Par Cédric Gérot
DE LA CONSCIENCE
Descartes
a dit "cogito ergo sum". Je pars de cette affirmation, la
contredis et la développe. En effet, je dirais plus volontiers "je
pense donc je ne suis ni Dieu ni animal, mais Dieu et animal, autrement dit
je suis humain", ou "je pense donc les objets de ma conscience existent",
ou enfin "l'Homme est conscient, donc mes semblables ont conscience de moi,
donc j'existe".
Ni Dieu ni animal, mais Dieu et animal : c'est ainsi que l'on
définit souvent l'Homme. J'entreprends ici de donner mes arguments qui
étaieront cette idée que, comme vous l'avez compris, j'embrasse
totalement.
Qu'est-ce que Dieu?
Chacun a son Dieu, certains même n'en veulent pas, d'autres
veulent le voir partout (combien de fois a-t-il été et sera
ce cache mal adapté devant les interrogations auquelle la Science
ne pouvait répondre, Dieu devenat l'aspirine de ceux auxquels
l'idée que l'Homme ne pouvait tout comprendre donnait de trop importantes
migraines. Ainsi, je trouve beaucoup plus satisfaisant la démarche
qui a amené les adeptes de la théorie ondulatoire à
supposer l'existence d'une substance inconnue nommée éther
qui "porterait" les ondes, sautant ainsi momentanément l'obstacle
de l'idée qu'une onde puisse se propager dans le vide (dans rien donc!)
afin d'avancer dans leurs recherches). Quoiqu'il en soit, le Dieu dont je
parlerai ne gênera ,je crois, personne. Si oui, appelez-le Amour
ou Communion des Ames. Mais je vais trop vite. Commençons par rappeler
qu'il paraît absurde de donner à ce qui touche à Dieu
une explication rationnelle (si la question "pourquoi Dieu accepte-t-il tant
de misère dans le monde" est intéressante pour notre
réflexion personnelle, elle n'a aucun sens dans la "compréhension"
de Dieu) : comment voulez-vous comprendre ce qui est divin comme ce qui ne
l'est pas? Comment concevoir un Dieu compréhensible, donc qui ne serait
pas Dieu? On pourrait remarquer qu'en ce paradoxe, qui va donc à
l'encontre du bon sens humain, pourrait résider justement la
divinité de Dieu... c'est une remarque qui me paraît tout à
fait valable mais qui a le désaventage de réduire à
néant toute poursuite de réflexion. Dieu n'est donc pas tout
ce qui échappe à la Raison, mais il en a la nature (la nature
de ce qui échappe à la raison). Je sens poindre en votre
mémoire le beau "L'Amour a ses raisons que la Raison ignore". C'est un
point de départ pour comprendre ce que j'expliquerai plus loin : Dieu
et Amour ne font qu'un.
Nous avons donc la nature de Dieu, ou tout du moins certaines
caractéristiques. Pensons maintenant à l'Ame. N'est-ce pas la
chose qui, le plus certainement, échappe et échappera toujours
à toute rationalité par essence-même? Vous souvenez-vous
des définitions de l'Espace, du Temps, et de Dieu que je vous ai
données dans un précédent article? J'avais identifié
l'Ame au Temps et la Communion des Ames à Dieu. En fait, j'avais un peu
simplifié les choses.
Vous pouvez garder la définition que j'avais donnée du
Temps, immuable et s'opposant à l'Espace, et que je détaille un
peu : il se compose des objets immatériels créés par
l'Homme (les idées), des objets qui ne sont que portés par
l'Homme (les souvenirs et sentiments) et des objets qui n'existent plus ou
pas encore.
L'Ame est la perception que vous avez du Temps, c'est à dire
les objets que vous portez (souvenirs...); elle dépend donc de notre
sensibilité et de votre Vie. Mais vous ne la possédez pas,
vous ne pouvez pas l'isoler. Une Ame n'a pas de nom. Ainsi, si j'identifie
toujours la Communion des Ames à Dieu, j'insiste sur le fait que la
Communion des Ames n'est pas une réunion d'âmes divisées
isolées comme les représentent les tympans des églises
et autres Jugements derniers : les Ames n'ont pas de noms, en chacun de nous
vibre une Ame, mais personne ne la possède, ne peut l'isoler. Lorsque
je dis "Dieu est la Communion des Ames", il faut donc comprendre "Dieu est
le flux d'âme qui traverse nos coeurs", un flux qui fait communiquer
l'Espace et le Temps entre eux. Autrement dit, Dieu réside en tout
acte de création.
