1ère partie
Le nez plongé dans les victuailles qui recouvrent la table nous sommes une trentaine, ce week-end, à renifler à qui mieux mieux. La première fois qu'on se livre à ce genre de pratique on se sent un peu bête. Mais soudain prise au jeu la narine se met à palpiter. Une odeur vient de se dégager, plus forte, plus agréable que toutes les autres. Sous mon nez il y a un plat de sardines, entières, crues qu'on dirait tout droit sorties du filet du pêcheur. Guy-Claude Burger, le maître de maison m'encourage :
- Si c'est l'odeur des sardines qui vous a paru la plus lumineuse, c'est que votre organisme a besoin de cet aliment. L'instinct ne se trompe pas. Allez-y mangez, vous allez certainement trouver le goût délicieux.
Malgré mon appréhension, j'ai dû me rendre à l'évidence.
- Voilà, c'est cela l'"instinct alimentaire" a précisé Guy-Claude Burger.
Ainsi a débuté mon initiation à l'instinctothérapie. Rien de déplaisant il faut bien dire.
Les grandes tables paysannes autour desquelles nous sommes assis ont l'allure des marchés de Provence : corbeilles de fruits frais et secs, paniers de légumes et d'oeufs, plateaux de crustacés et de poissons, viande découpée en tranches fines. Point commun à ce cocktail de parfums et de couleurs, tout est naturel. Plus que cela même "originel" dit Guy-Claude Burger. Autrement dit cultivé ou nourri sans le moindre apport de produits chimiques et soumis à aucune transformation. Tout est cru, donc, et sera mangé cru. Et pas question de relever les radis d'une pincée de sel ou d'une nolx de beurre, de saupoudrer la viande d'un peu de poivre ou d'agrémenter sa salade d'huile et de vinaigre. Les ingrédients traditionnels ici sont bannis .Tout comme les instruments ménagers susceptibles de "dénaturer" les produits. Adieu la râpe. La carotte doit être dégustée telle quelle. Et fini le jus d'orange. Il suffit de croquer la pulpe.
Au début, j'ai cru qu'il s'agissait là de tabous fantaisistes dictés par je ne sais quelle nouvelle morale culinaire. Mais Guy-Claude Burger, homme grand et mince de 49 ans, aux cheveux blonds mi-longs et au regard bleu, s'en défend. Physicien de formation voilà près de vingt ans qu'il fait l'expérience de l'instinctothérapie.- Chaque détail qui peut vous paraitre extravagant répond en réalité à un principe rigoureux. Mon expérience m'a prouvé, en effet, que tout comme les animaux, nous disposons d'un instinct alimentaire infaillible qui nous permet, non seulement de sélectionner notre nourriture en fonction des besoins de notre organisme, mais aussi de prévenir et même de guérir la plupart des maladies qui nous frappent. Seulement cet instinct ne fonctionne qu'en présence d'aliments originels, c'est-à-dire ceux à partir desquels s'est élaboré le code génétique de l'organisme humain
Le soir même j'ai pu voir l'instinct -le mien et celui de tous les hôtes- à l'oeuvre. Il y eut d'abord un moment d'hésitation. Dans le regard que chacun promenait sur les paniers remplis d'avocats, de mangues, d'oranges, de choux-fleurs, d'oignons et autres nourritures originelles, se lisait l'ambarras du choix. J'avais pour ma part éliminé d'emblée poisson et viande crue et opté secrètement pour un bel artichaut. Jusqu'à ce que la voix de Guy-Claude Burger vienne contrecarrer mes plans.
-Surtout ne choisissez pas avec les yeux. Votre instinct alimentaire, c'est par l'odorat qu'il opère. Alors sentez les aliments les uns après les autres et choisissez celui dont le parfum vous plaira le plus. A moins d'être enrhumé ça marche. La preuve, j'ai pris goût aux sardines. Et mon voisin qui affirmait cinq minutes plus tôt qu'il ne pourrait jamais manger de la viande crue s'est déclaré fort séduit par l'odeur qu'elle dégageait et au premier coup de fourchette s'est écrié d'un ton gourmand "Fameux ! ".
-Besoin de protéines a conclu notre maitre d'instinctothérapie. Maintenant allez jusqu'au bout de votre besoin.
