Chapitre Dix-sept

La Renaissance d'un Portait

De temps en temps, à l’Abbaye, on reçoit des visiteurs; parfois en groupe, parfois comme individus. Il y a surtout des hommes des ecclésiastiques, tels ces bénédictins anglicans qui projettent leur propre monastère sur l’Île et, si possible, leur intégration au sein de la communauté de Ste-Marie. Mais des laïcs viennent aussi pour toutes sortes de raisons. Un jour frère Joseph doit préparer une chambre pour un homme venu voir sa sœur très malade chez les moniales de l’abbaye St-Joseph. Cet homme, un écrivain, dit-on, accompagne sa mère, et comme les hommes ne sont pas admis à l’auberge des moniales, il est accueilli, comme d’habitude en de telles circonstances, à l’abbaye des moines. Le lendemain, c’est avec grande surprise qu’au déjeuner, frère Joseph reconnaît le visiteur: Roch Langevin, frère de Nicole. C’est lui qu’il avait rencontré à la ferme des Langevin lorsqu’il avait souhaité revoir son amie d’enfance. Se pourrait-il que Nicole soit chez les moniales de l’Abbaye St-Joseph? "Incroyable!", s’exclame presque à haute voix, le frère. On lui avait pourtant dit qu’elle était chez les trappistines. Il sait, en plus, que Mère Jémima, elle-même trappistine, n’était pas venue seule fonder le nouvel établissement. Au moins six ou sept religieuses de son ancien monastère étaient venues avec elle. Dorénavant, la pensée du frère Joseph se polarise autour de l’idée qu’une certaine Nicole de son enfance, personnage devenu mythique, pourrait bientôt reprendre une existence concrète. Cette perspective semble d’autant plus près de la réalisation que dans une semaine il ira, à son tour, accompagner le père aumônier à l’Abbaye St-Joseph.

Le jour choisi, lorsque le frère Joseph doit assister le père Sindono dans son ministère, les deux moines prennent la route immédiatement après le repos de vingt minutes que leur accorde la règle au moment de la sieste. L’aumônier des moniales de St-Joseph est un homme de petite taille au visage rectangulaire et aux cheveux toujours foncés malgré son âge. Sa longue et fine moustache, sa barbiche de même qualité ainsi que ses yeux en amande, corroborent l’aspect typiquement asiatique de son visage. Son regard amusé, parfois quelque peu narquois, perce à travers la fente de ses paupières tombantes. Frère Joseph n’a jamais su quel était son pays d’origine, mais son exquise politesse et ses manières distingués laissent deviner un pays de haute civilisation.

L’aumônier et son assistant, tout en marchant, prient de façon habituelle pour demander au Seigneur de bénir leur ministère et de les préserver de tout danger moral. Ensuite, le père engage la conversation en demandant au frère si ce sera la première fois qu’il visitera l’Abbaye des moniales.

"Oui, Père, ce sera la première fois à l’intérieur du cloître. Mais, j’y suis déjà allé pour faire des livraisons."

"Vous êtes ici depuis presque deux ans et durant ce temps vos contacts avec le beau sexe n’ont été guère plus que la vue de quelques rares dames derrière le grillage de la chapelle… à moins que vous ayez rencontré des Diane quelque part dans les bois?"

L’aîné se tourne vers son jeune compagnon avec, sur les lèvres, un sourire à la fois taquin et interrogateur. Son assistant lui retourne le sourire.

"Mon Père, l’an dernier, en travaillant près de la route qui conduit à Jupiter-la-mer, j’ai en effet rencontré une jolie jeune femme…"

Frère Joseph fait une pause pour laisser pénétrer l’idée:

"…elle était accompagnée de son mari et ils se rendaient en Jeep à la rivière pour faire de la pêche aux saumons. Ils se sont arrêtés pour me saluer et pour s’assurer qu’ils étaient sur la bonne route."

Cela amuse le bon père, mais il reprend un ton plus sérieux.

"Je voulais vous taquiner, bien sûr, mais je suis aussi sérieux. Vous êtes jeune et vous vivez presque sans contact avec la gent féminine. Vous vous trouverez tout à coup au milieu d’une grande maisonnée de femmes et cela ne vous laissera pas tout à fait indifférent. Même un vieux bouc comme moi peut être impressionné par la grâce féminine. Rien de mal à cela, bien sur. Mais sachez que certaines jeunes religieuses seront, elles aussi, naturellement intéressées et ne pourront pas toujours le cacher malgré leurs bonnes intentions. En dépit de la modestie des vêtements et la pudeur des habitudes, il suffira parfois d’un regard à la dérobée ou d’une parole nécessaire mais chaleureuse plus que nécessaire pour découvrir que l’attraction des sexes se moque de l’habit. En fait, plus on cache les attraits physiques et superficiels, plus le mystère de l’homme et de la femme se révèle en profondeur. Cela est bon. Il y a eu des amours tout à fait chastes. Des amitiés comme celles de saint Jean de la Croix et de sainte Thérèse d’Avila, saint François et sainte Claire d’Assise, saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal, et combien d’autres que nous ne connaissons pas."

