Cliquez ici pour fermer la banière --->


 
Le suicide

Aussi: -commentaires de Michel Houellebecq
-Les femmes de Gainsbourg
-Les féministes de la révolution hyppi

Un plagiat circonstanciel: L'écriture ou la vie

Tout est vrai dans ce que je dis, sauf,
peut-être, dans ce que je ne dis pas
.

Ce matin, je me suis plus ou moins réveillé avec un fort désir sexuel pour une femme qui m'a rendu visite, hier, pour la première fois. Une belle femme. La mienne, devant s'absenter au bout de quelque temps, je restai seul avec elle.

Comme elle avait froid, on a changé de pièce et je lui ai passé un gros pull en laine à col roulé tricoté par ma sœur. Plusieurs fois, alors que je lui faisais découvrir ma discothèque, j'ai passé les doigts dans ses cheveux. Il ne fallait pas, cependant, que je fasse de bêtises. Ce dont j'ai l'habitude. De ne pas faire de bêtises, s'entend. En enfilant le pull, elle a remarqué qu'il fleurait bon le parfum. Ce devait être Emporio, d'Armani avec des effluves plus anciennes de Chrome et de Miracle.

Elle a voulu absolument emprunter un de mes CD, une compilation de ce qui se fait en Inde dans la musique underground, genre State of Bengale, Joy, Talvin Singh, etc. Je la sentais si proche de moi, appréciative, si douce, qu'elle ressemblait quelque part à ma femme. Je le lui ai dit. Un peu plus tard, alors qu'on mangeait, je lui ai aussi expliqué ce que ma femme avait d'exceptionnel, ce qui la rendait unique entre toutes les femmes.

Mais ce matin, j'avais vraiment envie de cette fille. De fantasmer. Alors, je me suis complètement réveillé et je me suis tourné vers ma femme. Je l'ai serrée contre moi et nous sommes restés ainsi quelque temps.

L'art de mourir

J'ai aperçue pour la première fois, ma femme, lorsqu'un de mes amis, qui la connaissait, la héla pour l'inviter à écouter le texte que je venais d'écrire et que j'étais en train de lui lire. Elle en fut ravie. De plus, comme moi, elle était végétarienne; elle aussi avait été en Inde et au Tibet; et elle aussi rêver d'y retourner ; ainsi de suite. Depuis plus de vingt deux ans maintenant, nous vivons jours et nuits ensembles. Depuis plus de vingt deux ans, nous nous aimons et nous nous enchantons devant la Vie comme des enfants qui ouvrent un nouveau paquet de bonbons.

J'ai raconté tout cela à cette jeune dame dont j'ai pris un grand plaisir en sa compagnie. Elle le voyait bien.

« Mais c'est tout! » confiai-je à la mienne. Je ne connais pas ses goûts. Si je devais sortir avec elle, au bout de quelques jours, j'en serais peut-être, ou plutôt, certainement déçu. Car belle, elle l'est en apparence mais qu'en était-il à l'intérieur de ses passions et de ses croyances ?

Là, ma psychologie ne sépare point les deux. Le beau extérieur doit correspondre au beau intérieur, tout comme dans l'art -chez moi. Cet autre internaute martelait que l'art c'est comme la vie. Je le crois autant que lui, sinon plus. Je ne sépare pas la morale (le bien, le mal; le meilleur, le moins bon) ou l'éthique de la vie, du mouvement, de l’acte. Ni de l'acteur ou de l'auteur. Et l’acte n'est pas le silence, ni le néant. Je suis à l'opposé de la philosophie bouddhiste.

Je ne pensais pas vraiment à tout cela lorsque je me serrais contre ma femme. Ou peut-être bien que si, d'une certaine façon du moins, mais à ce moment là, j'avais une toute autre préoccupation. Je pensais au suicide.

«Tu te rappelles ce qu'a dit l'architecte, Ricardo Bofill, à propos de sa
mort ?» Elle s'en rappelait très bien. "Je vais mourir quand je le déciderai. Je crois à l'euthanasie. C'est complètement normal."

« Goethe, disais-je à propos de son livre, je ne suis plus très sûr si je le garde ou je m'en débarrasse. » Ce même livre, "Les souffrances du jeune Werther", je l'ai lu en me demandant si moi aussi je ne devrais pas me suicider ?

L'adultère

L'ami qui me l'avait passé m'a signalé que l'ouvrage provoquait des suicides. Frondeur comme je l'étais, cela ne pouvait que stimuler mon désir de le lire.

