Lettre ouverte à G. St-Germain : ma position d'homme

« Je suis une bonne professionnelle, c'est vrai, je t'ai dit que j'étais un peu psychorigide, ça vient de là:
il n'y a jamais de coquilles dans le journal, les photos sont bien cadrées, on sort toujours à la date prévue;
mais le contenu... C'est normal que les gens aient peur de vieillir, surtout les femmes, ça a toujours été
comme ça, mais là... Ça dépasse tout ce qu'on peut imaginer; je crois qu'elles sont devenues complètement
folles.»

Michel Houellebecq dans La possibilité d'une île.

 

 






Le troisième mariage
de Demi Moore, avec
un jeune de 24 ans

Dans ce cas, pourquoi
pas le mariage gay!?

Le magazine Châtelaine traînait sur le lit avec en page couverture un titre qui attira mon attention: "J'aime un homme plus jeune". (C'est seulement au moment où j'écris ces lignes que je me souviens de ce détail et des suivants.) Au festival du Jazz, j'avais fait remarquer à ma femme, avec étonnement et un certain agacement, le nombre important d'hommes âgés qui se promenaient en compagnie de très jeunes filles. Je croyais tout d'abord qu'il s'agissait de sorties entre père et fille mais la suite démontra qu'il s'agissait de relations amoureuses. Ma femme m'avoua, comme une objection détournée, que parmi ses clientes plusieurs entretenaient une relation sexuelle avec des hommes également plus jeunes et espéraient faire perdurer cette passion qui les transportait au septième ciel.
-C'est ridicule! Regarde donc ces vieux schnocks.
-Tu n'es pas un peu jaloux mon chéri?

Elle me taquine évidemment, car jaloux de ces hommes je ne le suis pas. Ma femme est encore très belle pour son âge, qui est le mien d'ailleurs, et avec un beau corps. Je fais cette précision, car les jeunes ne s'en rendent pas toujours compte, mais c'est sur le tard qu'une des questions sur l'égalité se joue clairement; la conjointe doit-être plus jeune que son homme, inférieure en âge, pour l'énoncer de façon pragmatique et mettre en perspective le désavantage qu'impose sur elle la Nature. C'est une patate chaude que je cuis là mais Geneviève St-Germain la croque sans difficulté. Vétéran(e) du féminisme ostentatoire, faisant l'apologie de l'égalitarisme tous azimuts, elle a su très bien, par son exemple, adapter cette réalité aux femmes; son article "J'aime un homme plus jeune" est illustré par une photo d'une vieille peau en compagnie de son jeune mâle (j'écris cela car je suis persuadé que la scène est un trucage. Et puis bon, il faut bien appeler un chat un chat.) C'est donc un sujet qu'elle nous propose de débattre honnêtement et sans gêne, évolution des mœurs oblige. A vous la parole si vous vous sentez l'aplomb pour tirer les marrons du feu.

Je n'ai pas lu l'article en question, comme je viens de l'écrire, mais je compte le faire sur le champ maintenant que je suis conscient de l'oubli. Ce qui m'a détourné de mon objectif, c'est l'éditorial de Lise Ravary, dans Châtelaine, avec en titre "Oser penser" sur lequel, en fait, je voulais dire quelques mots gentils, du moins je crois. Je vous reviens donc dès que possible avec mes réflexions sur son billet.

Et voilà!

C'est d'- un nouvel ordre amoureux - dont se fait le chantre Geneviève St-Germain qui, à plus de quarante, vient de se dégoter un homme de 10 ans plus jeune qu'elle. C'est la pierre d'achoppement. Sinon, on sait bien que l'amour ne connaît pas de frontière et qu'il serait stupide de le baliser à la manière des OGM. Mais il l'est encore plus, à mon sens, de populariser des conduites débridées. Qu'un homme, autrefois, et aujourd'hui encore, mariât une fille de dix ans de moins passait pour la chose la plus naturelle du monde et ne portait pas à conséquence, mais que les femmes aujourd'hui ne puissent rivaliser ouvertement avec eux, il n'en fallait pas moins à G. St-Germain, une féministe avérée, pour secouer la structure mentale de ces us et coutumes et rétablir, à l'aube du 21e siècle, l'égalité des mœurs aux dépends des réalités objectives (mais oppressantes). Avec elle, c'est tout juste si on ne passe pas pour ringard de ne pas fréquenter les clubs échangistes, une pratique sexuelle dont les mérites, à lire les magazines actuels, prétendent être la panacée des relations amoureuses.


La tête dans le vagin!---- Plus elle est grosse...----Oh! la banane
Tirées d'une publicité de Diesel sur trois pages dans Elle Québec.

Le ton est donné en début d'article par un tableau hédoniste : "mon chum se prélasse dans un bain moussant avec un verre de vin blanc glacé. . ." Ce garçon l'aime «parce que, dit-il, tu es la reine des remarques caustiques, de la cuisine et de l'exfoliation des fesses.» Mais aussi pour cette «folie qui me fait hurler de concert avec Led Zeppelin.» On voit, on voit . . . Si encore elle avait dit Jimy Hendrix. Question de goût vous me direz. Non, de valeur. Je parle en connaissance de cause, car dans mon adolescence Led Zeppelin fut une de mes idoles jusqu'au moment où j'ai appris que le satanisme inspirait ces musiciens dont le but était d'influencer le public, souvent à son corps défendant. Bref, avec un tel penchant musical, il ne faut pas s'étonner que les hommes, dont St--Germain imagine le monde peuplé, soient diaboliquement «poqués»! Car difficile de trouver, écrit-elle, « un homme qui ne nourrit pas de rancœur généralisée contre la gente féminine ».