"Jésus et Marie Madeleine…?"

"Oui, je suppose que nous pouvons le penser analogiquement puisque que nous voyons cela chez bien des femmes mystiques. Ce sont surtout des femmes que Jésus choisit comme victime d’amour. Cependant, il ne faut pas confondre l’amour infini de Jésus et l’amour limité de nos saints même si ce dernier est purement spirituel. Quant à nos amours à nous, il est rare qu’ils atteignent le degré de noblesse chrétienne attribué à ceux des saints. Nos émotions n’atteignent pas toujours le degré de sublimation qui est le leur."

Si je vous mets en garde, ce n’est pas parce que je crains pour votre vertu. Nous sommes des hommes et des femmes de Dieu, nous faisons profession de pratiquer la discipline par rapport à nos sens, nous pratiquons la vertu de chasteté et nous sommes protégés par la règle. Je veux simplement vous mettre en garde afin que vous puissiez éviter ce qui pourrait troubler votre paix intérieure.

Le sujet des sexes intéresse frère Joseph et il ne veut pas le laisser tomber:

"Père, Jésus nous dit qu’à la résurrection nous ne prendrons ni femme ni mari, mais nous serons comme des anges du ciel. Cela veut-il dire qu’il n’y aura plus de différence entre l’homme et la femme?"

"Vive la différence! Cette différence, les Français pourront l’apprécier encore à la résurrection. Si tu place ces paroles dans leur contexte tu comprendras que le Seigneur veut parler des relations sexuelles. «Prendre ni femme ni mari» dans le texte auquel tu viens de faire référence l’indique assez clairement. La procréation ne sera plus nécessaire et le mariage perdra son à propos. Les anges n’ont pas de sexe, mais autant la Marie demeure mère et vierge, autant nous retiendrons nos qualités féminines ou masculines. L’état dont parle Jésus, nous le voyons déjà chez les âmes consacrées qui vivent vraiment leur vocation. Il n’y a pas, par exemple, de personnes plus femmes que ces vierges, belles de nature, mais que la grâce embellit chaque jour davantage. Parce qu’elles ont consacré tout leur être au Seigneur, source et origine de tout amour, elles ne feront jamais chair unique avec un mari mais, par contre, en étant toutes à Dieu, elles sont toutes à tous. Elles sont là pour nous guérir, pour sublimer nos passions. La beauté et la grâce inspirent tous ceux avec qui elles entrent en contact. Il en est de même pour les hommes. Ainsi, le divin se présente à nous au féminin comme au masculin. Ah! Si nos monastères possédaient davantage de ces personnes qui sont comme des anges et qui sèment partout autour d’elles la paix et la joie! Que Dieu soit loué car, heureusement, il nous en donne une poignée dans chaque maison de religieux. Ils sont nos maîtres, même si nous ne le reconnaissons par toujours. Quant au reste, nous ne sommes que des saints en croissance."

Les moines arrivent à la pente douce qui conduit au petit monastère dont le contour découpe, au-dessus d’eux, un ciel bleu grisâtre. La pensée du plus jeune ne dévie pas du sujet:

"À l’Abbaye St-Joseph, il doit y en avoir de ces belles âmes dont vous parlez?"

"Écoutez, mon fils, beaucoup de choses se cachent aux jugements des humains. Il faut s’en méfier. Mais, je puis vous dire qu’il y a là une jeune moniale qui m’édifie grandement. Il s’agit d’une vraie perle… un chef d’œuvre de la main de Dieu. Elle possède la beauté aussi bien que la vertu… et le talent aussi. Il n’y a pas de meilleur iconographe dans nos deux maisons. Elle a eu un grand maître pour l’initier, mais sa vie intérieure est un plus grand maître encore, même pour son art. Tu verras sa dernière œuvre, encore inachevée. Elle y travaille petit à petit, à la mesure de ses forces, car le Seigneur la rappelle. C’est un mal inconnu qui l’atteint; un mal sans repentir semble-t-il; une maladie inconstante où il y a des périodes de sursis, suivies de recrudescences. La souffrance ne l’abat pas cependant; elle semble même y trouver son inspiration. Elle y puise ses connaissances de l’âme humaine qu’elle traduit ensuite sur la toile, ou plutôt, sur le bois. Et crois-moi, elle sait vivre sa maladie avec joie, beaucoup de joie."

"Nous y voici!"

Frère Joseph saisit le loquet de la lourde porte, ouvre, et laisse passer le père devant lui.

"Merci, frère."

À l’intérieur, le père Sindono sonne et le guichet s’ouvre devant un visage féminin à demi voilé. Il n’est pas nécessaire aux moines de s’annoncer.

"Bonjour Père Sindono! Bonjour frère! J’arrive tout de suite. En effet le guichet se referme et les pas se dépêche vers la porte qui s’ouvre sans tarder.

"Père, la paix soit avec vous! Et, comment vont vos frères?"