Ma femme a pris le livre entre ses mains et a dit: "C'est vraiment un bon livre." Signifiant par là qu'elle désapprouve le sort que je lui réserve. Elle aussi l'a lu à dix sept ans. Par contre, elle ne se souvient pas de cette histoire de suicide.

J'avais entassé les livres dans un sac en plastique et le tout traîne encore dans un coin de la pièce. J'ai donc ressorti le livre. Dans l'introduction, au paragraphe intitulé "Werther et ses lecteurs", je lis ceci:

"Peu de livres ont eu un tel retentissement, il en est peu aussi qui aient, pendant près d'un siècle soulevé autant de discussions passionnées. L'Allemagne au cours des années suivantes connaîtra ce que le grand écrivain Lichtenberg appellera la «furor wertherinus». Une bonne dizaine de jeunes gens au moins, et ce jusqu'en 1835, se suicideront après avoir lu Werther. On connaît le mot célèbre de Mme de Staël: «Werther a causé plus de suicides que la plus belle femme au monde.»

Bon, je fais quoi avec cette chose qui conduit à la mort ? J'abhorre la négativité! Parce que, en plus, c'est de la négativité que de tomber amoureux de la femme d'un autre. La preuve, il s'est suicidé.

Blotti contre la mienne, je lui avais donc demandé si elle se rappelait ce que Ricardo Bofill avait exprimé sur l'euthanasie. Cela m'avait choqué.

Pas pour le fait de se donner la mort, car moi aussi j'ai toujours pensé que c'était la manière digne de finir une vie absurde dont on a plus aucun contrôle et parasitaire pour la société. Parce que je pourrais, autrement, mourir comme l'a fait ma grand-mère adorée. Se laver le corps, mettre des habits propres, changer les draps, rentrer dans le lit et se laisser emporter par la mort quelques heures plus tard avec son chapelet entre les doigts.

Toujours dans le lit

C'est notre médecin de famille qui, il n'y a pas longtemps, par l'intermédiaire de ma femme, nous a titillé l'esprit en révélant que lui aussi (comme nous) pensait au suicide comme moyen d'en finir avec l'existence.

C'est un juif d'une plus vieille génération que la mienne, un baby-boomer.

Sur ma table de la cuisine, j'ai des livres qu'il nous a recommandés. Ma femme est en train de lire "Imperium" de Ryszard Kapuscinski et moi Primo Lévi, "Le système périodique". Lévi s'est suicidé en se jetant par dessus l'escalier de son immeuble, à ce qu'il parait.

Le docteur m'a demandé si je connaissais "Le Monde d'hier" de Stéfan Zweig". C'est un de mes meilleurs livres, lui ai-je répondu. D'ailleurs, c'est dans celui-ci qu'il décrit, si je me souviens bien, le suicide qu'il projetait avec sa femme et qu'ils mettront à exécution. Où est-ce dans une autre autobiographie. . . celle d'Arthur Koestler, plutôt, que le médecin connaît d'ailleurs très bien aussi.

J'aime beaucoup Zweig. Voici les premières lignes de son livre, de sa préface: "Je n'ai jamais attribué tant d'importance à ma personne que j'eusse éprouvé la tentation de raconter à d'autres les petites histoires de ma vie."

Pas mal, hein? Moi, je ne vois pas les choses ainsi. Mais comme cela ne vous intéresse point, je passe là-dessus.
«Jean Mercure, le directeur de théâtre, s'est aussi suicidé avec sa femme.» me rappelle-t-elle, ce matin, comme par acquiescement.

Ricardo Bofill m'avait surtout choqué par le détachement avec lequel il avait répondu à la question concernant sa capacité de créer: continuerait-il à pratiquer son art s'il advenait qu'il ait fait le tour de la question?

Non, la seule chose qui l'arrêterait c'est le gâtisme, que son cerveau, avec lequel il crée, ne fonctionne plus correctement. À ce moment-là, il aurait recours à l'euthanasie, ce qui est tout à fait normal, ajoutait-il, avec nonchalance.

Pénis et vagin


La tête dans le vagin!---- Plus elle est grosse...----Oh! la banane
Tirées d'une publicité de Diesel sur trois pages dans Elle-Québec.

« Tu vois, murmurai-je à ma femme, je te l'ai toujours dit que s'il le fallait, je mourrais comme cela ! » Je lui ai souvent expliqué mon idéal : me retirer quelque part, à l'image du yogi dans la forêt ou les montagnes et me laisser mourir de faim, paisiblement. À un moment donné, quand le corps est faible et qu'il ne tient qu'à mon effort immédiat de prolonger l'existence, je retiens ma respiration et je pars.

