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recherche spirituelle solitaire dans le bouddhisme

question 9




Que serait-il possible de dire d'une recherche spirituelle indépendante et solitaire ?

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Réponse :

Eh bien, je dirai pour ma part que ce dont vous parlez se trouve justement dans le bouddhisme. L'attitude de refus vis à vis des discours et des croyances établies se trouve justement dans la démarche du bouddha historique et s'illustre à de nombreuses reprises dans les transcriptions de ses discours (voir par exemple le Kalama Sutta).

De très nombreuses attitudes chez les bouddhistes démontrent ce principe fondateur. Il n'y a pas de prosélytisme bouddhiste, ni de campagnes de conversions forcées au bouddhisme (sauf dans les sectes bouddhistes japonaises dont le contenu théorique n'a plus rien n'a voir avec le bouddhisme et qui sont dénoncées dans de nombreux rapports et études pour leur caractère malsain et dangereux). Il n'y a pas de volonté des bouddhistes d'accroître par tous les moyens possibles le nombre de bouddhistes d'une région ou d'un pays. L'adhésion au bouddhisme doit être personnelle, intime, volontaire et spontanée. Personne ne tentera jamais de vous forcer (de vous inciter, de vous convaincre, de vous contraindre...) d'adhérer à la démarche bouddhiste. Les bouddhistes ne sont nullement tentés par le fanatisme aveugle, ni la dévotion grégaire. Il est fréquent en Asie, que le responsable d'un temple refuse l'entrée d'un disciple qui paraît insuffisamment motivé ou trop étranger aux choses du bouddhisme sans pour autant être un érudit (Cf. cette histoire de la succession du temple en Chine confiée à un novice au détriment de la hiérarchie en place).

Quant au refus de s'attacher aux discours, plusieurs pans complets du bouddhisme ont ce principe pour fondement de leur enseignement. C'est le cas du bouddhisme tibétain, où il est fréquent que le guru n'adresse pas la parole à son disciple durant des années. C'est aussi le cas dans le bouddhisme Chan ou Zen, où la suspicion à l'égard du discours, de l'écrit et de la parole est au centre de l'enseignement qui repose sur des métaphores, des poèmes, des énigmes et sur une expression artistique véhicule de significations symboliques.

Vous avez peut-être également remarqué que sur ce site, il n'est fait nulle part mention du terme "devoir". Personne ne "doit" faire ceci ou cela. Il est suggéré qu'il "peut ", s'il le souhaite, s'il en comprend l'utilité, orienter sa réflexion dans telle ou telle direction. (Les discours du bouddha historique sont à ce titre remarquables, ils ne comportent pas de formules péremptoires, de menaces, de processus d'intimidation ou de culpabilisation. On n'y trouve qu'une démonstration simple, parfois longuement argumentée, des mots doux, l'explication d'un processus ou d'un phénomène, la méthode pour se tenir à l'écart des effets indésirables de tel phénomène ou de telle attitude.)

Vous avez aussi remarqué qu'il n'est fait nulle part mention de "bien " opposé à "mal" ou de "bon", opposé à "mauvais". La philosophie bouddhiste est non dualiste et ne cherche pas à définir une certaine attitude par son contraire, ni ne cherche à définir un comportement par son bien supposé ou le mal supposé, défini arbitrairement de son contraire. En outre, il n'est fait nulle part mention d'obligations ou d'interdits, rien n'est obligatoire et rien n'est interdit dans le bouddhisme (attention, si le bouddhiste vit dans une communauté bouddhiste il y a des règles et il doit les respecter. De même, si le bouddhiste adhère sincèrement aux préceptes bouddhistes il n'y a pas lieu d'interdire quoi que ce soit, car sa conviction que telle ou telle chose n'est pas appropriée est suffisante. En plus, n'oublions pas le bon sens et les valeurs sociales inhérentes à tout groupe).

Vous me direz, si les bouddhistes sont aussi peu idéologues que cela pourquoi ont-ils écrits des suttras par centaines, pourquoi ouvrent-ils des temples en occident, pourquoi développent-ils leurs enseignements ?

Cette question est traitée par le bouddha historique lui-même dans sa fameuse méditation qui suit la nuit où il atteint l'éveil. Il réfléchit et considère que ce qu'il a découvert est difficile à comprendre et à mettre en œuvre. Il se dit qu'il peut conserver ses connaissances acquises pour lui-même, mais il considère que quelques-uns seraient susceptibles de suivre sa démarche et d'obtenir les mêmes résultats (c'est la métaphore des lotus dans l'étang... Cf. le Mahavagga Sutta). Il décide enfin, d'expliquer sa méthode aux cinq disciples avec lesquels il avait partagé quelques enseignements.

Ceci est à la base de l'enseignement bouddhiste et pour vous dire est à la base de la création de ce site : s'il existe une méthode efficace et simple, intelligible par tous, pour mettre un terme à dukkha, alors on n'a pas le droit de la garder pour soi.

Je vois les bouddhistes comme les gardiens d'une tradition de pensée dont on trouve peu d'autres exemples aujourd'hui tant l'uniformisation des théories a été forte au cours des siècles passés (que reste-t-il des savoirs ancestraux de l'Afrique, des Amériques, de la Grèce pré-socratique ? ). Je vois les bouddhistes comme les derniers détenteurs d'une manière de penser, d'être, de connaître qui a été partout dominée et éliminée par des idéologies totalitaires.

Vous avez le sentiment que ce vous cherchez est là forcément ou vous allez, au fond de vous-même. Eh bien poursuivez votre chemin comme vous le sentez. Le bouddha considérait que certains avaient atteint ce qu'il avait atteint lui-même sans le recours d'aucune méthode, d'aucun guru (c'est l'histoire de Pukkusati décrite dans le Pukkusati Sutta).

Bonne route.

J'espère avoir répondu à vos interrogations. Merci de me faire connaître vos remarques.



P.S. : Vous pouvez également relire la réponse à la question "Comment devenir bouddhiste ?" et reparcourrir les suggestions énoncées dans la réponse à la question concernant "la production conditionnée"


Texte complet de la question
Que pouvez-vous me dire d'une recherche spirituelle totalement indépendante et solitaire ?
Que diriez-vous à celui qui refuse de s'attacher à un discours, ou d'entendre la moindre directive, car il estime que ce qu'il cherche est forcément là ou il va, au plus profond de lui-même ?

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