Parlons succintement de l'Amour. Je ne m'étalerai pas sur
les différentes formes que peut prendre l'Amour, mais en
donnerai une définition globale : L'Amour est l'élan de tout
acte que l'on fait en étant totalement ouvert, sans a priori ni
idées préconçues, avec une totale humilité.
L'Amour est donc l'élan de tout acte de création.
Voilà Dieu défini : c'est une entité qui
échappe à la Raison, qui est la Communion des ames en tant que
"flux universel" de création, unique lien entre Espace et Temps.
Et, en fait, il y a identité entre Dieu et Amour.
Qu'elles sont les différences entre Homme et Animal?
Bien, laissons momentanément les théories pour observer.
Il est plus aisé d'expliquer la différence entre Homme et Animal.
Objectivement, on ne peut nier que l'Homme est un mammifère particulier.
En quoi? Je ne répeterai pas les bons vieux cours de philo sur la
conscience de la mort et autres, je les résumerai par ceci : L'Homme
a conscience. En fait, il est un animal qui peut créer la seule chose
que l'on puisse créer : la non-matière. Comment? Je n'ai pas
d'idée arrêtée à ce propos, mais je pense que la
non-matière est en particulier ce qui échappe apparemment
à la Raison, ce que l'on ne peut prévoir rationnellement.
Ceci étant une propriété caractéristique des
mathématiques du chaos, je pense que le fonctionnement du cerveau
humain est identique à celui de l'animal sauf en un petit détail
qui le rend chaotique, comme la foncton logistique peut créer ou non
du chaos à un coefficient près.
Nous avons fait le tour : l'Homme est le seul point de contact entre
la non-matière et la matière, donc entre le Temps et l'Espace.
Il est donc le seul être capable de faire exister la non-matière,
de graver l'empreinte de la non-matière sur la matière autrement
dit de créer. L'Homme n'est ni Dieu ni animal, mais Dieu et
Animal.
L'existence
Il faut à présent expliciter ce que l'on entend par exister.
Avant tout, il faut de la matière. Une idée n'existe que
parce qu'un homme y pense, donc parce qu'il y a matière. On a même
vu que Dieu n'existe que parce que l'Homme existe. Etrangement, on va voir que
toute chose n'existe que parce que Dieu (ou l'âme) existe.
En gros, la conscience est la présence de l'âme en un
homme, ce en quoi elle distingue ce dernier de l'animal. Bien. Je dis que
quelque chose n'existe que dès lors qu'une conscience l'observe. On peut
retrouver cette idée dans Le chat de Schrödinger de John
Gribbin. En effet, un homme qui serait né, aurait vécu et serait
mort dans une île sans qu'aucun autre homme ne l'ait vu ni n'ait eu
conscience de son existence a-t-il existé ? Plus encore, on ne peut
définir une existence que pour soi. Ce qui existe pour les autres et non
pour soi est alors réduit, pour nous, à l'état d'idée
(que l'on peut accepter ou non, ce n'est pas le problème).
La boucle est bouclée : toute chose n'existe que par la Conscience,
donc Dieu, qui lui n'existe que grâce à l'Homme qui le met en
contact avec la matière. L'homme joue donc un rôle primordial.
Si l'on veut donner un sens à sa vie, si l'on se demande pourquoi on est
là, voilà une réponse : pour faire exister Dieu afin que le
monde existe. Mais attention, il ne suffit pas à l'Homme de vivre : il
peut vivre comme un animal qui porterait en soi une bulle d'âme, mais qu'il
ne projetterait jamais sur la matière, donc qu'il ne ferait jamais exister.
Ce serait donc un simple animal (avec plus de potentialités certes, mais
non développées). Comment établir ce contact? En créant.
Une remarque après cette définition de l'existence :
observer par l'intermédiaire d'un instrument est-il suffisant pour valider
l'existence de l'objet observé ? On ne peut dire non, car qu'est-ce que
l'oeil sinon un instrument? Mais j'hésite à dire oui quand les
intermédiaires sont trop importants en nombre et en complexité.
