Henry Lejeune - Peintre et Céramiste Belge


 

 

Henry,

C'est ta vie, c'est ton travail, c'est ta demeure.
C'est ici.
Mais un cyclone emporte tout pour nous traverser autrement :
c'est le cyclone de ton art.
Alors, l'" ici " nous déplace en un " ailleurs " plus que jamais présent.
Cela procède d'une fonction révélatrice, initiatrice.
Cela décompose tous les clichés, fait voler en éclats toutes les idées reçues, gomme à tout jamais tous les poncifs pour faire émerger - pour composer en profondeur - le sens du temps, le sens de l'espace, le sens du cadre et celui de la vie.
L'essence. L'essentiel.
Depuis quand ? Jusqu'où ?
J'ai le sentiment que cela dure depuis des siècles et va jusqu'à nous laisser pénétrer en d'autres mondes.
Il y a ici toute l'histoire de la peinture et toute l'histoire de l'humanité, en autant de drames abyssaux que de bonheurs fulgurants.
Autant de tableaux.
Cela se concentre en l'œuvre de ta vie.
Voilà ta vie et ton œuvre, ta vie en ton œuvre, ta vie en Œuvre : une chose bouleversante, puissante et unique.

Jacques Dapoz
Septembre 2001

Au lieu de quoi

à Henry Lejeune

Tout près d'ici vécut - vit encore, on le sent au détour d'une rue tant l'air est transparent tout d'un coup et fragile la pierre étoilée de reflets - quelqu'un qui te ressemble et arracha longtemps la ronce et l'algue mortes,

Dans ce pays d'avant que la terre n'ait ombre à rompre ni raison d'interdire au mistral l'accès de ses demeures - dans ce pays sans plaie visiblement béante, où l'encre est verte, et l'eau qui s'arque et se déplie dessus,

Mais où naquit pourtant ce grondement dont on craignait le pire car il semblait le signe que l'incendie couvait en Lubéron - tout près d'ici mais tellement

Ailleurs que les genêts flambaient souvent en rouge sur les vagues et qu'on se racontait à voix méconnaissable une histoire d'épaves et de sables enfuits.

Robert Nédelec


 

 

 

"Un esprit branché sur le fantastique, un autodidacte, âme culturelle d'une région, une communication instantanée avec les poètes, une sensibilité avant-voureuse, un détecteur de densité : voilà Henry Lejeune, vieux frère de la côte.

Sa peinture, c'est la recherche à l'état pur, un regard particulier ..., un phare qui éclaire un horizon de songe, quelque chose de merveilleusement nocturne ..., la quête d'un homme isolé, écorché vivant, compagnon permanent de la solitude, un homme qui ne doit rien à personne, qui a tout tiré de sa lente et personnelle maturation..."

Julos Beaucarne

 

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Les anges déchus et les démons, les lémures et les fées Carabosse qui hantent l'atelier d'Henry LEJEUNE se livrent depuis des années à de bien étranges et parfois cruels ébats.
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Il évoque d'une main qui ne tremble pas une engeance que son inconscient peuple de monstres et de déités, tout en tarières et en pointes ; de figures acérées, torturées-torturantes ; d'un bestiaire monstrueux, diabolique. Les mots, les adjectifs surtout, ne manquent pas pour qualifier les hôtes de ces demeures infernales, où notre artiste puise à pleines mains.
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Cependant, pour le peu que j'en ai vu, ses œuvres semblent aujourd'hui plus apaisées : la bogue se fend et laisse voir la peau marron si douce au toucher. Mais les couleurs et le trait ne changent guère. L'on retrouve les rouges brûlants, les orangés incandescents, les violacés et les bleus profonds, les jaunes sulfureux… Et les noirs et les blancs cernent toujours avec assurance des couples qui s'épousent et s'épuisent en lumineuses fusions.
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Il promène dans le monde sa longue et paisible silhouette mais le regard semble ailleurs (une œuvre qui s'ébauche ? Un projet à concrétiser ? Un ami à revoir ?) Sous son apparence tranquille brûle une fournaise, un athanor, car Henry est plus alchimiste que nécromancien. Cet écorché qui se consumerait s'il ne maîtrisait pas les hôtes qui l'habitent, ce tourmenté, je l'ai rarement vu perdre son sang-froid. Il est d'une grande gentillesse, d'un dévouement extrême : son attitude envers Armand Simon le prouve à suffisance.
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Sa remarquable fécondité ne se limite pas à son œuvre peinte : il " lança " de nombreuses revues, anima des rencontres, mit en chantier plusieurs expositions de groupe…
Je retiendrai toujours -incurable égotiste- avec nostalgie, celles du Manoir d'Ecaussinnes, et les deux " Exposition Inutile " où il accueillit quelques-unes de mes œuvres peintes.
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André BRETON l'eût sans doute intégré à l'un des cercles de l'enfer surréaliste. Edouard JAGUER l'a compris et Henry LEJEUNE fut le bienvenu dans le groupe PHASES dont le but est La quête du principe de liberté. Evidemment suspect à certains roquets du " Surréalisme belgicain ", il s'en soucie comme d'une guigne.
Adoubé par Armand Simon, le chevalier noir et blanc du Groupe Surréaliste du Hainaut trouva dans son émule d'Ecaussinnes un admirateur fervent et dévoué.
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Il revient de l'ancienne Tchécoslovaquie, où il a pu exposer une grande partie de son œuvre, ses démons et ses merveilles…, aux Musées d'Ostrava et de Trebic. Sur place, il a trouvé non seulement des admirateurs mais aussi de jeunes émules. Ainsi va le monde mais tout le monde n'a pas comme Henry LEJEUNE les doigts agiles du charmeur de serpents.

