Classement de sites... Inscrivez le vôtre !


 
Guillaume Pelletier


GUILLAUME PELLETIER (1598-1657) et son fils Jean


Maurice PELLETIER, s.j. (2168)

(MÉMOIRE DE LA SOCIÉTÉ GÉNÉALOGIQUE #116, Vol XXVI. No 4, p. 221)

GUILLAUME PELLETIER était originaire du Perche, cette ancienne province de France, que limitaient principalement la Normandie, le Maine et la Beauce, et qui est devenue le département actuel de l'Orne. De façon plus circonscrite encore, la petite patrie de Guillaume est devenue aujourd'hui le canton de Tourouvre, dans l'arrondissement de Mortagne. Le Perche fut le pays d'origine de nombreux Canadiens: les Aubin, Brunet, Giguère, Gagnon, Lambert, Lessard, Mercier, Paradis, Pelletier, Poulain, Prévost, Rouleau, Rousseau, Tremblay, etc. Plus de cinquante familles sont parties de là pour le Canada au XVIIième siècle. Des artisans, des bûcherons, des laboureurs.

A cinq kilomètres au nord de Tourouvre, le chef-lieu, à mi-chemin de l'abbaye de la Trappe, se trouve Brésolettes, le plus petit bourg du canton. Tout près, coule la rivière Avre, dont les eaux alimentent aujourd'hui Paris. "L'Avre qui a formé la vallée s'élargit souvent pour former des étangs à "vocation industrielle": une forge était déjà alimentée par l'étang "de la Forge" à la hauteur du bourg de Brésolettes; la fonderie, par celui de Conturbie, les fourneaux de fabrication du fer par l'étang dit "du Fourneau". Au XVIIième siècle, ce coin du Perche était une région de charbonniers, de ferronniers et de bûcherons.
 

Naissance à Brésolettes

C'est à Brésolettes qu'est né Guillaume Pelletier, en 1598. Il était fils d'Éloy Pelletier et de Françoise Matte. Les archives de l'époque, scrutées par Madame Pierre Montagne, nous apprennent que plusieurs Pelletier habitaient Brésolet- tes, dont Mathieu, Jean, Laurent, etc. Mais comme nous ignorons tout de l'arbre familial d'loy, nous ne pouvons que présumer qu'ils étaient ses parents. loy est marchant de bois. Nous en sommes informés par un acte du 7 mars 1616, par lequel il s'engageait à "payer à honnête homme Macé Pichon, demeurant à Tourou- vre, 20 livres pour le bois vendu et livré la veille. Peut-être était-il aussi charbonnier (comme le sera son fils). A notre connaissance, loy avait un autre fils, Antoine. Cette fois, ce sont les archives canadiennes (Mgr Tanquay) qui nous l'apprennent. Il traversa en Nouvelle-France avec Guillaume. A moins qu'il ne fût veuf au moment du départ, Antoine devait être plus jeune que Guillaume, étant donné que lui, il ne se maria qu'en Canada, en 1647, alors que Guillaume traversa avec son épouse.
 

Mariage à Tourouvre

Partant de Brésolettes, en direction sud, le voyageur, sorti de la Forêt du Perche, parvient à Tourouvre. Situé sur les Collines du Perche, ce bourg de quelque 1500 habitants, a été partiellement reconstruit après avoir été en partie saccagé par les Allemands au moment de la libération. Les pèlerins canadiens aiment s'y rendre pour visiter en particulier son église, toujours intacte, dont deux vitraux commémorent respectivement le départ de Julien Mercier et la visite d'un de ses plus illustres descendants, Honoré Mercier, alors premier ministre du Québec. Dans le choeur, des plaques rappellent les départs d'autres émigrants au XVIIième siècle, en particulier des frères Gagnon. C'est dans cette église de Saint-Aubin de Tourouvre que "le mariage fut célébré entre Guillaume Le Pelletier de la paroisse de Brésolettes et Michelle Mabille, fille de Guillaume (1575) de cette paroisse, le 12ième jour des mois et an que dessus (février 1619)". L'acte de mariage ne mentionne pas le nom de la mère de Michelle; elle s'appelait Étiennette Monhée. Michelle avait une soeur, Madelei- ne, épouse de Jean Rousseau, et un frère, Claude, époux de Michelle Bahère. Les Mabille, comme les Rousseau d'ailleurs, ne demeurent pas dans le bourg principal de Tourouvre, mais, tout près, dans le village dit de La Gazerie.