Mais cette définition pose un autre problème. J'ai dit que
toute existence ne peut se concevoir que pour soi. En effet, prenez par exemple
un groupe de cinq personnes autour d'une chaise. Il est clair que chacune des
cinq personnes verra la chaise sous un angle différent de celui de son
voisin, même s'ils sont joue contre joue : ils voient donc des chaises
différentes, les autres points de vue étant pour eux soit des
souvenirs, soit des modélisations. De plus, comment savoir si chaque
cerveau synthétise l'objet de la même manière? Ainsi, le
narrateur du côté de chez Swann s'apercevant qu'il n'avait entendu
qu'une sonnerie au lieu de deux comme à l'habitude découvre que
"quelque chose qui avait eu lieu, n'avait pas eu lieu en moi?",
affirmation que n'auraient pas compris les contemporains de Turner qui lui
reprochèrent face à une de ses toiles où figurait un bateau
de grandes inexactitudes dans la reproduction de ce dernier. La réponse
de Turner peut en quelque sorte servir de définition à
l'impressionisme: J'ai peint ce que j'ai vu. Et ce qu'il a vu n'était pas
la réalité... mais cette dernière n'a plus guère
de sens dans l'absolu. Voyons-nous les mêmes couleurs? Pour pouvoir
comparer les réalités perçues, on pourait tenter de donner
à décrire la chaise à chacune des cinq personnes qui
tourneraient autour d'elle. En supposant que tous voient et synthétisent
la même chose, il resterait le gigantesque obstacle du passage de
l'impression à l'expression. Lorsque le narrateur du côté
de chez Swann se rappelle "...je m'écriai dans mon enthousiasme
en brandissant mon parapluie refermé : "Zut,zut,zut,zut."" c'est
pour lui un moment grâve illustrant la faille énorme qui
sépara son bohneur de son expression. Rien n'est plus difficile que de
tenter d'exprimer avec un vocabulaire forcément limité (que ce
soient des mots, des couleurs, des notes, des gestes...) une réalité
infiniment complexe dont on n'a même pas conscience : réalise-t-on
vraiment l'ensemble d'un sentiment, pouvons nous l'isoler en nous? Non, il se
mélnge à de milliers d'autres qui participent d'ailleurs à
son existence. Cette tâche herculéenne du passage de l'impression
à l'expression, c'est ce à quoi se confronte tout artiste. IL
faudrait donc pouvoir comparer des réalités perçues,
pouvoir accéder aux images que se forme chaque cerveau, ce qui est
impossible. Le seul champ d'investigation pour comparer des réalités
est donc UN cerveau. Tout existence n'a donc de sens que pour soi, l'observation
étant relative à chaque individu.
Mais le problème peut être même encore plus
compliqué : l'observation peut influencer l'objet observé. Ainsi,
en mécanique quantique, c'est l'observation qui fixe l'onde d'une particule
parmi sa famille d'ondes. Résumons sommairement l'exemple connu du Chat
de Schrödinger : prenez une boîte hermétique (si on est à
l'extérieur de celle-ci, on ne sait pas se qui se passe à
l'intérieur) à l'intérieur de laquelle on met une petite
boîte ne contenant qu'une particule qui peut émettre de la
radioactivité selon la position de l'un de ses électrons (position,
ou état d'énergie qui dépend d'une famille d'ondes) et un
compteur Geiger relié par un mécanisme à une capsule remplie
d'un gaz mortel, mécanisme qui est sensé briser la capsule
dès que le compteur perçoit de la radioactivité. On enferme
dans cette grande boîte un chat. Alors, on ne peut dire si l'électron
est descendu jusqu'au niveau d'énergie tel que de la radioactivité
soit libérée, que si l'on ouvre la boîte pour"fixer une onde
parmi la famille d'ondes de l'électron". Autrement dit, si on ne regarde
pas dans la boîte, le chat est à le fois mort et vivant !
On pourrait alors dépasser le cadre de la mécanique
quantique et penser que l'observation puisse créer des particules parce
que l'on aurait choisi leur "onde d'existence". Bien sûr, ceci est une
extrapolation sauvage.
Nous avons donc montré que l'Homme n'est ni Dieu ni animal, mais
Dieu et animal à le fois, puis que la conscience de l'Homme donnait
existence aux choses que cet Homme observe. Parmi ces choses, on ne peut
soustraire l'Homme. Donc chaque homme et femme n'existe que parce que d'autres
hommes ou femmes l'observent. On retrouve l'exemple donné plus haut de
l'homme sur son île. Mais une conséquence essentielle de cela est
que la Société est indispensable à l'Homme s'il veut exister.