Ça, ce serait trop beau !

Sensible à la perspective d'un débat platonique, Ehosud (un de ces pseudonymes qui foisonnent dans l'espace virtuel, comme des identités à la carte, mais qui, pour l'instant du moins, figure encore une personne à part entière) Ehosud, donc, s'est senti interpellé par cet horizon nouveau, lui qui s'abreuve aux sources des écrivains de l'absurde : « Le problème que je me pose, ce n'est pas de savoir ce qui nous pousse moralement au suicide mais plutôt de comprendre quel est le mécanisme qui détermine l'individu à cet acte-là aujourd'hui plus qu'autrefois ? Le reste, la morale en l'occurrence, n'est que littérature. »

C'est ce matin que j'ai lu sur le net ce message où il est question d'un livre dans lequel l'auteur, Alberto Moravia, parle de son pénis, ou à son pénis :
« Rico, metteur en scène en panne d'inspiration, paraît bien décidé à se révolter contre le tyran qui le tient depuis si longtemps en esclavage : son pénis.» Suit alors une discussion entre deux personnes, deux hommes qui racontent leurs comportements sexuels de mâles en chaleur disposés à n'importe quel épanchement des glandes sexuelles. « Tu es de ceux qui sont toujours prêts à tenter une aventure avec n'importe qui, pourvu que ce soit une femme. »

À Montréal, il n'y a pas longtemps, il y avait une pièce de théâtre donnée par des femmes qui discouraient sur leur vagin. Je crois que le spectacle a fait le tour du monde. Le peu que j'ai entendu des critiques en disait beaucoup de bien. Pédagogique pour sûr « Les monologues du vagin », c'est comme cela que ça s'appelle. Comme dirait l'autre, il y a de l'art partout. Et je rajoute : mais pas pour tous.

Je crois, cependant, que parler du pénis ou du vagin par le travers de la comédie ou du drame peut être un art d'une grande portée psychologique positive. C'est rarement le cas de nos jours; le sexe dégoulinant est l'apothéose du succès. Avez-vous vu Nijinski, le film? Notre danseur a eu son orgasme durant la représentation, fictif bien sûr, l'orgasme, c'était du cinéma. Et encore, je n'en suis pas si sûr. Mais si c'était son histoire ? Que cela se serait passé ainsi dans la vraie vie, sur scène. Je n'en doute pas. Les gais sont l'avant-garde de cet art décadent. Le tantra des hindous en fut l'apogée; le kama-sutra, sa vulgarisation.

On raconte beaucoup de bien aussi du film de Denis Arcand "Les invasions barbares". Les extraits que j'ai vus ne m'ont pas du tout impressionné (ni par la suite le film). Mais un cinéphile m'a encouragé à le regarder tout de même. Par précaution, je suis allé louer le film précédent de l'auteur sur le sujet, "Le déclin de l'empire américain", qui a eu un retentissement considérable. C'était pas mal joué, mais cela ne me concernait pas du tout; le scénario était sans intérêt pour moi. Je trouve cela non seulement décevant comme vie sociale mais je ne comprends pas pourquoi tant de gens trouvent leur compte dans ce genre de loisir.

C'est éducatif! C'est vrai, quoi ? tous les hommes s'y retrouvent, en tout cas, quand on parle de cul. Je me rends compte que de plus en plus les femmes aussi. Moravia s'adressant à son pénis, c'est de l'art ! De la culture, du moins. J'ai vu une fois, au ciné, un personnage qu'on filmait en train de chier sur les toilettes. On nous filmait cette activité pratiquement tabou sous prétexte qu'elle est une des activités courantes de la vie. C'était con. Mais même de la connerie on peut en tirer de l'art, n'est-ce pas ? Il suffit simplement d'ouvrir les yeux. Un gars qui chie! Non, mieux encore, une femme !

En Inde, je regardais avec curiosité, à travers les vitres du train en marche, toutes ces femmes, enfants et hommes qui nous montraient leurs derrières, qui utilisaient les champs pour se vider, sans gêne, devant le train qui roulait. La réalité contextuelle était différente. Des fois, c'était carrément en pleine rue, ils urinaient dans le caniveau. Une autre fois, j'ai vu le gros sexe d'un homme. Non, ce n'était pas de l'art. Mais cela choque les occidentaux ! Au cinéma, non. Du moins, plus aujourd'hui.