La Gazerie

Qui prend femme prend pays. Guillaume s'établit à La Gazerie, dans la commune de Tourouvre. Il importe de rappeler ici un trait de la géographie municipale du Perche. Une commune comprend d'abord l'agglomération principale qui est le bourg, où sont situées les maisons les plus nombreuses, la mairie et l'église. Mais, parties intégrantes de la même commune, il y a, disséminés autour du bourg, les différents villages (lieux-dits), ne comprenant chacun que quelques maisons, et portant ordinairement le nom du premier habitant. Ainsi, autour de Tourouvre sont les villages de La Giguerrerie (Giguère), de La Grandinière (Grandin), de La Gagnonnière (Gagnon), etc. Au nord, il y a La Gazerie, Guillaume est sans doute amené à y habiter parce que c'est là que résidaient sa femme, Michelle Mabille, et son beau-frère, Jean Rousseau.
 

Marchand charbonnier

Comme son père Éloy, Guillaume est marchand charbonnier. Un acte de 1630 en témoigne: "Macé Guyot (...) cède à Jehan Maunoury et Guillaume Pelletier, mar- chands charbonniers, demeurant audit Tourouvre, 106 cordes de bois à faire charbon. En échange Maunoury et Pelletier livreront 175 pipes de charbon et donneront 4 pistoles d'or". Peut-être, en outre, exerce-t-il plusieurs autres métiers. Du moins, c'est ainsi que, plus tard, en 1646, il sera décrit par le Journal des Jésuites de Québec: "déserteur (défricheur), scieur de long, char- pentier, charbonnier, etc.". Le rédacteur du Journal ne complète même pas la liste de ses métiers! Tous des métiers qui ont trait à l'usage du bois. Guillaume a donc été marqué par Brésolettes, son patelin natal, région des "charbonniers, des ferronniers et des bûcherons". Et rien d'étonnant que, à Tourouvre, il ait choisi de vivre dans le village de La Gazerie "où logeaient les ouvriers travail- lant à la forêt et à la verrerie"
 

Ses enfants

Après le P.A. Godbout, Mme Pierre Montagne n'a pas retracé dans les archives de Tourouvre plus de trois enfants issus du ménage Pelletier-Mabille: Claude, né le 11 février 1622, recevant son nom de son parrain, Claude Mabille, oncle maternel; Guillaume, né le 26 février 1624; et Jean, né le 12 juin 1627, dont le parrain fut Jehan Loyseau, et la marraine, Michelle Bahère, femme de Claude Mabille. Mgr Tanguay parle également d'une fille, Marie, qui aurait épousé Julien Perreault en 1647. Il semble faire erreur, confondant sans doute avec cette Marie, fille de Jean Pelletier et de Marie Labre, qui en 1647 également, épousa un certain Julien Petau.

Les deux fils aînés de Guillaume, Claude et Guillaume (II), sont apparemment morts en bas âge. Plus de trace d'eux. Au moment de partir pour le Canada, Guillaume et sa femme disposent de leurs biens, comme nous le verrons, sans faire aucune mention de ces deux enfants. Et seul Jean, le benjamin, s'embarque avec eux.
 

Le "Gobloteur"

Guillaume Pelletier avait un surnom. L'avait-il déjà en France? Lui a-t-il été donné au Canada seulement? Nous l'ignorons. Le Journal des Jésuites, pour la première fois, en 1646, en fait état en parlant du "Gobloteur, nomé Guillaume Pelletier". Nous avons essayé de découvrir le sens de ce vieux mot qui ne s'est pas perpétué dans la langue française. D'après le Dictionnaire de Trévoux (1762), on disait au 18ième siècle encore: "gobeloteur". Venant du mot "gobelot" ou "gobelet" (vase à boire), "gobeloteur" signifiait: qui boit souvent, à petits coups et, par extension, qui aime rire et chanter. L'élision du "e" muet, à l'intérieur du mot, fréquente en français (du moins dans la prononciation), engendre facilement le mot "gobloteur". La version anglaise du Journal des Jésuites traduit par "Tippler" (ivrogne). Mais, même si elle confirme nos conclusions, la traduction nous semble manquer de nuance! Nous préférons, conformément à Trévoux, reconnaître dans le "gobloteur" le gai luron qui aime boire, rire et chanter. Nous retrouvons également ce mot dans le Dictionnaire Général de la Langue Française au Canada (Bélisle).

