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Qu’est-ce que le bon goût?
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Manger ce qu'il vous plaît
et habillez-vous comme il plaît aux autres.

Proverbe arabe

 

 

Que les goûts et les couleurs ne se discutent pas, selon le dicton, n'est qu'un point de vue rhétorique qui n'appréhende pas la question de la diversité, mère du plaisir. Car c’est par les goûts et les couleurs que la société se transforme, se comprend, se juge et évolue! N’avons-nous aucune influence positive de par nos goûts personnels?
Oui, nous pouvons donner ou enlever du goût au goût des autres. Tout dépend des capacités mentales ou de la qualification de la communauté que l’on cherche à influencer. Si tout le monde est chrétien par exemple, j’aurai beau m’évertuer à décrire les grâces des vierges qui attendent le musulman mort au combat, (ou les délices du raisin mûr*) ça ne passera pas. Heureusement, le monde n’est pas ainsi homogène; il y a des athées, des bouddhistes, des non pratiquants et des tièdes. L’ouverture d’esprit est donc toujours possible. Et pourtant!

Cependant l’intensité, le choix et la qualité de ces goûts personnels font partie d’un héritage : sociologique, comme on le dit si souvent, ou historique; génétique aussi. Pourrait-il en être autrement étant donné que notre vie est intimement liée au biologique, aux ancêtres et à l'environnement. Nous venons de loin, c'est le cas de le dire. Notre inclinaison à des goûts spécifiques nous provient autant de la disposition du ciel au moment de notre conception que de l'état mental de la mère ou du père.

(Selon qu'un enfant naît en décembre ou en août, son destin en sera changé, d'après une étude sur les petits américains. Ces enfants sont aussi plus intelligents, obtenant de meilleurs scores à certains tests cognitifs. Reste à expliquer comment le mois de naissance influe sur les caractéristiques physiques et mentales des individus. L'Express 2/2/2006)

Mais nous n’avons pas besoin de nous éloigner ainsi, ce n'est pas un secret parmi les gitans que le fœtus se familiarise avec le son de la guitare spécialement jouée à son intention au moment de la grossesse. De cette façon, lorsque l'enfant vient au monde, c’est naturellement qu’il jouera de l'instrument à cordes.

Conclusion: Même si on donne la possibilité aux masses, particulièrement, celles dépourvues de bagages culturels ou d'antécédents bourgeois, elles n'acquerront pas si facilement le bon goût pour apprécier l'art sophistiqué; ils n'ont tout simplement pas les connaissances sous-jacentes l'élaboration de ces œuvres qui, plus est, n'éveilleront en eux aucun intérêt spécifique recherché par l'auteur. Pour la plupart, cet intérêt spontanné, ils ne l’auront jamais. Ce n'est pas déduire qu'ils n'ont pas de bons goûts, mais que leurs bons goûts sont plus simples.

Reste à s'entendre sur ce qu'est le bon goût? Je le définie comme une accumulation de préférences, liée à des valeurs esthétiques, morales et salutaires à notre évolution et celle des autres, indépendamment de la tendance générale et en porte à faux avec celle-ci lorsque nos choix ne correspondent pas aux leurs. Ce goût ne doit pas être dégradant ni motivé par les lois des autres ou de la tradition losrque les conditions du milieu naturel nous offre cette liberté. Manger du boudin, en ce qui me concerne, c'est de mauvais goût. Pour d'aucuns, un délice. Cette réflexion me fait penser à une scène que j'ai écrite, il y a longtemps déjà, et qui traite d'une certaine manière de la question:

"Musulmane mais libre"  p.80 Mais nous avons des raisons de croire que tout n’est pas rose au paradis, qu’une erreur humaine s’est glissée dans le Coran. Selon les travaux récents, ce que les martyrs peuvent attendre en récompense de leur sacrifice, ce ne sont pas des vierges mais des raisins! Le mot hur, que les érudits coraniques ont pendant des siècles lu comme signifiant «vierges aux yeux sombres», voudraient plutôt dire «raisins blancs». (Les raisins étaient des délices extrêmement coûteux dans l’Arabie du VII siècle, au point d’en faire des récompenses au paradis.)
Irshad Manji Musulmane mais libre. Grasset
   

Flash-back sur un tableau de Chagall, Le bœuf écorché.