"Tous vont bien, excepté le vieux père Augustin. Son vieux corps de quatre vingt dix-sept ans s’accroche à la vie comme un cocon au papillon. Malgré sa longue vie et sa maladie il n’est pas encore prêt à s’envoler."

Avant d’aller plus loin, laissez-moi vous présenter le frère Joseph, un gentil et pieux moine qui m’accompagnera pour les quelques prochaines semaines. Frère Joseph, je vous présente Sœur Agathe. On l’a mise à la porte, mais elle ne passe pas le seuil."

"Que vous êtes taquin, Père!"

"Le Seigneur soit avec vous, ma sœur."

"Et avec vous, mon frère. Le père a raison, on m’a mise à la porte, mais je m’y plais beaucoup. C’est peut-être parce que je suis bavarde.

"Le ton de la vie monastique ne s’accorde pas très bien avec le bavardage, ma sœur…"

"Oh! Je fais de mon mieux pour contrôler ça, mon père. Aimeriez-vous que je cesse de vous parler?"

"De grâce, non! Le silence n’est pas mon fort non plus. La tempête d’hier vous a-t-elle fait peur?"

"Nous avons des sœurs qui ont peur des orages électriques et je suis l’une d’elles. Comme d’habitude, nous nous sommes réunies dans la buanderie, au sous-sol, où on ne voit ni n’entend rien. Nous avons prié jusqu’à ce qu’une religieuse plus courageuse vienne nous avertir que tout était passé."

"Je ne vous blâme pas; les orges d’Anticosti font trembler même les murs de nos maisons."

Cela rappelle au frère Joseph la tempête qui lui avait volé son image de la Joconde au deuxième jour de son pèlerinage à l’Abbaye. Il veut en dire un mot, mais le père Sindono s’apprête à se rendre à la chapelle et la conversation aborde un autre sujet.

"Puisque demain nous célébrons la fête de l’Assomption, nous aurons, ce soir, la messe de la vigile. Les ornements seront blancs, bien sûr."

"Faites annoncer à vos sœurs que je suis à la chapelle pour les confessions et la direction spirituelle."

"Quant à vous, frère, je crois qu’on a des réparations en mécanique à vous faire faire. Mais soyez de retour ici, à la réception à 4 heures – je veux que vous m’accompagniez pour la visite des malades."

Le moment venu de visiter les malades, le père Sindona et le frère Joseph se rendent à l’infirmerie en compagnie de sœur Mgamba, une infirmière africaine qui sait très bien mêler l’anglais à l’espéranto, surtout lorsqu’elle doit employer des termes médicaux le moindrement techniques. Femme imposante dans la force de l’âge elle possède une voix qui lui convient, car lorsqu’elle parle son timbre remplit toutes les espaces ouvertes du cloître.

Il y a trois patientes à l’infirmerie. Le père Sindono les salut toutes individuellement. Le sourire et l’accueil chaleureux sont des signes de la joie qu’elles ont de le revoir et constituent pour lui, sur le plan humain, la grande part de sa récompense pour le service qu’il leur donne. Le père se rend d’abord auprès de la malade la plus âgée et le frère l’accompagne. Pendant ce temps, la sœur infirmière accomplit les besognes ordinaires de sa tâche et fait de son mieux pour mettre ses patientes dans la position la plus confortable pour recevoir le prêtre. L’aumônier, prend la main de la vieille religieuse dans la sienne et pose l’autre sur sa tête pendant qu’il prie silencieusement. L’infirmière a confié au frère Joseph que la pauvre femme est totalement paralysée à la suite d’une hémorragie cérébrale. Frère Joseph admire l’habilité du prêtre à se rendre perceptiblement présent à la religieuse et même à communiquer avec elle, par delà la paralysie qui empêche cette dernière de parler. Il y a évidemment un cœur à cœur silencieux entre le père et la malade, une communion des saints qui ne se laisse pas vaincre par l’affaissement des sens.

Le père Sindono va de la vieille religieuse à une autre malade dans le lit voisin. Elle veut se confesser et recevoir une direction spirituelle. Alors le confesseur demande qu’on tire le paravent qui sert de cloison entre les lits. Frère Joseph exécute la simple manœuvre et se retrouve avec la seule personne qui puisse lui parler, c’est à dire, la plus jeune malade qui attend patiemment, assise sur une chaise, le ministère du bon père Sindono. Il voudrait s’approcher, mais elle semble prier, les yeux clos, et il ne veut pas la déranger. Il ne peut, toutefois, s’empêcher de la regarder. Sur sa tête, non pas la coiffure monastique, mais un léger voile blanc couvrent à peine ses longs cheveux ondulés. Ceux-ci retombent librement sur ses épaules et tapissent de roux son vêtement blanc comme des feuilles d’automne tombées après une première neige. Elle sent qu’on la regarde et lève les yeux. C’est la femme des Écritures que le frère voit en elle et il ne peut s’empêcher de traduire au féminin la description du jeune David: "Elle était rousse, une fille au beau regard, et de belle tournure."