Ce n'est pourtant pas un problème unique à la gent féminine devrait-on mentionner ici. Les hommes ont autant de mal à trouver des femmes qui ressemblent à des femmes. (Ai-je dit une connerie là?) Et je ne parle même pas de filles vierges, un concept devenu primitif par la force du "progrès". L'âme sœur, qui a remplacé le prince et la princesse, est un idéal lui aussi rendu ridicule parce que trop classique pour les esprits affranchis, surtout lorsque les élus s'imaginent vivre selon la conception du couple idéal, dénigrée textuellement par G. St-Germain (désolé, je n'ai pas l'article sous la main, mais je suis certain que c'est ce qu'elle écrit). Pourtant ces couples existent et en beaucoup plus grand nombre qu'on le croit. Mais c'est souvent des mauvais qu'on parle. De ceux qui font des vagues et les modes, avec sexe en effet zoom.

Je disais donc qu'elle cherche à créer un nouvel ordre amoureux, et plus particulièrement un nouveau type d'hommes. Ceux-ci désireront enfin une femme non pas pour des motifs bassement matériels mais par amour, sans pour autant qu'elle nous en donne sa définition. Elle ferait des gorges chaudes de la mienne: le bonheur d'élever des enfants et des petits enfants, le service, le renoncement à ce qui entrave la fidélité et le bien de la famille en général, l'attachement, le don de soi, à savoir que le conjoint s'approprie une bonne partie du contrôle de l'autre, et l'immense joie de retrouver chaque matin ces visages chéris que l'on aime tant, presque comme une faute. Est-ce de l'Ordre Ancien ?

L'obnubilation par le sexe est une pauvreté de l'esprit qui ne conduit pas à l'amour à proprement parlé mais au plaisir de l'amour, c'est le derrière de la poule sans la tête. Quand on a l'argent pour payer les œufs, on n'a pas à se soucier de nourrir la poule. Un commerce en fin de compte. L'aiguille de la balance règle l'égalité des échanges.

En général, les "vieux" qui se permettent le luxe d'avoir un ou une jeune sont des nantis, c'est une ancienne coutume de bourgeois qui se démocratise avec l'éclatement des valeurs traditionnelles et du néo-libéralisme. Dans les pays musulmans, d'où je proviens, c'était le privilège des hommes et la religion n'y trouvait rien d'immoral. En Asie aussi c'est fréquent. Je n'appelle d'ailleurs pas cela une relation amoureuse, les jeunes filles étant forcées, ce qui n'est pas le cas, j'en conviens, dans le Nouvel Ordre. Juste pour préciser d'où je tiens mon dédain envers ce genre d'union. Car si, à mon grand malheur, j'étais à la place de G. St-Germain, je ferais certainement la même chose. Ne soyons pas hypocrite!

Une des difficultés de G. St-Germain, selon ses dires, c'est qu'elle ne se complaît pas dans la minorité, elle ne supporte pas d'être différente, que l'on parle d'elle à travers les rideaux. Elle doit donc normaliser son complexe. Je la comparerais à une designer de vêtements de luxe qui rêve que le style que l'on voit durant les parades de mode, et nul part ailleurs, sauf dans des soirées huppées et privées, parades excentriques et sexy à outrance, que ce style donc soit porté dans la rue par monsieur et madame tout le monde. Jusqu'aux petites filles de huit à quinze ans qui ne veulent pas être laissées pour compte. Les jeunes garçons vont suivre, à mon avis; attendez qu'on découvre leur potenciel sexy et l'on pourra certainement justifier une autre façon d'alimenter la concupiscence des "vieux" au nom de la liberté et du profit. Du nouvel ordre. J'en conclue que, pour bien faire, c'est toute la «société encore réticente» qui devrait participer aux fantasmes de Madame qui souhaiterait ne pas « devoir se justifier ».

Tout cela ficelé au nom de "l'amour". Le plaisir sexuel est devenu synonyme d'amour. Peu importe le contexte; "on va faire l'amour." Cela rentre dans le moule de la modernité: on construit avec du substitut et on dédaigne quand on a tiré tout le plaisir. Et puisque le mariage traditionnel a prouvé son haut taux de faillibilité, donnons libre cours à nos lubies, de toute façon la société de consommation approuve et en redemande. Quoi de plus profitable!

C'est peut-être mal vieillir qui est en jeu chez ceux qui dépassent la quarantaine ou qui s'extasient à l'arrivée du démon du midi. En l'occurrence, c'est à cet âge que G. St-Germain réalise que les hommes « de 30 ans ont parfois des qualités rares et une maturité affective qui méritent bien plus qu'une aventure. » Les questions qui viennent à l'esprit sont: comment se fait-il que c'est seulement maintenant qu'elle prend conscience de cette réalité et que deviennent ces mêmes hommes à 40 ou 50 ans? Poqués?

Je pense, à lire son essai, qu'au contraire de ce qu'elle affirme en conclusion, G. St-Germain n' «est pas convaincue du beau risque d'aimer et de vivre. » J'anticipe sur sa vie par l'image qui suit : elle me fait penser à ce vieillard grabataire sur son lit d'hôpital ne pouvant s'empêcher de lorgner l'infirmière de 18 ans, à la peau toute fraîche, qui vient d'entrer dans la pièce. Lui aussi prendrait le « beau risque d'aimer et de vivre ».

Y a-t-il vraiment autre chose dans la vie que le sexe, dites-moi !??

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