Guillaume Pelletier transmettra ce surnom à quelques descendants. D'abord à son fils Jean. Léon Roy, dans son histoire des terres de l'Ile d'Orléans, parle de Jean Pelletier-Gobloteux, propriétaire de la terre no 53 de la paroisse Saint-Pierre. Cette terre, passée ensuite au petit-fils de Guillaume, René, étant alors située entre celle d'un nommé René Goubleau et celle de Jacques Nolin, Roy commente ainsi: "Nous croyons que ce René Goubleau était tout simplement René Pelletier lui-même, dont le père, Jean Pelletier (1627-1698) était surnommé" le Goblot(eux)". A notre connaissance, ce surnom est disparu sans laisser de trace dans les noms de famille du Canada français.

Migration au Canada

C'est encore Madame Pierre Montagne (op. cit.) qui éclaire cet autre épisode de la vie de Guillaume Pelletier en nous aidant à préciser la date de son départ pour le Canada.

Malgré l'absence d'actes écrits qui l'attestent explicitement, il paraît évident que Guillaume Pelletier, comme beaucoup de ses compatriotes, est venu en Canada pour répondre à l'appel de Robert Giffard, premier artisan du peuplement canadien par l'émigration percheronne. De façon plus immédiate, il dut s'engager envers l'un des frères Juchereau, directement, ou par l'intermédiaire de leur représentant. Rappelons que Noël et Jean Juchereau, associés de Giffard, membres de la Compagnie des Cent-Associés, multipliaient à cette époque leurs voyages de recrutement entre le Canada et le Perche. Quand ils étaient absents, leur demi-frère, Pierre Juchereau, recevait en leur nom les contrats d'engage- ment.

Dès 1634, date de la première émigration percheronne à Beauport, Noël est lui-même du voyage. Les Juchereau font déjà du recrutement. Mais à l'excep- tion de Jean Guyon et de Zacharie Cloutier, qui sont du groupe, les premiers émigrants n'ont pas laissé de contrats écrits de leurs engagements. Jusqu'en 1646, année à partir de laquelle les archives ont conservé tous les contrats écrits, Mme Pierre Montagne est d'avis que les engagements se faisaient verba- lement et sous seings privés. Donc pas de document écrit qui nous dise par qui Guillaume Pelletier a été engagé, ni surtout à quelle date il l'a été. Heureuse- ment, d'autres actes notariés ont été trouvés par Madame Montagne qui, implici- tement, nous renseignent de façon étonnamment précise sur la date de son départ.

En effet, le 8 mars 1641, "Guillaume Pelletier et Michelle Mabille, résidant à La Gazerie, vendent un boisseau de terre à Robert Loyseau, baillant à titre de ferme pour cinq ans à Jean Rousseau, leur beau-frère, toutes les maisons et tous les héritages appartenant à ladite femme Pelletier et ceux devant lui venir des successions de défunts Guillaume Mabille et tiennette Monhée, ses père et mère, pour en jouir par ledit Rousseau durant ledit temps, moyennant 15 livres qu'ils ont reçues auparavant et dont ils quittent Jean Rousseau".