"Je suis Sœur Marie."

"Et moi, frère Joseph. J’accompagne le père Sindono pour lui aider dans son ministère auprès de vous. Je suis heureux de faire votre connaissance."

"Faire connaissance?"

Petite question énigmatique, accompagnée d’un sourire mystérieusement familier… Frère Joseph cherche un instant sa mémoire… Ça y est! La Joconde! Le sourire de Nicole! Il n’en croit pas ses yeux… ses yeux qui la dévisagent. Mais elle a tourné son regard vers l’icône qu’elle peignait tout à l’heure, comme si elle avait voulu laisser en suspend les séquelles de cette rencontre inattendue. Il a la certitude qu’elle sait qui il est - c’est pourquoi elle a réagit de cette façon.

"Je fais des icônes. Celle-ci sera ma dernière."

Ces paroles de la moniale ramène le sujet à quelque chose de concret et permettent au frère de se ressaisir.

"Vous dites la dernière…?"

"Bientôt la porte du ciel s’ouvrira pour moi. C’est pourquoi je baptiserai mon icône Notre Dame de la Porte du Ciel."

Il n’est pas sûr d’avoir compris ce langage qui lui semble plutôt mystique. D’ailleurs, ce qui l’intéresse beaucoup plus que le tableau, c’est l’artiste elle-même. Il veut connaître son identité avec certitude.

"C’est votre frère qui est venu vous visiter, il y a une quinzaine de jours, en fin de semaine?"

"J’ai parfois des visiteurs. Vous aimez mon icône?"

Le frère se rend compte qu’elle ne le laissera pas conduire son investigation jusqu’au bout. Il se laisse donc entraîner dans le sujet qu’elle lui propose. Il regarde l’icône mais ne peut établir un rapport avec elle.

"Comment puis-je savoir si je l’aime ou pas puisqu’elle n’a pas de visage?"

"Une icône ne parle pas seulement avec le visage. Toutefois, celle-ci en aura un lorsque je l’aurai complétée."

La religieuse commence à expliquer son ouvrage. Son visage s’anime et ses paroles deviennent enthousiastes.

"Mon intention, lorsque j’ai entrepris celle-ci, était de copier de mémoire une ancienne icône que j’avais beaucoup admirée en étudiant mon art à Athènes. Maintenant, je m’aperçois qu’en suivant ma propre inspiration je suis en train d’en écrire une variante tout à fait distincte."

"Vous écrivez aussi?"

"Non, non. On ne peint pas une icône, on l’écrit. Les iconographes s’expriment ainsi, et c’est plus exact car en composant une icône on observe des règles aussi précises que les règles de grammaire. Je ne suis pas certaine, toutefois, que les iconographes puristes accepteront de donner à celle-ci sa valeur iconographique puisque j’ai violenté les règles, en quelque sorte. Prenez, par exemple, les cœurs de Jésus et de Marie: Ils sont empruntés à la piété latine, quoique j’aie fait mon possible pour leur donner la subtilité de l’art byzantin. Comme vous voyez, les cœurs sont voilés et les teintes ont la sobriété exigée par la norme byzantine. Les couleurs ne contrastent pas comme dans les images pieuses de l’Église latine, mais elles se marient plutôt pour inspirer l’unité.

Vous savez sans doute, frère Joseph, puisque votre maison vénère aussi les riches traditions du rite byzantin, que le but de cet art est de représenter l’Évangile dans tout ce qu’elle a d’humain et de divin. Pour que l’Évangile vienne habiter l’icône, il faut veiller à ce que tout y contribue: la liberté des lignes et du mouvement, le dégagement du geste et du regard, les formes statiques et mouvantes du personnage, de ses traits, de son vêtement et ses plis… C’est pour cela que l’on tient tellement à la pureté de cet art, et pour cela aussi que l’on n'entreprend jamais d’écrire une icône sans avoir d’abord jeûné et prié.

Maintenant, mon Frère, regardez attentivement mon tableau et dites-moi qui y occupe la première place. Ne restez pas debout; prenez la chaise que vous voyez là et asseyez-vous pour que puissiez voir le tableau à angle droit."

Il apporte la chaise devant l’icône et s’assoie. Pendant quelques instants il fait de son mieux pour concentrer son attention sur cette représentation d’une mère et d’un enfant sans visages.

"Au premier coup d’œil, j’aurais cru que Marie occupe la première place, mais plus je contemple, plus je me rends compte que l’Enfant Jésus a vraiment préséance. Je crois que c’est à cause de sa plus grande proximité; il est au premier plan et rien n’obstrue son image. C’est peut-être une question de couleur aussi, puisque seul l’enfant est drapé d’or."

"Je suis heureuse que vous ayez remarqué ces choses. Laissez-moi attirer votre attention sur d’autres détails que vous auriez remarqués vous-même avec le temps:

Il est vrai que l’enfant a la première place pour la raison que vous donnez et c’est aussi, en grande partie, à cause de la position de sa main droite qui est placée devant le cœur de sa mère. Je veux signifier par ça que c’est par le cœur de Marie que Jésus bénit. Les deux sont placés au centre de l’image mais c’est la main de l’enfant qui prend toute l’importance. L’association Mère-Fils est un élément constitutif de l’histoire de du salut.

