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EPILOGUE
Le Delta intérieur a été
profondément touché par les aléas de l'histoire du Soudan occidental. Bénéficiant de
conditions géographiques déterminantes, elle semble jouer un rôle primordial avant et
sous l'Empire de Ghana, dont elle Fut peut-être une province orientale. L'Empire du Mali
y rencontra peut-être une résistance ou une civilisation en déclin. Sous les Askia et
les Arma, les mentions des chroniqueurs arabes restent exceptionnelles en dehors de
Tombouctou, devenue un pôle commercial important aux portes du désert. La région tombe
sous l'emprise populations nomades et seuls quelques vieux villages bien implantés le
long du Niger se maintiennent, grâce en particulier au transit des marchandises circulant
entre le Bilud al-Soudan et le Maghreb. Les dernières occupations se situent dans le
cadre des migrations peul et du Royaume Bamanan de Ségou qui connaît des poussées de
colonisation au-delà du Delta intérieur. Ces périodes ont laissé par contre des
traditions plus vives.
L'histoire du Delta intérieur
est aussi liée aux échanges commerciaux entre les populations de part et d'autre du
Sahara. Ce commerce, à l'époque des empires médiévaux, comportait deux courants
principaux :
- un commerce intérieur
ou local qui se Faisait entre Djenné, métropole du Sahel-sud, et Tombouctou,
Gao, métropoles du Sahel-nord. Il concernait les céréales, les objets en fer, la kola
des régions forestières, le poisson du Delta intérieur, et le sel, les dattes, les
chevaux provenant du Nord. Les marchandises étaient acheminées soit par voie fluviale,
soit terrestre, à partir des cités surnommées. Ce commerce était généralement
assuré par des populations locales, les Diula ;
- un commerce
transsaharien qui était de loin le plus important. Les produits du Sud : l'or,
l'ivoire, les esclaves, étaient acheminés à partir de Djenné, pour être déchargés
à Tombouctou ou Gao, d'où ils partaient par caravanes pour la traversée du désert.
Quant aux produits du monde arabo-berbères : sel, dattes, blés, chevaux, objets de
luxe(bijoux, faïences, tissus), ils étaient déchargés par caravanes dans les mêmes
villes, d'où ils étaient acheminés sur Djenné, grand centre de redistribution des
régions de savane plus au sud. Ce commerce transsaharien était assuré par les
Arabo-berbères et leurs représentants locaux (Maures, Diula, Songay, Peul). Il
s'effectuait à partir de deux principaux axes.
Un premier axe, appelé
"voie occidentale ", reliait les cités commerçantes de Ghana (Koumbi Saleh,
Oualata, Awdagost) à Sidjilmassa, grand centre caravanier du sud marocain. Koumbi Saleh
était le centre de distribution en direction des pays de savane. Cette voie a assuré la
prospérité des cités de Ghana. Mais, vers les XIIè -- XIIIè siècles, elle fut
abandonnée à cause des tempêtes de sable, des rezzou et des problèmes d'eau qui
devenaient aigus pour les caravanes. Cet abandon Fut accéléré à la suite de la chute
de Ghana et surtout de la destruction de Koumbi Saleh.
Ainsi, petit à petit, les cités
commerçantes ont périclité sauf Oualata qui a survécu jusqu'à nos jours.
Une deuxième voie se dessinait
à la même époque vers l'Est. Elle partait de Gao, traversait le Sahara en passant par
Tadmekka (Es-Souk) dans l'Adrar, Teghaza, avant d'aboutir aux pays méditerranéens. Cette
voie prit de l'importance avec l'Empire du Mali, en particulier après le pèlerinage de
Kankou Moussa à la Mecque. L'exploitation des salines de Teghwa semble avoir accru
l'utilisation de cette voie jusqu'à la chute de l'Empire Songay. Elle a contribué aussi
à l'essor de Tombouctou, plus près du fleuve.
Hormis le cas de Djénné et
Tombouctou, le Delta n'a pas connu de grandes cités médiévales. Cela s'explique sans
doute par la situation d'enclavement de cette région pendant une bonne partie de
l'année. Il est certes indéniable que les cités médiévales ont connu un essor
économique et culturel certain. Mais cela ne revient pas à dire que les contacts avec le
monde islamo-arabe ne furent que bénéfiques. En effet, la majeure partie des peuples du
Soudan sont restés en dehors de cette prospérité, si souvent exagérée par les auteurs
arabes en particulier. La civilisation islamo-arabe fut seulement une manifestation
urbaine. Les populations rurales demeurèrent en général en dehors de ce phénomène.
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