Il y a une différence entre le cinéma et la littérature. François Bizot, qui a vécu dans un camp de prisonniers au Cambodge, témoigne d'une expérience sexuelle : « Une nuit, je m'étais réveillé en érection dans le froid. La vie dont j’étais privé pouvait-elle encore bouger en moi? Je cherchai à retrouver dans mon sexe cette vitalité que je croyais perdue, la seule qui rattache au mystère primitif. Ma main se referma, faisant ressortir l’extrémité tendue, lorsqu’un choc froid et neutre secoua mes muscles, pour m’abandonner, solitaire, sous ce ciel dont je ne voyais jamais les étoiles. »*2 C'est la seule place dans son livre où il parle de sexe.

Mon père voulait m'apprendre "l'art" de trancher la gorge des poules, d'égorger un mouton, qu'on pratiquait une fois l'an pour les cérémonies religieuses. Répugnants rituels.

Hitler était un grand orateur, un des arts les plus beaux et des plus puissants. C'était un artiste. Il était aussi attiré par les excréments. C’est pour cela qu’il était végétarien (ce qui n’a rien à voir avec le végétarisme, cependant). Moi, cela ne m'intéresse pas les histoires de sexe, pensai-je en prenant ma femme dans les bras. Je trouve cela dégueulasse. D'ailleurs, il faut toujours aller se laver après coup. Bien que ce ne soit pas évident pour tout le monde. Surtout chez les artistes. Bon sang ! Du sperme et de l'urine, c'est sublime !

Mais de cette fille, ce matin, j'avais terriblement envie d'elle !

*2 Le portail, François Bizot. Folio p.126

 

: BD de Victor et Rivière de André-Philippe Côté. Dessin de André Gagnon. 
"Magnifique et dérangeant... un must!" Robert Lepage, dramaturge

 

 

 

 

 

 

 

«Des scènes indignes d’un pays moderne», écrivait le journaliste sans se rendre compte qu’elles étaient la preuve, justement, que la France étaient en train de devenir un pays moderne, que seul un pays authentiquement moderne était capable de traiter les vieillards comme de purs déchets, et qu’un tel mépris des ancêtres aurait été inconcevable en Afrique, ou dans un pays d’Asie traditionnel. »
M. Houellebecq,
La possibilité d’une île p.92, Fayard

Montage personnel: "Marchand de rêves m'évader d'ici, comme un trafiquant d'armes, et voir d'autres pays. Gainsbourg à la Rimbaud

J’aimerais te dire que je te suis fidèle
Mais d’abord je trouve
que ça ne serait pas bien
Car vois-tu ce n’est pas vrai
Et autant que tu saches
A quoi t’en tenir avec moi
Non jamais je ne t’ai rien promis de tel
Au tout début tu trouvais ça très bien
Maintenant que tu l’as oublié
Tu trouves que c’est vache
Mais moi je ne vois pas en quoi


J’y peux rien c’est la vie qui veut ça
C’est la vie ça n’est pas moi
Moi je voudrais bien être autrement
Mais je ne vois pas comment

Souviens-toi la première fois à l’hôtel
Tu m’as dit que j’étais
une petite putain

Alors tu aurais préféré
Que je te le cache?

Mais moi je ne vois pas pourquoi
Si tu veux m’garder
Il faut me prendre telle quelle
Et t’faire à l’idée que j’ai des copains
Moi je te dis la vérité
Et tout de suite tu te fâches...
Il n’y a vraiment pas de quoi

Gainsbourg: "Mon propre rôle"

 

"Trop de féministes de la première heure souscrivirent au mythe de la contre-culture. Elles présumèrent que l'existence même des règles étaient un symptôme de l'oppression des femmes. Pour que les hommes et les femmes soient égaux, conclurent-elles, il faillait abolir les règles au lieu de les réformer. L'«amour libre» fut proposé comme substitut aux «relations stables». L'amour était comme une fleur magnifique, proclamèrent-elles, qu'il faut laisser libre pour qu'il se déploie naturellement, sans les contraintes artificielles des conventions sociales.

La révolte consommée, de Joseph Heath

«L’indignation convenue soulevée par ces images s’estompa vite, et le développement de l’euthanasie provoquée –ou, de plus en plus souvent, librement consentie- devait au cours des décennies qui suivirent résoudre le problème. »
M. Houellebecq
Accueil
Polémique
M'écrire