Maintenant, à partir du centre, déplacez votre regard ver le haut: ici… Voyez comment le nimbe de Marie s’arrête là où commence celui de Jésus. La sainteté de Marie provient de celle de son Fils qui est unique et parfaite. Enfin, cherchez la source de la lumière, et dites-moi quelle direction elle prend."

"Ma sœur, cela est très fascinant et je commence à comprendre pourquoi on dit «écrire» plutôt que «peindre» une icône.

Alors, vous voulez que je considère la lumière du tableau."

Il prend un long moment pour bien observer.

"Le nimbe de Jésus est sans ombre, ce qui indique sans doute que c’est là l’origine de la lumière. Cette lumière se reflète sur la croix et c’est à travers elle, apparemment, que le nimbe de la Vierge est illuminé, si j’en juge d’après les ombres. Je trouve cela très significatif."

"Vous m’émerveillez, Frère; vous avez l’œil d’un artiste et l’âme d’un homme de Dieu."

Elle a accompagné cette déclaration d’un sourire taquin et le frère y a vu, encore une fois, la Nicole d’autrefois. Le compliment l’encourage à continuer son analyse.

"Vos teintes sont si pures… Comment faites-vous pour les faire si belles."

"J’avoue que je les trouve belles moi aussi. Et si vous avez l’occasion de voir l’icône terminée, vous remarquerez que sur les visages les teintes purent ne sont pas ombragées parce que les personnages sont illuminés de l’intérieur par la lumière de Dieu."

"Je prierai Dieu de me laisser voir l’image complète. Mais vous ne m’avez pas dit d’où proviennent vos couleurs."

Elle hésite un peu, songeuse, puis répond avec un accent qui dénote la conviction.

"Vous verrez mon icône complétée, je vous en assure. Quant aux couleurs, nous avons tous nos secrets. Je puis vous dire, entre autres, que j’y ajoute du blanc d’œuf – surtout à ce temps-ci de l’année – pour conserver la fraîcheur."

"Pourquoi, à ce temps-ci, plutôt qu’en autre temps?"

"Vous trouverez cela étrange, mais je préfère le blanc des œufs qui proviennent des poules en liberté. En hiver, lorsque les pondeuses sont enfermées et qu’elles ne peuvent pas choisir leur nourriture, le blanc de l’œuf ne semble pas produire la même qualité de peinture."

"Je veux vous faire remarquer une autre chose concernant les couleurs: L’or qui drape l’enfant, et que vous avez observé tout à l’heure, cela affirme sa divinité. Par ailleurs, le doré sillonne aussi la bordure du voile de Marie ainsi que la lisière de ses autres vêtements, en plus du phylactère que vous voyez apposé à son épaule droite. Cela démontre la royauté de la Mère du Seigneur."

"Ma sœur, je vois tout ce symbolisme dont vous me parlez, mais je vois aussi qu’il faut apprendre à lire ce qu’écrivent les iconographes avoir de pouvoir en apprécier toute la richesse."

"Vous avez sans doute raison. Pour les occidentaux, il faut même parfois le sens des symboles. Par exemple: Dites-moi, frère Joseph: Quelle est la couleur mariale?"

"Le bleu, bien sûr."

Mais il n’est pas si sûr. Il a reconnu le genre de question que l’on pose en vue de changer l’idée de l’autre.

"Ah! Mais, regardez ici. Pour l’Église latine, le bleu est la couleur de Marie; pour l’Église orientale, c’est le brun, couleur de la terre, pour signaler son statut de créature. Vous verrez que sur la mienne des teintes bleues auréolent le front de Marie, ainsi que la partie supérieure de son visage, comme vous le voyez déjà légèrement sur sa poitrine. Je ne résiste jamais à la tentation d’y mettre un peu de bleu. C’est un élément ineffaçable de ma culture religieuse, faut-il croire."

"Et ces lignes épaisses? On dirait des bordures de vitraux."

"J’aime Rouault… Vous le connaissez?"

"Non."

"Bien. Il a été verrier avant de devenir peintre et cela se reflète dans son art. Je lui emprunte un peu de son style. C’est un autre compromis avec la culture occidentale."

Le frère continue de contempler l’image, et finalement, l’aspect spectral de celle-ci fini par l’irriter:

"Dites-moi, aussi, Sœur Marie, comment vous arrivez à peindre – à écrire la représentation d’une personne sans visage? Pour moi, ce serait impossible d’établir un rapport avec l’image tant qu’elle n’aurait pas de visage. Imaginez, par exemple, une photo de sa mère sans les traits de sa face!"

