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La Cristerie, foyer ancestral des Pelletier venus de Perche
Nos familles Pelletier ne comptent pas qu'une seule souche, car il nous est venu des pionniers de ce nom de la Beauce, de l'Aunis, de la Normandie, du Poitou et du Perche. Nous ne saurions évoquer ici chacun de ces fondateurs de lignées. Nous nous limiterons à la souche percheronne, en nous nous proposant d,aborder les autres dans notre prochain chapitre.

Ce sont deux frères, Guillaume et Antoine Pelletier, qui franchirent l'Atlantique pour se fixer dans la seigneurie de Beauport. Ils étaient fils d'Éloi et de Françoise Matte. Le père était charbonnier, un métier que l'on ne saurait dénigrer, ou ... noircir selon la définition du dictionnaire, si l'on en juge par la demeure qui était la sienne. Éloi Pelletier était de Brésolettes, et sa maison y existe toujours: la Grisetterie, devenue la Cristerie par suite de quelque mystérieux cheminement du parler populaire. Devant l'église, d'ailleurs, un petit panneau indique l'itinéraire à suivre pour s'y rendre.

Tourouvre, on le sait, est une Mecque pour les généalogistes qui s'intéressent de façon particulière à nos origines percheronnes. Depuis Tourouvre, on atteint par un chemin forestier l'Étoile du Perche (environ 4 km), d'où rayonnent une demi-douzaine de routes non numérotées, mais fort bien entretenues; un poteau indicateur vous y donne la direction de Brésolettes (moins de 3 km).

Brésolettes est, dit-on, la plus petite commune de l'ancien comté du Perche, même, peut-être, du département de l'Orne: deux douzaines de citoyens! Mais l'âge du lieu est, pour ainsi dire, inversement proportionnel à l'importance numérique de sa population.

Dès 1218, le bourg était désigné sous le nom de Bruelos, signifiant bruyères, et l'église actuelle, remaniée, date du XVIe siècle. Elle se caractérise par deux fenêtres à meneaux flamboyants, côté sud, et par un clocheton sur faîtage. Devant l'entrée se remarque une croix hosannière en fer forgé datant du XVIIe siècle, donc de l'époque des Pelletier. La voûte est en lambris sur charpente apparente. L'autel principal est fait de panneaux de bois peints en marbré. À la poutre de gloire, grand Christ dit à 4 clous, de facture classique. L'église compte également d'intéressantes statues polychromes.

Si l'on veut voir la Cristerie, prendre sur la droite, en sortant de l'église, jusqu'à un carrefour où se dresse une croix de chemin là où débute la route forestière de Brésolettes; tourner à droite: la vénérable demeure d'Éloi Pelletier se présente peu après sur la gauche, indiquée d'ailleurs par un petit panneau routier.

Mais revenons aux fils d'Éloi. Guillaume, né vers 1598, choisit le métier de son père. Le 12 février 1619, à Tourouvre, il épousait Michelle Mabille, du lieu-dit de la Gazerie, situé tout de suite au sud d'Autheuil, patrie de Robert Giffard. Trois fils naquirent de cette union: Claude décéda en France, alors que Guillaume et Jean suivirent leurs parents. Le fils Guillaume ne semble pas s'être marié: c'était un donné des Jésuites, ainsi que l'on désignait ceux qui, sans aspirer à la vie religieuse, se plaçaient corps et biens à la disposition des missionnaires. En 1646, d'ailleurs, le Journal des Jésuites le mentionne comme le fils du gobloteur, surnom que l'on avait donné au père, sans doute parce que celui-ci était un joyeux drille, ce mot étant dérivé de gobelet, et l'annaliste signale les multiples emplois du père, qu'il dit déserteur, scieur de long, charpentier, charbonnier &c. On aura deviné que Guillaume Pelletier n,avait pas déserté quelque régiment: à cette époque, déserter une terre, c'était la défricher.
 

Alors que Guillaume arriva avec femme et enfants, son frère, Antoine était encore célibataire. Le 19 août 1647, il épousait à Québec Françoise Morin, fille de Jean et de Jeanne Denoise, une Rochelaise.

Les frères Pelletier s'établirent à demeure dans la seigneurie de Beauport. Robert Giffard concéda à chacun une terre de six arpents de largeur, ayant front sur le Saint Laurent et qui, en profondeur, s'étentait jusqu'à la rivière Montmorency; elles étaient contiguës et voisines de celle de Martin Prévost. L'avenir s'annonçait prometteur, mais un drame allait survenir. Antoine n'était marié que depuis six semaines lorsque son canot chavira en face de sa terre. S'était-il trop approché des tourbillons que soulevaient la chute Montmorency? Il décéda ainsi sans postérité. La jeune veuve se consola vite: trois mois plus tard, le père Paul Le Jeune bénissait son union avec Étienne Dumay, en présence de Guillaume et de son fils, Jean.