Le contexte est clair. Une évidence se dégage de ces dispositions prises devant notaire par le ménage Pelletier: ils vont partir. Ils disposent de tout: maisons, héritages et successions. Il semble que ce soient des obligations d'ordre familial qui les aient empêchés de le faire plus tôt. Maintenant que les vieux parents de Michelle sont morts, ils peuvent partir. Et ils prennent leurs dispositions pour cinq ans. C'est la durée assez ordinaire des engagements de ceux qui partent pour servir en Nouvelle-France. En effet, des engagements écrits qui seront pris à partir de 1646, un grand nombre sont pour un service de cinq ans; citons ceux de François Mabille (cousin de Michelle), Pierre Alognon, Nicolas Hublin, Pierre Maheux, Jacques Nourry, Nicolas Rousseau, etc. Ce qui nous semble, dans ces dispositions, indiquer le plus clairement un prochain départ et pour un lieu lointain, c'est que Guillaume et Michelle se nomment un procureur, dans la personne de leur beau-frère, Jean Rousseau, "pour faire lots et partages en leur nom avec Madeleine Mabille, sa femme, et avec Claude Mabille, frère desdites Michelle et Magdeleine, et procéder à la choisie d'iceux". La mort des parents Mabille entraîne inévitablement des questions de succession. Guillaume et Michelle ne restant pas là pour les régler eux-mêmes, Jean Rousseau en est chargé. Comme on est au début de mars, à l'approche du printemps, le départ pour la longue traversée de l'océan ne saurait retarder beaucoup. A remarquer que dans les dispositions prises par les partants il n'est fait aucunement état de leurs fils aînés, Claude et Guillaume (II) qui, s'ils étaient encore vivants, auraient à cette époque respectivement 19 et 17 ans. Comme, en outre, il est connu que seul le cadet, Jean, traversera au Canada, il est à présumer que ceux-ci sont décédés.

Nous avons donc tout lieu de conclure raisonnablement que Guillaume Pelle- tier, sa femme et son fils Jean, alors âgé de 14 ans, sont partis pour le Canada dès le printemps de 1641. Si erreur il y a, elle n'est pas considérable, car un acte notarié établit avec certitude que le 5 octobre de l'année suivante, 1642, les Pelletier sont bel et bien établis en Canada. C'est en effet du Canada que Guillaume, cette année-là, écrit une lettre qu'il confie à Mathurin Gagnon en partance pour le Perche. Cette lettre, Gagnon doit la remettre à Jean Rousseau, le procureur de Guillaume, à Tourouvre, à qui celui-ci enjoint de payer 45 livres de sa part à Me François Choiseau. Ce renseignement fort précieux est fourni par un acte passé le 9 mars 1643, en présence de Me Jean Juchereau, attestant que Jean Rousseau, ayant reçu la lettre, a exécuté l'ordre de son beau-frère maintenant en Canada.

Vraisemblablement Antoine Pelletier, le frère de Guillaume, traversa au Canada en même temps que ce dernier. Dans son Histoire du Canada (Vol.I), l'abbé Ferland compte Antoine au nombre des Percherons arrivés entre 1641 et 1666. Et l'on sait, par ailleurs, qu'il est mort aux chutes Montmorency, le 3 octobre 1647. Il s'était marié à Françoise Morin le 17 août précédent. Il ne laissa aucun descendant.
 

Engagé ou habitant?

Même si Guillaume ne semble pas être venu en Canada en vertu d'un engagement écrit, tout indique cependant, comme nous l'avons déjà vu, qu'il n'en fut pas moins un "engagé". Nous voyons une nouvelle indication en ce sens, dans le fait que Guillaume Pelletier, arrivé au pays en 1641, attendra trois ans avant de se porter acquéreur d'une terre. "Le 17 avril 1644, Giffard avait concédé une terre de 6 arpents de front à Martin Grouvel, avec une profondeur limitée à la rivière Montmorency (environ 34 arpents), qu'il vend à l'automne de la même année à Guillaume Pelletier, qui la cède à son frère, Antoine; ce dernier décède en octobre 1647 et la terre devient de nouveau la propriété de Guillaume Pelletier Donc Guillaume Pelletier attendit trois années avant de s'acheter une terre. Il est facile de voir là le geste d'un engagé qui décide d'investir dans une propriété ses économies de trois années de service. Et Guillaume semble le faire sans pour autant, mettre fin à son état d'homme à gages, puisque, au lieu d'occuper cette terre, il la cède immédiatement (à rentes ou à fermage?) à son frère, Antoine. Et seule la mort d'Antoine, en 1647, semble le décider enfin de s'établir sur sa propriété, sans doute pour l'exploiter lui-même.