L’artiste pousse un profond soupir et admet sa propre frustration:

"Assurément! Je n’ai pas l’habitude de procéder de cette façon lorsque je fais une icône. Mais je suis dans l’embarras, puisque je me sens incapable de composer les visages de Jésus et de Marie. Vous frère Joseph, vous avez une idée qui pourrait m’aider?"

"Bien non! Ma sœur. Je ne pourrais certainement pas vous aider. Nous avons des icônes à la chapelle, je sais ce dont elles ont l’air, mais je ne puis rien d’autre."

"Allez-y, mon frère, dites-moi ce qu’elles ont l’air."

"Mais! Comment cela vous serait-il utile?"

"Frère, j’aimerais vous entendre décrire les visages de la Mère et du Fils…"

Le pauvre moine veut bien lui faire plaisir, mais il se sent comme un malade à qui le médecin demanderait des conseils pour sa propre santé. Cependant, en faisant sa demande la religieuse s’est tournée vers lui pour le regarder et le frère Joseph a deviné qu’elle s’attendait à recevoir plus que de l’information sur les visages d’icônes. Depuis le début, l’image avait été leur moyen de communication; leurs yeux étaient braqués sur elle et toute leur conversation passait par elle. Maintenant, ce n’est plus de façon indirecte, mais en le regardant dans les yeux qu’elle s’adresse à lui. Il constate un intérêt dans ce regard – une indication du désir de connaître quelque chose de son être intime. Surpris par cet intérêt qu’il devine et auquel il ne veut se refuser, il y répond en commençant par mentionner les aspects évidents des visages iconographiques dont il a la mémoire.

"Les traits des figures que je vois sur les icônes, reflètent, je crois, le calme et la force. Ce que j’y vois c’est un sujet tout à fait humain mais qui ne semble pas du tout agité par les passions humaines. En les regardant dans un esprit de méditation on a l’impression de passer par ces images dans l’éternité où les vicissitudes du temps n’existent plus."

"C’est bien décrit, ça, frère Joseph. Et vous, qu’est-ce que vous aimeriez voir de plus dans ces figures?"

"Bien, puisque vous insistez. Pour moi, le sourire importe beaucoup. C’est par lui que l’âme communique. Je verrais une énigme dans ce sourire: Dénote-t-il de la joie?… de la tristesse? Il y aurait dans ce sourire énigmatique comme une tristesse de voir tant d’humanité insensée poursuivre, en se heurtant, les biens et les plaisirs de ce monde comme si ces choses étaient la fin ultime, il y aurait aussi une joie, la joie de…"

Tout à coup, le frère s’arrête, rougit, et fuit le regard de sa compagne en détournant le sien vers l’image. Il a constaté, subitement, que c’est le sourire de la nouvelle Nicole qu’il décrit, et que ce sont ses propres sentiments qu’il lui prête. L’unisson des images qu’il a à la mémoire et celle, vivante, qu’il a devant lui l’a frappé et il en a été gêné. Il reprend toutefois son aise en regardant la future icône.

Il y a une craie sur la tablette du chevalet. Le frère Joseph la prend sans intention précise et commence à tracer les traits faciaux qui lui sont familier. Refaire les lignes sur le portrait de la Joconde était devenu un rituel pour lui et maintenant il a toute l’assurance voulue pour la reproduire sur le vide de l’icône. Cependant, ce n’est plus exactement l’œuvre de Da Vinci, qu’il reproduit puisqu’il a, à ses côtés, un modèle plus parfait de l’archétype féminin et ce modèle s’impose dans son dessein. Les yeux fixés sur l’image, la mémoire réfléchissant le regard qu’il vient de soutenir pendant quelques minutes, il donne au visage de la Vierge un faciès auquel il ne manque que le sourire. Il hésite un long moment. Dans ce sourire, en plus de la tristesse qu’il faut y voir, il veut aussi une expression de joie – la joie de tenir dans ses bras la Sagesse Éternelle et de pouvoir l’offrir au monde. Ce sera un sourire qui interpelle, avec un brin d’ironie: "Pourquoi ne cherchez-vous pas la Sagesse? «Tout l’or du monde devant elle n’est qu’un peu de sable»." Il répète à mi-voix la partie biblique de sorte qu’elle est audible aux oreilles de la moniale. Sans la regarder, il continue de dessiner le visage que son imagination crée sur le vide de l’icône. Un sourire apparaît qui communique de façon voilée et subtile, comme dans un poème ou dans un psaume, le cœur débordant d’amour et de pitié de la Mère de Dieu; un sourire qui dit autant que nous voulons ou pouvons appréhender et retenir; un sourire qui se lit sur des lèvres sensibles et dans des yeux qui rencontrent les nôtres.

"Vous êtes un artiste, frère!"

"J’ai toujours eu de la facilité pour le dessin." Il s’est retourné vers elle en disant ces paroles et ses yeux ont eu le temps de ressaisir pour la mémoire le visage de la moniale, ce qui lui permet de mettre les dernières touches sur la face gracieuse de Notre Dame.

"Merveilleux! frère! Toute l’icône sera comme un vitrail."