Guillaume hérita de la terre de son frère, et sans doute estima-t-il qu'il ne pouvait la cultiver en même temps que la sienne, car il la céda à Jean Mignault dit Châtillon.

Quant à Jean, le troisième fils de couple Pelletier/Mabille, c'est à Beauport, le 9 novembre 1649, qu'il fonda un foyer, avec Anne Langlois, fille de Noël et de Françoise Garnier (ou Grenier). Les Langlois étaient arrivés en Nouvelle-France dès 1634; Noël est désigné comme pilote du Saint Laurent. Il fut l'un des premiers colons de la seigneurie de Beauport.

Jean Pelletier et Anne Langlois eurent neuf enfants dont eux ne vécurent que quelques jours. Les autres se marièrent: Noël à Madeleine Migneault en 1674, René à Marie-Madeleine Leclerc en 1691 et à Marie-Jeanne Godbout (veuve de Jean Baillargeon) en 1703, Jean à Marie-Anne Huot en 1689 et Charles à Marie-Thérèse Ouellet en 1698, puis à Marie-Barbe Saint-Pierre en 1711. De ces différents unions naquirent une vingtaine de fils dont au moins une dizaine fondèrent à leur tout des foyers. Les trois filles du couple Pelletier/Langlois qui atteignirent l'âge adulte se marièrent également: Anne à Guillaume Lizot en 1670, Marie à Jacques Gerbert en 1686 et Marie-Charlotte à André Mignier en 1693.

Lorsque Jean Pelletier avait jeté son dévolu sur Anne Langlois, elle n'avait pas encore dix ans; on attendit qu'elle en eut 12 pour célébrer le mariage.

En 1977, le journaliste Gérard Pelletier, en sa qualité d'ambassadeur du Canada, a dévoilé une plaque, dans l'église de Brésolettes, à la mémoire des frères Guillaume et Antoine Pelletier. Le 8 septembre 1991, une stèle fut inaugurée devant l'église de Courville pour marquer le 350e anniversaire de l'arrivée de l'ancêtre Guillaume.


Les Pelletier donnèrent même un saint homme à la Nouvelle-France!

Le chapitre précédent évoquait la souche percheronne des Pelletier, mais, soulignions-nous, les Québécois de ce nom ont aussi d'autres origines. Nous ne voulions pas les négliger. Des Pelletier, disions-nous, il nous en est venu non seulement du Perche, mais aussi de la Beauce, de l'Aunis, de la Normandie et du Poitou. Ne nous étonnons pas de ce que le patronyme fût aussi répandu: il provenait d'un métier, celui de l'apprêt et du commerce des fourrures, un métier fort respecté si l'on songe que la traite des pelleteries a longtemps été le fer de lance de l'économie de la Nouvelle-France. Il était donc tout naturel que l'organe de l'Association des familles Pelletier s'intitulât: La Pelleterie!

Le plus prolifique de ces Pelletier fut sans doute Nicolas, originaire de Gallardon, qui, vers 1632, épousa dans ce même bourg une concitoyenne, Jeanne de Vouzy. C'est dans l'arrondissement de Chartres, canton de Maintenon, qu'est située cette commune de Gallardon. Celle-ci ne constitue pas un attrait touristique spécifique, mais les Québécois ne sauraient lui être indifférents. On sait que Claude de Bullion, le grand argentier royal, qui créa les premiers louis d'or et dont l'opulente veuve devait non seulement permettre la fondation de l'Hotel-Dieu de Jeanne Mance, mais aussi sauver Ville-Marie, était seigneur de beaucoup de lieux. Il l'était de Gallardon. De nos jours, il n'y subsiste de l'ancien château qu'une tour assez mal en point. Au départ de Paris, la grand N 10 passe par Versailles; d'ici, en 25 km, elle frôle Rambouillet puis, 12 km plus loin, atteint Ablis, où elle décrit un angle droit pour se diriger vers Chartres. À 9 km d'Alis, au Gué-de-Longroi, se présente la D 18; si on l'emprunte sur la droite, on atteint aussitôt Gallardon, dont la population est de près de 2000 habitants.

Le couple Pelletier/de Vouzy arriva tôt à Québec. Le généalogise René Jetté spécifie que Nicolas fut le charpentier de l'Habitationde 1637 à 1640. Deux enfants avaient déjà vu le jour, sans doute en France: tout d'abord Jean, qui devait épouser une Percheronne, Marie-Geneviève Manovely de Réville, et dont un fils, François, fonda à son tour une famille en 1665 avec Geneviève Letendre, fille de Pierre et de Charlotte Morin, à Sorel: hélas, François devait périr aux mains de Iroquois, à Sorel, en 1692. Le deuxième fils de Nicolas, prénommé François, épousa à Tadoussac, en 1660, une Amérindienne dont on ne connaît que le prénom reçu au baptême, Dorothée. Il était allé hiverner à Tadoussac avec le père Albanel, missionnaire jésuite, et c'est celui-ci qui bénit l'union, ce qui fit beaucoup de bruit rapporte le Journal des Jésuites, car il n'y avait eu ni publication de bans ni approbation de la part des parents, du gouverneur ou de l'évêque!