L'homme aux cent métiers

On peut donc croire que Guillaume servit la cause de la colonisation en premier lieu comme artisan aux nombreux métiers. C'était, d'ailleurs, dans le prolongement de ses antécédents en France. Son bourg natal, rappelons-le, était au coeur d'une région de "charbonniers, de ferronniers et de bûcherons". Il avait vécu à La Gazerie, village de bûcherons et de verriers. Son occupation connue était celle de marchand charbonnier. Or la colonie naissante avait besoin autant d'artisans que de défricheurs. Les contrats écrits des Tourouvrains le confirment. Parmi les "engagés", il y a, bien sûr, des laboureurs, tels Jacques Poupar, René Vigneron, Mathieu Trut; mais relativement moins nombreux que ceux qui son "manoeuvres" de leur état: Antoine Mery, Mathurin Provos, Jacques le Roy, Julien Mercier, Pierre Alognon, etc. Plus nombreux sont les artisans; scieurs de long: François Mabille (parent de Guillaume Pelletier) et Jean Margat; sergetiers: Pierre de Montchavreul et Jehan Théhard; serrurier: Martin Huan; forgeron: Jean Chemin; fondeur: Pierre Pitot; chargeur de fourneau: Martin Cosnard, etc.

En résumé, même s'il le fut uniquement par contrat oral et sous seing privé, Guillaume Pelletier était un engagé. Nous estimons que c'est l'homme de métier qui s'engagea en 1641. A cette époque, tout était en construction dans la région de Québec. Pour ne parler que des Jésuites, leur Journal nous apprend qu'ils étaient à construire une résidence et une église paroissiale. Ne seraient- ils pas de ceux qui auraient retenu les services de Guillaume Pelletier? En tout cas, ils semblent particulièrement bien connaître celui que, dans ce même Journal, ils identifient comme "scieur de long, charpentier, charbonnier, etc.".

A Beauport

En 1647, Guillaume Pelletier reprend possession de la terre qu'il avait cédée à son frère, Antoine. Le voisinage des chutes Montmorency n'avait pas été favorable à ce dernier. Se faisait-il un sport de s'en approcher dangereusement dans son frêle canot? Le mercredi 3 octobre 1647, "Antoine Peltier, frère de Guillaume Pelletier dit Gobloteur (s'est) noyé d'un canot renversé à l'eau près de sa maison au Sault de Montmorency". L'épreuve dut être rude pour Guillaume. Elle le fut certes davantage pour Françoise Morin qu'il venait tout juste d'épouser, le 17 août précédent. Il fut inhumé par le Père Vincent, jésuite. Mort sans enfant, Antoine ne laissa donc pas de descendance canadienne. En quoi consistait la terre de Guillaume Pelletier à Beauport? Une terre de six arpents de front sur le fleuve, avec une profondeur limitée à la rivière Montmorency (environ 34 arpents). Donc un domaine de superficie assez réduite. En effet, à cause de la façon particulière dont Giffard avait choisi d'orienter ses terres en censive, celles-ci étaient limitées au sud par le fleuve et au nord par la rivière Montmorency. Et comme les deux cours d'eau se rapprochent pour se rejoindre à l'extrémité est de la seigneurie, la première terre, près des chutes, n'a que vingt arpents de profondeur. Celle de Guillaume Pelletier qui est la deuxième, a une profondeur de trente-quatre arpents environ. Et ainsi de suite, jusqu'à la terre de Jean Langlois qui est profonde de cent seize arpents. Précisons davantage la localisation de la terre de Guillaume Pelletier. Près de la rivière Montmorency, à l'ouest de celle-ci, il y a une première terre de trois arpents de front, qui ne sera concédée à François Hébert qu'en 1656, qui la vendra à Charles Courtois en 1658, qui la vendra à Charles Cadieu en 1661. Donc la terre de Guillaume, qui est voisine, n'est qu'à trois arpents à l'ouest de la rivière Montmorency. Jusqu'en 1656, il n'y a pas de censitaire entre sa terre et la rivière. Aujourd'hui, ce territoire fait partie de celui de la paroisse de Courville, détachée de Beauport. La maison Montmorency (l'ancienne Kent House) occuperait donc aujourd'hui l'extrémité nord de l'ancienne propriété de Guil- laume Pelletier.

