Ecoutez, électeurs, les vérités ultimes
Dont je voudrais payer votre infinie patience.
Le temps va me manquer, car la Faucheuse avance
En brandissant bien haut la liste de mes crimes.
Qu'il est dur de partir sans avoir exhalé
Ces trésors de dédain dont je suis tout empli !
Tel est mon seul regret avant le grand oubli :
Ravaler tant de haine à l'heure de m'en aller…
Si vous saviez combien j'ai aimé le POUVOIR !
Rabaisser, décorer, distiller les honneurs,
D'un coup d'oeil, susciter l'appétit ou la peur !
Hélas, ne plus entendre tinter l'encensoir !…
D'abord, on vous donna le show du Panthéon.
Que n'étais-je à la fois sur scène et au parterre
Pour voir vibrionner tous mes thuriféraires
Dont Jack Lang, radieux, dirigeait l'orpheon ?
Je désignai Mauroy, qui fit mille largesses
Pour tenter d'honorer la créance des urnes,
Mais qui, à tout propos, me concassait les burnes
En parlant de rigueur, en tirant sur sa laisse.
J'inventai un gadget : héritier d'antiquaires,
Fabius était censé inciter le bourgeois
A rapatrier l'or et l'argent dans la joie…
Las, je dûs le remettre dans mon reliquaire,
Car, saisis d'une crise de lucidite,
Vous voulûtes goûter quelque temps de répit.
Chirac s'en vint… Deux ans… Remâchant mon dépit,
Je savonnai sa planche, fis tout pour l'irriter,
Et en quatre vingt-huit, vous me rebombardates.
Je pus alors finir mon riche mausolée,
Malgré les harpagons qui, l'air tout désolé,
Me disaient mégalo, dépensier, autolatre !
Aux affaires, il me fallut appeler Rocard…
Pour le faire briller ? Nenni ! Pour qu'ils se plante !
Il ne fit pas de vagues, Marianne en fut contente…
Furieux de ce " succès ", je le mis au placard.
Pour frapper les esprits, je nommai… une femme
Dont Nippons et Anglais, ensemble, se souviennent.
Bagout de corps de garde, glapissements de hyène :
Elle était harengère bien plus qu'elle n'était dame.
Alors, désesperant de remonter la pente
Et voyant que plus rien ne sauverait mon clan,
J'ordonnai à Béré " Déposez le bilan ",
Ce qu'il fit de facon assez satisfaisante.
Néanmoins, le nigaud, de crainte d'un scandale
Et faute de soutiens, comme d'un réconfort
Dont le don n'a d'ailleurs jamais été mon fort,
Se flingua début mai, en face d'un canal.
Alors je demandai au poli Balladur
D'aller à Matignon, tel un nouveau fusible.
Pour être à la hauteur, il fit tout son possible,
Mais ne parvint à rien tant la tâche était dure.
Treize ans de tontonisme ont fait du beau travail.
Nous aurons tout sali, tout cassé, tout pourri.
Les chômeurs ? A la rue ! Les citoyens ? Aigris !
Comment être surpris que tous ces gens déraillent ?
Le sang contaminé, la ronde des affaires,
Les amis généreux, les édifiants trafics,
Les vertueux discours sur le culte du fric,
Dénoncé par devant, pratiqué par derrière,
L'intifada des jeunes, le chaos des banlieues,
La loi des histrions, de la caricature,
La fronde déchaînée dans la magistrature,
Tout cela n'est-il pas marqué du sceau de " Dieu " ?
N'ai-je point ordonné que soit figée en loi
La vogue du tiers monde et de l'altérite,
Au point de déclencher un afflux d'étrangers
Et d'imposer silence aux intérêts gaulois ?
N'ai-je point, ce faisant, suscité des aigreurs
Fort peu recommandables, quoique compréhensibles,
Qui, montées en épingle, ont pu servir de cibles
A l'immigrationnisme et a ses zélateurs ?
Il faut parler aussi des dégats gigantesques
Provoqués en trois lustres dans les mentalités :
Ennui, fainéantise, rancoeur, débilité,
Assistanat porté à des sommets grotesques.
Tout doit être gratuit, tout doit êetre facile !
Le baccalauréat ? Tenez : on vous le donne !
Assedic, RMI ? D'inépuisables tonnes !
Approchez ! Servez-vous ! Tendez votre sébile !
Eclatez-vous, jeunesse, à couilles rabattues !
Des lycées ne sortent plus jamais de chochottes !
L'essentiel est de bien enfiler sa capote !
(Comment voter pour nous si le sida vous tue ?)
Rien n'est plus interdit, ce serait du fascisme !
Garez-vous n'importe où, roulez à fond la caisse !
Chassez de vos manières toute délicatesse,
Et vous mériterez, Français, du socialisme !
L'Ecole religieuse ? Elle m'a formé moi-même,
Et c'est pourquoi, du reste, je tire dans son dos.
Mon gourou attitré, c'est Monseigneur Gaillot,
Anar ensoutané, radioteur à l'extrême.
J'ai tramé l'OPA de Tapie sur Marseille.
Truand chez qui la gouaille remplace le charisme,
Il est un pur produit de l'égalitarisme
Dont nous vous avons tant rebattu les oreilles.
Voila, pauvres jobards, ce que j'avais à dire
Avant d'être enterré dessous ma pyramide.
Si le peuple, en ce jour, montre des yeux humides,
Sera-ce de pleurer, ou sera-ce de rire ?
Je ne sais, peu m'importe. Ce qui compte pour moi,
C'est que j'ai ricané tout ce temps à vos frais.
Des gogos tels que vous, si balourds et si niais,
Méritaient amplement qu'ainsi, on les fourvoie.
Je vous lègue la haine, l'ignorance, l'ornière,
Je vous lègue l'erreur, le mensonge, la bile,
Je vous lègue le grain de la guerre civile,
Je vous lègue ma France : c'est une PETAUDIERE !
Pour Miterrhotep 1er
Son scribe: Stofflet
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