Le boeuf écorché, de Chagall

Le destin me poursuit, pourrais-je prétexter, en projetant ces visions emblématiques, mais ce serait négliger l'autodétermination, l'inconscient sélectif ou la coïncidence qui n'est jamais accidentelle mais manifeste la reconnaissance de notre liberté de choix, de notre subjectivité et de nos intérêts. Ces conjonctions de l'esprit et de la matière apparaissent comme des illuminations lorsque l'individu est mûr pour les recevoir, et alors ces signent clignotent comme des feux de directions. Sinon, autant mettre ces hasards sur le compte de la superstition et programmer votre vie selon une rationalité à tout épreuve.

Indéterminé, je louvoie entre libre arbitre et déterminisme.

Le bœuf est pendu par ses pattes arrières, son dos ouvert en deux. Le peintre l'a représenté en train de lécher avec avidité son propre sang, comme pour retenir cette vie qui s'en va, qu'on lui extorque. Dans son enfance, Chagall a vu beaucoup de ces scènes où les bêtes étaient abattues selon le rituel juif. Ces odeurs de tripes grouillantes, ces carcasses fumantes, ces gigantesques corps écorchés lui apparaissaient comme une chose inquiétante et fascinante, qui lui servit de thème plus tard.

 
 

Il y avait aussi un coq effaré - "Ah ! encore cette poule, ne puis-je m'empêcher de penser", et un boucher avec un couteau à la main, qui était prophète par la même occasion. Ce tableau renouvelait l'archétype du sacrifice biblique : l'homme ne connaît l'expiation et la paix que par le sanglant sacrifice des innocents.

"Que par le sanglant sacrifice des innocents..." fit écho dans ma tête. J'en eus des frissons.

C'est dans portrait de François Mittérand la soirée, qu'un ami que je n'avais pas vu depuis des lunes, Vishnou, va arriver et me parler des goûts pour le moins singulier de François Mitterand. En se débarrassant de sa veste, il se souvint du magazine qu'il gardait dans sa poche. «Ah! écoutez ça, vous allez vous amuser... Il tournait les pages. ... ou vous dégoutter. J'ai des défauts et je le reconnais mais de là à ... Ah ! voilà, c'est un article sur Mittérand, je vous lis le paragraphe en question :

Pas de réveillon sans ortolans, avait fait savoir le président... bla bla bla... Les ortolans sont des oiseaux du Sud-Ouest, des petits bruants à la chair tendre, dont la chasse est interdite. Les meilleurs braconniers du pays revendent à prix d'or ces «petits oiseaux » - c'est leur nom de code... ta ta ta... Le président entend « ortolan », il se redresse. Il y en aura pas pour tout le monde, on devra se débrouiller. Quelques convives déclinent l'invitation, car, ils le savent, c'est une épreuve. On vous sert la bête entière, brûlante, avec ses os et ses viscères, tout chargée de son jus et de son sang. On vous tend ensuite une épaisse serviette de coton, un large morceau de drap blanc. Et là, il faut faire comme eux, ces hommes qui, brusquement, tous ensemble, glissent la tête sous leur serviette. C'est une dizaine de tâche blanche, une drôle d'assemblée de fantômes qui suçotent pendant que les femmes parlent à voix basse. Et, comme eux, il faut disparaître pour se retrouver face à face avec l'oiseau perdu au milieu de son assiette. Il faut alors prendre la tête de l'ortolan brûlant dans sa bouche et la broyer, la faire craquer franchement sous les dents. Puis vous attaquez les ailes, petites ailes si peu charnues, et, après la tête et les ailes, il faut trouver les deux pattes, s'en saisir et enfourner le corps de l'oiseau. Ce petit corps. il faut le mettre tout Repas de petits bruants à la chair tendre. Montage entier dans sa bouche, d'un seul coup, et mâcher cette boule, et avaler ce jus, et broyer ces os, et faire cela comme un homme, comme un chasseur, comme un Landais. Ne pas faiblir, on ne doit rien recracher.
- Hein ! Zina, tu aimerais ça toi.
- C'est dégouttant et tu es un provocateur. Je ne mange pas des horreurs pareilles. Et puis pourquoi nous lis-tu ces truc-là ?
Ajamil riait. Zina ne comprenait pas. Elle ne voyait pas non plus ce puzzle métaphysique qui prenait forme dans le ciel de ma vie : le roi Pariksit, le bœuf, la poule terrifiée, Mittérant. Leurs combinaisons forment la mosaïque d'une mémoire à partir de laquelle peut s'élaborer le processus de clarification mentale qui génère, dans les moment propice, l'illumination : la juste position de notre condition universelle. ---
C'est dégouttant et tu es un provocateur. Je ne mange pas des horreurs pareilles. Et puis pourquoi nous lis-tu ces truc-là ?
Comme une image ou Le goût des autres
BD: mes goûts.
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