Aller au bout n'est pas une simple formule lorsqu'on s'adonne à l'instinct ! Il s'agit en effet de manger l'aliment sélectionné jusqu'à ce qu'il provoque des picotements sur la langue ou prenne soudain un goût déplaisant "signe, selon Guy-Claude Burger, que l'organisme a comblé son besoin". C'est ce qu'il appele l'"arrêt instinctif".
Résultat: mon voisin a ingurgité une trentaine de fines tranches de viande (chacune de la taille d'une biscotte). Une dame en face de moi n'a calé qu'à la dixième banane tandis qu'une autre s'étonnait de ne pas voir venir l'"arrêt instinctif" au bout de son sixième pamplemousse. Et il ne faut pas croire que l'on est rassasié pour autant. Le jeu peut continuer ainsi avec deux, trois, voire quatre autres aliments, tour à tour choisis au flair.
Il suffit de se laisser faire. L'instinct se charge de doser.
- C'est la première victime de l'éducation et de notre mode de vie, dit Guy-Claude Burger, mais il lui faut peu de choses pour se remettre en marche. Preuve qu'il existe. Il suffit d'ailleurs d'observer les bébés.Guy-Claude Burger a eu l'occasion de le faire, puisqu'il en a eu six. Car sa pratique de l'instinctothérapie est aussi une expérience familiale.
-Mes trois derniers enfants ont été nourris dès leur naissance à l'"instincto" raconte-t-il.
C'est comme cela que Marielle a eu droit, six heures après sa naissance, à son premier repas "originel" &emdash;Nous lui avons mis sous le nez une pomme puis une poire, une pêche. Aucune réaction. Lorsqu'est arrivée la banane, en revanche, elle a ouvert la bouche. Sa mère lui a maché un morceau du fruit. Visiblement séduite, Marielle a mangé quatre cinquième de banane. Même réaction avec la papaye que ses parents lui font sentir dans la foulée. Cette fois le nouveau-né s'arrête au premier quart. Arrive le thon cru, la petite bouche s'ouvre de nouveau. Marielle en déguste trois cuillerée. Guy-Claude Burger affirme que l'enfant n'a pas eu le moindre trouble de digestion, pas la moindre colique. Et elle n a pas pleuré de la nuit.
-Par la suite ma femme l'a allaitée, dit-il, mais nous avons continué à compléter ses repas avec les aliments que son nez repérait. Aliments originels, bien entendu car les produits viennent directement de la ferme que les Burger habitent alors en Suisse. Poules, oies, lapins, cochons, y sont nourris eux aussi instincto, sans le moindre produit industriel. Les poules et les oies ont même droit, à coté des céréales classiques (blé excepté, jugé nocif), aux fruits, à la viande et aux poissons rescapés des repas familiaux.
-Cela peut paraître excessif, s'excuse presque Guy-Claude Burger, mais ce n'est rien comparé à ce que nous apporte l'alimentation originelle. Nous n'avons jamais eu de problème d'éducation avec nos enfants.
Cette alimentation a, en effet, une grande influence sur le système nerveux. Tout se passe comme si elle faisait disparaître toute angoisse et agressivité. Même la timidité n'y résiste pas.
Des bienfaits que l'on pourrait attribuer, somme toute, à une vie bucolique retrouvée. Mais Guy-Claude Burger n'a pas limité ses observations à la seule expérience familiale. Il a également constaté les effets de l'instinctothérapie sur des malades venus à lui en bout de course après avoir épuisé sans résultat la panoplie médicale traditionnelle. Ce sont d'ailleurs les résultats obtenus dans plusieurs cas de malades graves qui expliquent l'intérêt soudain que porte aujourd'hui la médecine officielle à la recherche marginale de Guy-Claude Burger. Il vient en effet d'effet d'être chargé d'en enseignement dans le département de naturothérapie de la faculté de médecine de Bobigny qui s'est ouverte il y a un an aux médecines naturelles. Du coup l'instinctothérapie vient d'être rebaptisée "Anopsothérapie" (tiré du grec, et qui signifie "thérapie au moyen d'aliments non préparés").
A l'issu de son examen de passage devant le doyen de la faculté et un petit groupe de medecins, le Dr Jean de Bonnefon, 38 ans, l'un des médecins les plus diplomés de France lui a déclaré : la suite
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