Pourtant, la société ne conçoit pas l'Homme
comme un individu, mais comme un lambda parmi d'autres (les lois sont uniques
pour tous par exemple). On n'a rien à regretter car il n'est pas question
de choix ici : ceci est obligatoire, par définition même de la
société. La société a parmis ses structures une
foule, monstre irrationnel (ou plutôt à la rationnalité
minimale, c'est à dire sans recul sur les choses) où la
volonté de chacun est réduite à néant et dont
la force peut être phénoménale (les deux
propriétés ne sont pas sans lien). De plus, en
société chacun n'est pas soi, chacun porte des masques, donc
n'existe pas vraiment. Donc l'Homme a besoin de la société pour
exister, mais en société il n'est pas lui-même et ne peut
exister en tant qu'individu... paradoxe?
En fait, il faut donner une définition sommaire de la
société. La mienne est la suivante : une société
humaine est un groupe d'au moins trois personnes - deux acteurs et un
observateur. Les acteurs créent et permettent ainsi au Temps donc
à la conscience d'apparaître, ce qui permet à l'observateur
de rendre par son observation consciente les deux acteurs existants. Lui, par
contre, n'existe pas.
S'il n'y a que deux personnes, il est vrai que l'une peut agir pendant
que l'autre l'observe. Mais alors la première ne peut agir sur la
seconde, il s'agit alors d'une création "inférieure"
(artistique...) à celle qui peut exister entre deux hommes et/ou femmes.
Par contre, deux personnes peuvent agir ensemble, ce que ne peuvent
pas faire trois personnes (de même que si le dialogue existe (non pas
que deux personnes puissent se comprendre : cela reste une émission
de mots des deux partenaires qui ont un sens distinct pour chacun d'entre eux
mais qui leur permettent d'avancer dans leur propre réflexion)
, le trilogue non. On ne peut
vraiment s'adresser à plusieurs personnes en même temps,
et si on tente de le faire, on ne se parle alors qu'à soi).
Le paradoxe n'existe donc pas car l'existence peut alors apparâtre
dans une société... si elle n'est pas trop grande : en effet,
une foule ne peut observer une autre foule créer. On peut à
la rigueur imaginer une foule observer quelques individus créer
(concert...), mais très vite apparaissent dans la foule observatrice
des petites sociétés où un petit nombre d'individus
en observent d'autres à l'intérieur même de la foule.
Et dans tous les cas on ne pourra trouver un petit nombre d'individus
observer une foule créer : la foule ne peut créer car ce n'est
pas un Homme mais un ensemble d'hommes. L'existence n'apparaît donc
véritablement que lorsqu'un petit nombre de personnes observent un ou
deux individus créer. Je dis deux car il existe un acte de
création (il est unique et le plus beau d'entre tous) qui permet une
création à deux, où les deux êtres ne font plus qu'un
: un couple. Il est évident que ces instants de création
où les deux êtres sont dans un tel accord qu'il ne leur est plus
nécessaire de parler ni méme de penser que l'autre existe car
il est en soi, sont très rares. La création possible entre des
êtres dans une telle alliance est bien sûr l'acte d'amour charnel.
Mais ce dernier n'est pas nécessaire à l'existence d'une telle
alliance idéale tout comme cet acte peut exister en dehors de celle-ci :
chacun des partenaires créent alors séparément.
Un homme ne peut donc exister que dans une petite société
(qui peut elle-même appartenir à une plus grande, mais cette
dernière n'apporterait rien à l'existence de cet Homme) où
il sera observé. Mais attention, une chose (ou un Hommme) peut exister
sans qu'elle ne crée. L'existence d'un créateur est
équivalente à toute autre existence (je contredis donc une des
bases de l'Existentialisme qui dit que l'Homme n'existe que par ce qu'il fait).
Ce qui ne veut pas dire que l'action ne peut venir avant l'existence. Un Homme
peut créer sans exister. Par contre, pour qu'une chose existe, il faut
que quelqu'en crée.
Voilà, nous avons fait le tour. L'Homme n'est ni Dieu ni animal, mais
Dieu et animal à la fois. Il permet au Temps donc à la Conscience
d'apparaître, Conscience qui permet l'existence pour soi des objets et
des êtres que l'on observe et l'existence de soi grâce à
l'observation des autres.
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