Si l'on s'en était inquiété en pensant aux enfants qui naîtraient, ce fut peine perdue, car Dorothée ne survécut qu'à peine plus d'un an à son mariage, elle n'avait pas eu de postérité. Cinq mois après être devenu veuf, François Pelletier, qui était dit Antaya, contracta une deuxième union, avec Marguerite-madeleine Morisseau, d'origine Picarde. Cette dernière devait lui donner six filles et quatre fils, dont trois fondèrent des foyers: François-Xavier avec Madeleine Thunay (1690), Michel avec Françoise Meneux (16970 et Jean-Baptiste avec Marguerite Rousseau (1703).

À Québec et dans la région, le couple Pelletier/de Vouzy n'eut tout d'abord que des filles: cinq d'affilée. Toutes se marièrent: Marie à Nicolas Goupil (1650), Louise à Jean Hayot (1653), Françoise à Jean Bériau (1654), Jeanne à Noël Jérémie, sieur de La Montagne (1659), et Geneviève à Vincent Verdon (1663).

Le dernier enfant du couple, un fils, Nicolas, a retenu l'attention des généalogistes intéressés à l'insolite: alors que son jeune frère, nous l'avons vu, avait épousé une Amérindienne, lui en maria trois! Madeleine Tégoussi en 1675, Françoise Ouechipichinokioué en 1677 puis Marie Outchiouanich, fille de Jean-Baptiste Nanabesa, chef amérindien de Tadoussac. Nous nous excusons de la gymnastique qu'exige la lecture de ces noms, mais ils résultent de leur transcription euphonique.

Les trois mariages eurent lieu au Saguenay, ainsi que l'on désignait alors les postes de traite du domaine du Roi. Noël Jérémie, mentionné précédemment, y agissait comme commis, et on peut présumer qu'il y avait amené son jeune beau-frère. De la deuxième des unions naquirent dix enfants, tous dans la lointaine région, baptisés à Tadoussac ou à Chicoutimi.

Nous ne saurions clore cette chronique sans rappeler trois autres couples qui figurent dans les dictionnaires généalogiques. François Pelletier, fils de Pierre et de Louise Cardinal, nous est venu de l'Aunis. Il était tonnelier. En 1684, à l'Ange Gardien, il épousait Anne Gignard, qui lui donna neuf enfants: cinq décédèrent en bas âge; François épousa Catherine Renaud; Marie-Anne, André Gaudry en 1711, et Agnès, Michel Brunet en 1718. En 1703, le tonnelier contractait un second mariage, avec Marie-Dorothée Tremblay, une fille de Pierre, le plus prolifique des colons venus de Perche, et d'Ozanne Achon; trois enfants naquirent de cette union, dont un fils, Charles-François, qui devait épouser Marie Anne Lebrodeur à Varennes en 1734, puis Marie Josèphe Martel en 1753.

Pierre Pelletier, fils de Jean et d'Andrée Pommereau, nous vint de Saint Martin de Fraigneau, non loin de Fontenay-le-Comte, en Poitou. En 1671, il conduisit à l'autel Françoise Trochet dite Richard, originaire de Picardie, veuve du maître tonnelier François Matoret. Il était domestique chez Noël Jérémie. Les deux fils de ce couple fondèrent aussi des foyers: Pierre avec Madeleine-Ursule Harbour en 1673 et Noël avec Marie Garnier en 1700. Le premier fut père de 13 enfants, et le second, qui s'était remarié à Marie-Madeleine Matte en 1703, de 14!

Ne terminons pas sans saluer un couple de Dieppe, Georges Pelletier et Catherine Vanier, qui avait déjà perdu trois enfants avant de passer en Nouvelle-France. Il devait lui en naître trois autres sur la côte de Beaupré. Deux filles, Marie-Madeleine et Catherine, qui épousèrent Nicolas Cliche 91675) et Guillaume Morel (1679), et un fils, Claude, maître charpentier, qui entra chez les Récollets sous le nom de frère Didace, oeuvra sans relâche au sein de son ordre et mourut si saintement qu'on lui a attribué 22 miracles et que sa cause en béatification fut introduite dès 1713.


Bibliographie
Ce «portrait de famille», parmi d'autres familles, a fait l'objet de la chronique Les origines des... publiée dans le quotidien La Presse de juin 1991 à 1992. Robert Prévost poursuit toujours cette chronique dont la popularité ne cesse de croître!
Journaliste et écrivain, Robert Prévost est l'auteur de nombreux livres consacrés à notre histoire.  Il est également membre à vie de la Société généalogique canadienne-françaiseet de la Société historique de Montréal.

Autre Lien:
Histoire du Québec



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