmes français les plus populaires du Moyen Âge
tardif. Dans l¡¦une des scènes, le dieu de l¡¦amour tire de sa bourse une clé
d¡¦or et dit à un amoureux dédaigné : ¡¥ Avec cela, je fermerai ton cœur.¡¦ Des
années plus tard, le Roméo de Shakespeare demandera : « Mon cœur a-t-il aimé
jusqu¡¦ici? Je te renie, ma vue! Car je n¡¦avais encore jamais vu la beauté
jusqu¡¦à cette nuit. »
Mais l¡¦association entre l¡¦amour et le cœur n¡¦est peut-être pas uniquement
le fruit de notre imagination. La science moderne a trouvé un lien encore
l¡¦organe physique et notre état amoureux. Les chercheurs ont montré que
lorsqu¡¦une personne tombe amoureuse, son cœur subit une réaction physique
qui peut parfois même provoquer une maladie. Même si cette découverte ne
peut faire inventer un traitement pour le mal d¡¦amour, elle nous convainc
que nos cœurs ont raison depuis toujours. Et nous incite à suivre le
proverbe qui dit : « Écoutez votre cœur. »