Claude Haumont
Bruxelles, 22 novembre 2000.

 

Entre ses rouges qui montent vers Soutine et ses bleus qui descendent de Chagall, je vois toutes sortes de tonalités immigrées ou apatrides, natives de la " noirceur secrète du lait " comme disait Audiberti. En fait, Lejeune est un coloriste de l'inconscient, pas à la manière surréaliste, non, à la manière Lejeune. Les régions où ses pinceaux se meuvent que fait danser sa Muse ont hérité de l'abysse ses flottantes compositions, ses figures changeantes, tirées à hue par le végétal, à dia par l'animal, et dubitativement arbitrées par quelque vision anthropomorphique du Vivant, à tendance monstrueuse.
Tel est à mes yeux l'univers de l'artiste, plus ventral que cérébral.
S'il s'avisait de vouloir peindre la flore intestinale, il nous la rendrait visible à l'œil nu, augmentée d'une faune et d'un satyre. Avec lui, tout est possible, y compris que nous reconnaissions pour nôtre cette mythologie organique, bien à lui, dont il a le secret, dont il " écrit " les frasques.
Devant ses tableaux, je ne puis démordre de l'idée qu'il est son propre Haruspice. Il lit dans ses entrailles des choses sur lesquelles le Ciel ne peut que rester muet, faute de compétence, d'imagination ou…de Dieu. Et foin des astrologues ! Le désastrologue, lui, a rabattu dans son corps les étoiles illusoires. C'est de là qu'il les observe autrement, malléables, déformables, intériorisées à l'envi, et pour la bonne cause : le déchiffrement de soi.
Digérées, ces constellations du tragique font lumière, en l'homme et sur le papier à dessin. Une luisance supérieure. Recrachées, elles s'éteignent, inexplicablement.
Mais Lejeune ne recrache jamais. Il se les garde, ces phénomènes, pour en envelopper, en escorter, voire en nourrir les enfants nés de son divorce d'avec la trompeuse réalité, ou la raison fallacieuse. Ces enfants en savent plus long sur l'insomnie que sur le sommeil, sur le désir que sur les assouvissements. Funambules et somnambules se partagent leur seul territoire connu : le fil d'Ariane.
Enfants étranges s'il en en est : une fratrie protéiforme de personnages sans loi, durcis au feu de la poésie libertaire.
Voilà un art qui nous renvoie, à coups de fulgurances, au fin fond de nos forces obscures. Souvent, c'est là que notre complexité en exil attend désespérément du monde extérieur qu'il lui accorde un droit au Sens, ou une parcelle de légitimité, convulsive avec bonheur, voyante à grandes enjambées.
Ainsi, Lejeune est de ceux qui s'attellent à la belle et forte et folle tâche de donner chair, parole et représentation aux derniers habitants de la dernière de nos îles immergées : notre Atlantide rêveuse mais tressaillante, bandée de démesure.
Avec toi, Henry.


Marcel Moreau
Décembre 2000

 

Les nouvelles céramiques d'Henry Lejeune

Si ses scupltures en terre cuite sont si peu exposées, voire ignorées, c'est qu'Henry Lejeune appartient à la lignée des francs-tireurs de la céramique.
Certes l 'oeuvre sur papier connaît une reconnaissance qui s'en va croissante, et nous la voyons à présent classique et novatrice. Mais ce juste succès occulte une part non moins essentielle des créations de ce touche à tout surdoué : l'art césame, où par des formes sensuelles et douces, il confronte avec une irrépressible sincérité mesure et vision intérieure, cependant de manière plus épurée qu'en ses oeuvres graphiques.
Cet art s'éloigne volontairement des éffigies populaires et figuratives, de la vaisselle en tout genre, de la poterie émaillée, à décor, des faïences, des hauts reliefs, normes habituelles des céramistes. Donc, point d'assiettes, de gobelets, de pichets décorés selon ses humeurs graphiques.
Ici, il y a des filiations, des affinités électives qui relient le dessinateur, le peintre au sculpteur, sans jamais basculer dans l'esbroufe, la ficelle ou l'anecdote.
Henry intérroge la forme qui émerge de sa pensée et la replace dans l'espace.
Il s'agit avant tout d'un langage plastique créateur et personnel, de sculptures poétiques ne faisant appel qu'aux seules lignes et courbes développées par un imaginaire toujours à l'unisson des mystères de l'univers et de la sensualité humaine.
Lejeune travaille une terre choisie, importée d'Allemagne, que l'on porte ensuite à température de 1160°, pas au-delà, car à 10° près en trop cuisant la terre se déforme. Pas en-deçà, car outre ses qualités physiques de résistance, l'artiste n'obtient pas la teinte qu'il affectionne.
Des soins particuliers apportés à la façon, au modelé et à la cuisson, résultent des oeuvres mystérieuses, parfois lyriques, et imposent toujours leurs originales présences, où prédominent surfaces galbées sombres et sobres, aux matités presque noires


Michel Hallers
Août 2004
"Le déraciné" n° 32

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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