En effet il a reproduit les lignes prononcées qu’il avait appliquées à l’image de la Joconde, ce qui convient aux contours accentués que l’iconographe a elle-même donnés à son œuvre.

"C’est l’image féminine de Dieu que vous avez donné au portrait de la Vierge. Il y a encore l’Enfant Jésus. Ce n’est pas seulement l’image, mais le visage même de Dieu qu’il faudra lui donner."

"Je n’ose pas essayer."

"Vous ne faites que l’esquisse; c’est moi qui ai la dernière responsabilité. De toute façon soyez à l’aise d’être inapte, car lorsqu’il s’agit de dessiner Dieu, l’inaptitude est la norme. Ce qui compte, c’est l’inspiration; et vous l’aurez puisque je demande à Dieu que mon jeûne et ma prière vous l’obtiennent."

"Le frère commence à reproduire les traits de la Mère chez l’Enfant tout en faisant son possible pour donner à ce deuxième portrait la physionomie masculine de Dieu. Cela lui est très difficile."

"Je constate que vous savez quelque chose de l’iconographie puisque déjà le visage de l’Enfant apparaît sous les traits d’un adulte."

"J’ai appris cela par observation, ma sœur, mais pouvez-vous me dire pourquoi c’est ainsi?"

"C’est parce qu’il doit être représenté comme le Sauveur du monde qu’on lui donne cet air de maturité. Pour la même raison, aussi, on lui crée souvent un regard qui semble s’étendre sur l’humanité entière."

"Je n’avais par remarqué ce dernier détail. Je vais essayer de l’incorporer à mon esquisse."

Le dessin a atteint la forme qui servira de base à l’artiste pour compléter son icône.

"Voilà! ma sœur, je ne puis faire davantage car je risquerais d’y mettre de l’accessoire."

"Vous avez fait une représentation bien évangélique et vous m’avez suffisamment inspiré pour que je puisse reprendre mon ouvrage. Je ne sais comment vous remercier; vous m’aurez aidé à faire une icône dans laquelle se rejoignent Byzance et Rome."

Alors, les deux religieux retournent au silence qui leur est habituel. Contrairement au gens du monde, les moines et les moniales qui observent le silence ne sentent aucune gêne à être sans parole en présence l’un de l’autre. Pour eux, la présence compte d’abord. Ainsi, dans l’Abbaye St-Joseph d’Anticosti, deux âmes sœurs, absorbée dans la réflexion, jouissent silencieusement de leurs présences réciproques en Dieu.

Le père Sindono repousse le paravent; on entend la cloche de la chapelle.

"Mes chers enfants, il est tard; frère Joseph et moi-même allons descendre immédiatement à la chapelle. Sœur Marie, préparez-vous à recevoir la Sainte Communion que j’apporterai, à vous et à vos compagnes, immédiatement après la messe. Je crois, aussi, que notre grande malade aura besoin de votre aide. Si je puis faire quelque chose pour vous, je le ferai à mon retour.

Allons ! frère, avant que la Mère Abbesse s’impatiente."

La messe, ce jour-là, est célébrée selon la liturgie latine, et le frère Joseph remplit la fonction d’acolyte. Au milieu, même, de la cérémonie il peut apprécier encore la différence de ce cloître de moniale, moins rustique que le leur, plus subtile dans le décor, et plus suave dans les louanges. Par ailleurs, deux voix masculines enrichissent le chœur féminin et cela doivent résonner agréablement aux oreilles des moniales tout comme les leurs aux oreilles des moines. Le corps n’est pas absent des louanges divines car chez l’homme le sensible et le spirituel sont inséparable. L’âme incarnée ne communique avec son semblable qu’en passant par les sens. Les humains louent le Seigneur en esprit mais s’ils le font ensemble il doivent le faire avec leur corps. Du moins c’est ce que semble dire le père Sindona dans son homélie: "Marie, par son Assomption, jouira corps et âme de la présence de Dieu. Corps et âme, elle louera le Seigneur; corps et âme elle priera pour nous."

Plus tard, les deux moines se retrouvent sur le chemin du retour, soumis au silence régulier. Le frère Joseph est heureux. Le souvenir de cette journée viendra souvent agrémenter sa pensée durant les jours et les mois qui suivront. Toutefois, il n’aura plus l’occasion d’entrer en contact direct avec elle qu’il nomme dans le secret se son cœur, sa «sœur retrouvée». La religieuse, semble-t-il, se sent mieux, car elle ne reste plus à l’infirmerie. Le frère l’aperçoit chaque jour à la chapelle. Lors des rares rencontres fortuites dans les corridors c’est à peine si elle lève la tête pour le saluer mais il la voit aussi ailleurs vaguant à ses occupations. Il ne peut s’empêcher de l’observer discrètement, toujours ébahi par la beauté qui émane de toute sa personne. Elle possède, à ses yeux, cette noblesse, fruit des dons de l’amour tels que la bonté, la modestie, la douceur, la magnanimité… tous ces dons qui se conjuguent au féminin et qui font d’elle une gracieuse icône vivante.