Guillaume ne conserva pas la totalité de son domaine. En 1665 (et peut- être avant), Jean Mignaux est propriétaire de deux arpents de front, pris sur la partie est de la terre de Guillaume. Celui-ci ne resta donc propriétaire que d'une terre de quatre arpents de front.

De Guillaume Pelletier, habitant de Beauport, nous savons peu de chose. En 1646, son fils, Jean âgé de 19 ans, l'avait quitté pour se mettre au service des Jésuites, comme "donné". En 1647, au moment où il occupe sa terre de Beauport, Jean est probablement revenu habiter avec lui. Chose certaine, en 1649, Jean, ayant épousé la toute jeune Anne Langlois, s'installa chez son père dont il était le seul héritier. Cinq ans après seulement, la jeune épouse procurera à Guillaume la joie de connaître le premier rejeton de la branche canadienne des Pelletier de Tourouvre: Noël (1654). Du vivant de guillaume, Jean lui donnera aussi une petite-fille: Anne (1656).
 

Le citoyen respecté

Une fois de plus, c'est le Journal des Jésuites qui nous informe: en date du 9 août 1653, Guillaume Pelletier est nommé syndic adjoint de la Communauté des Habitants pour représenter la région de Beauport. On comprend que les Jésuites en parlent, compte tenu de leur rôle prépondérant dans cette Communauté. C'est un grand honneur pour Guillaume en même temps qu'une marque d'estime que lui manifestent ses concitoyens de Beauport.

Prétendant que la Compagnie des Cent-Associés a failli à son mandat, deux notables de Québec, Pierre le Gardeur de Repentigny et Noël Juchereau, conçoi- vent l'idée de fonder une société canadienne, sorte de subsidiaire mercantile de la Compagnie mère: la Communauté des Habitants de la Nouvelle-France. Le but recherché: garder au pays les profits de la traite au grand bénéfice du peuple- ment et de l'évangélisation. Une organisation originale, au caractère à la fois économique et politique, dont l'inspiration ne manque pas de saveur démocrati- que. En principe, elle est composée de la communauté de "tous les habitants chefs de famille" qui, pour veiller à leurs intérêts au sein du conseil, ont le droit d'élire des représentants qui y siègent en leur nom: ce sont les syndics. C'est l'honneur qui échoit à Guillaume Pelletier en 1653: ses congénères marquent l'estime dans laquelle ils le tiennent en l'élisant pour représenter les habitants de Beauport.

Guillaume Pelletier n'a donc pas servi la colonie uniquement par le travail de ses bras, productif sans doute, mais effacé, plus ou moins anonyme. Il semble avoir contribué activement à la vie économique et, jusqu'à un certain degré, politique, de la jeune communauté. D'ailleurs, il n'était pas dépourvu d'instruc- tion: il avait une "bonne signature", prend la peine de noter Madame Montagne qui a déchiffré celle-ci dans les pièces d'archives de Tourouvre. Et son expé- rience d'ancien marchand l'a sans doute habilité à surveiller les intérêts des Habitants au sein d'une organisation dont l'activité économique première était de gérer la traite des fourrures.
 

Sa mort

Quatre ans après cette nomination, Guillaume Pelletier meurt chez lui, à Beauport. Le 28 novembre 1657, il est inhumé à Québec, à 59 ans. Sa femme aussi, Michelle Mabille, mourra à Beauport et sera enterrée à Québec, huit ans plus tard, le 21 janvier 1665, à l'âge de 73 ans. A sa mort, Guillaume ne laisse pas une descendance canadienne très nombreuse: son fils, Jean, ne lui a encore donné que deux petits enfants. Mais Jean et sa jeune épouse, Anne Langlois, porteront à sept le nombre de leur progéniture (sans compter deux enfants morts à leur naissance). Tous, à l'exception d'un, naîtront dans cette maison de Beauport que Jean a reçue en héritage de son père.





Pages des Familles:
Pelletier - Bernier - Dionne - Morin - Deschênes - Proulx
Index - WebRings pour la généalogie

 Si vous voulez plus de renseignements sur les lignées secondaires (celles des mères),
contactez-moi à: klodet@cogeco.ca


This page hosted by Get your own Free Home Page