Comme du choléra, nous devons nous garder
De ceux qui, investis d’une charge élective,
En prennent à leur aise et ne font que frauder
Dès que nous les laissons aller à la dérive.
Maints quidams s’en voulurent de l’avoir oublié
Et tardèrent beaucoup avant de s’éveiller.
Ainsi des habitants d’une maison bourgeoise
Du plus riche quartier d’une ville françoise.
Ces copropriétaires, dont quelques-uns cossus,
Avoient dûment élu, pour gérer leurs affaires,
Un maître illusionniste, menteur et corrompu.
Or, non content d’agir en fieffé scélérat,
Ce triste sire aimoit passionnément les rats.
« Ce sont nos bien chers frères, affirmoit-il sans cesse.
Nous avons mal agi envers eux autrefois,
Et nous leur devons donc prébendes et caresses !
Ils sont chez nous chez eux, j’y engage ma foi !
(Et éternellement, ils voteront pour moi,
Lorsque d’aller aux urnes, ils obtiendront le droit.) »
Il en fit venir tant que, partout, les rongeurs
Se comportoient ainsi que des envahisseurs.
Allant toujours en troupe, la détestée vermine
Écumoit la maison des caves aux greniers
Sans que les habitants, devenus moutonniers,
Recourussent aux pièges ou aux carabines.
Au surplus, le syndic avoit fait interdire
À ses mandants bernés d’afficher ou de dire
Quelque mal que ce fût de la couinante engeance
Sous peine de subir, des lois, la violence.
Protégés de la sorte, les gaspards, pleins de haine,
S’en prenoient aux personnes - adultes ou enfants -
Qu’en des temps ordinaires, la société défend :
Les plus humbles de toutes et aussi les plus saines,
Que les âmes saignantes des étages dits nobles
Livraient aux exactions de cette race ignoble.
Nos renégats hurloient au danger populiste
Dès qu’estoit publiée une thèse alarmiste
Affirmant que de rats, l’immeuble regorgeoit
(D’autant qu’ils prospéroient et se multiplioient)
Et que pour mettre fin à tout parasitisme,
Il falloit renoncer à l’aveugle angélisme.
Ignorant ses devoirs, le syndic refusoit
De chasser l’occupant, bref, de dératiser,
Et cette forfaiture ne faisoit qu’attiser
La colère de ceux que tant il méprisoit.
L’histoire s’acheva comme on eût pu prédire :
Arriva un beau jour où ces laissés pour compte
Saisirent le syndic, promptement le pendirent
Et agirent de même avecque les sans-honte
Qui, de belles paroles, voulaient les étourdir.
Quant aux rats, tout soudain privés de leurs amis,
Sitôt ils déguerpirent, morts de peur à demi.
* *
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La leçon de ce conte, je vais vous la livrer :
Il n’est pire ennemi que le traître à son peuple,
Et c’est de lui, d’abord, qu’on doit se délivrer.
p.c.c. : Stofflet
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