Au cours de son service à l’Abbaye St-Joseph, une décision a été prise par les membres du chapitre de l’Abbaye Ste-Marie concernant la demande du frère Joseph d’aller vivre en ermite dans la vallée de la Jupiter. Il pourra dès maintenant commencer à préparer sa retraite, mais il n’assumera pas la vie érémitique avant le prochain été. On a stipulé seulement que le frère viendra vivre chaque mois cinq jours à l’Abbaye, tandis qu’un autre moine ira prendre sa place à l’ermitage. Il profitera de ses visites pour s’approvisionner en vue des besoins du corps et de l’âme. Une attention spéciale sera accordée au précieux Pain de Vie qu’il placera dans le tabernacle pour l’adorer et le consumer durant les 25 jours de sa solitude.

Il cultivera un jardin et gardera des poules et une chèvre pour pourvoir en grande partie à ses besoins alimentaires. Un jeune chiot, fils de Bossé, l’accompagnera aussi. Déjà, frère Joseph lui a donné le nom de Knabo (Garçon) en souvenir de Boy, le chien du bonhomme des chèvres. Avant toutes ces démarches, toutefois, il y aura la construction de l’ermitage avec l’aide d’un frère menuisier.

Le frère est heureux qu’on ait reconnu, dans sa demande, la volonté divine. Grâce à Dieu, les huit prochains mois d’attente et de préparation, dans le travail et la prière, aideront encore davantage à convaincre ses supérieurs de la valeur de son projet.

On est au 8 décembre et l’Église latine est en fête. Dans les deux abbayes d’Anticosti, les moines et moniales célèbrent avec toute la solennité possible cette grande fête de l’Immaculée Conception. Le frère Joseph a complété son temps de service chez les religieuses et il en profite pour se reposer et prier dans la joie. Hors, tôt dans l’après-midi, la douleur vient frapper à la porte de sa cellule.

"C’est moi, Père Sindono."

"Entrez, Père!"

Le père entre. Malgré la fête on ne lit aucune joie sur son visage. Il a un paquet sous son bras; quelque chose de mince comme une planche, et enveloppé de toile.

"Je t’apporte ceci. Sœur Marie te l’a légué. Elle est morte ce matin."

Pendant un long moment, Jean-Nil reste sans réaction, hébété. À sa demande, son compagnon déroule doucement la toile de lin. Il cache les larmes qui lui montent maintenant aux yeux.

"Tiens! Regardez frère Joseph!"

L’icône apparaît toute brouillée sous les yeux mouillés du frère, mais il perçoit, malgré cela, le regard de la vierge qui rencontre le sien. Dans le sourire sœur Marie a écrit une énigme: la Madone est-elle triste? La terre a perdu un être de beauté, emporté comme une rose du jardin que l’on cueille à peine épanouie. Est-elle joyeuse, la Madone? Une enfant resplendissante est entrée à la maison du Père; une fleur nouvelle pour le Paradis.

"Tu peux la garder. J’ai réglé ça avec le Père Abbé. Je te laisse. N’oublie pas de descendre pour une partie de ping-pong. Rappelle-toi que c’est congé et qu’il n’y a pas de silence aujourd’hui. Il faut en profiter."

Laissé seul, le frère ne retient plus les larmes qui coulent comme en de petites rigoles le long de ses joues. Sa barbe ne fournissant pas à éponger tout le flot, en laisse s’échapper, goûte à goûte, sur sa bure. Il est accablé de tristesse, mais la joie attend à peine sous la surface et bientôt ce sera elle qui l’emportera. Il se rappelle les paroles de saint Paul: "…il ne faut pas que vous vous désoliez comme les autres, qui n’ont pas d’espérance…". "Nicole n’est pas morte, elle est vivante dans le Seigneur", pense frère Joseph. Il place l’icône sur la table de chevet et se déplace d’un bout à l’autre de sa cellule - le regard de la Madone le suit partout. Il reprend l’image et admire la précision des détails et la délicatesse de l’expression. Puis retournant machinalement la planche, il découvre ce que sœur Marie a écrit au dos de l’icône.

Que cette icône garde unis dans votre cœur, la croix du Fils et le regard de sa Mère. En optant pour la sagesse, vous avez choisi la meilleure part, car «tout l’or du monde, devant elle, n’est qu’un peu de sable».

Dédicace appropriée qu’aurait pu écrire n’importe quel religieux à un autre: Seul frère Joseph peut lire le secret caché entre les lignes. Cette citation des Écritures porte un message que seule la mémoire d’une expérience commune peut déchiffrer. En lui rappelant les mots finals de cette dernière dictée, sœur Marie a voulu lui laisser savoir qu’elle aussi a consacré sa vie à la même poursuite de la Sagesse, et qu’elle ne l’a pas oublié durant ces vingt-et-une années de silence. Aujourd’hui, ces paroles bibliques ont atteint leur pleine signification pour la vie de Jean-Nil.

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© 2002, Jean-Nil Chabot


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