PREAMBULE
Tous les Etats membres de l'Union européenne qui comptent plus de 20
 millions d'habitants ont opté pour une organisation fédérale
 (l'Allemagne), pour une régionalisation très avancée aux limites du
 fédéralisme (l'Espagne) ou pour l'octroi de statuts particuliers à des
 territoires métropolitains dont les populations expriment une identité
 spécifique (l'Italie - cinq régions à statut particulier dont le Val
 d'Aoste francophone - et récemment le Royaume Uni avec les statuts 
différenciés de l'Ecosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du nord).
 Dans tous ces Etats une, plusieurs, voire toutes les régions disposent 
d'un pouvoir normatif, c'est-à-dire d'un pouvoir législatif et 
réglementaire dans divers domaines qui touchent principalement l'économie,
 l'environnement, l'éducation et la culture. Dans ces Etats la part des
 budgets régionaux dans le budget public global varie de 15% à 40% alors 
qu'elle n'est que de 3% en France où le niveau départemental, créé par le
 pouvoir central au lendemain de la Révolution pour quadriller
 le territoire,  est toujours privilégié.
Plusieurs Etats de moindre dimension ont également opté pour l'une des
 trois formules évoquées ci-dessus: l'Autriche et la Belgique sont des 
Etats fédéraux (*), le Danemark a octroyé une très large autonomie aux 
îles Féroé (48.000 habitants), leur garantissant un statut particulier
 vis a vis de l'Union européenne, et une autonomie culturelle à la 
minorité allemande du sud du Jutland tandis que la Suède a reconnu
 officiellement la minorité de langue finnoise (4% de la population) en
 1994. Aux Pays-Bas la Frise (600.000 habitants) dispose d'un statut de
 co-officialité pour la langue frisonne. La Finlande présente la
 particularité d'être un Etat binational en raison de la présence d'une
 minorité suédoise qui représente 6% de la population; les îles Aaland 
(60.000 habitants) disposent d'un statut particulier qui fait même du
 suédois la seule langue officielle. Depuis 1992 les Saami (Lapons)
 disposent d'un statut officiel en Suède et en Finlande où ils sont 
respectivement 18.000 et 6.000. En Norvège (Etat non membre de l'Union 
européenne) les Saami, au nombre de 45.000, disposent depuis 1989 de leur
 propre Parlement, le Samediggi. Preuve s'il en est que le droit
 constitutionnel, dès lors qu'il cesse d'opposer droits individuels et
 droits collectifs, peut s'adapter à toutes les situations et répondre
 aux aspirations des communautés humaines même les plus petites.
Dans cet environnement politique et juridique qui influe déjà et influera
 demain plus encore sur notre quotidien, la France, 60 millions
 d'habitants, fait figure d'exception puisque seuls les TOM du Pacifique
 disposent d'une faculté, encore très limitée, à légiférer.
 Le futur statut de la Kanaky (Nouvelle-Calédonie) constitue à ce titre
 une véritable révolution juridique et prouve que les évolutions
 institutionnelles ne sont pas la manifestation d'une volonté divine mais
 dépendent seulement du bon vouloir du politique. Mais ni les DOM ni a
 fortiori les régions métropolitaines n'ont cette faculté de s'organiser
 librement dans les domaines qui les concernent en propre. Il s'en suit
 un déficit de responsabilité, d'adaptabilité et d'innovation qui peut
 s'avérer rapidement désastreux dans un contexte socio-économique marqué
 par la mondialisation des échanges et, ce faisant, par une recherche
 vitale d'autonomie d'une part, par le besoin de repères identitaires
 d'autre part. La France devra répondre à ces deux exigences de notre
 temps.
La Bretagne, région dotée d'une identité culturelle et linguistique
 spécifique et singulière dans le cadre politique français, ainsi que
 d'une situation géographique qui présente de riches opportunités mais
 aussi des risques par rapport au processus, toujours en cours, de
 concentration des richesses au centre de l'Europe, ressent le besoin
 et a le droit de revendiquer un statut politique particulier.
 Ce statut particulier doit répondre aux principes de l'autonomie interne,
 c'est-à-dire l'auto-organisation et la libre intervention dans un
 certain nombre de domaines définis d'un commun accord avec l'Etat.
Le texte qui suit, largement inspiré par les statuts existants en Europe
 pour des régions de taille comparable, tient compte aussi de la
 situation singulière de la Bretagne à la pointe du continent européen, 
de ses besoins et de ses attentes dans les domaines économique, social,
 culturel et environnemental.
(*) Pour couper court à certains fantasmes, il n'est pas inutile de
 souligner qu'en Belgique, la Justice et la gendarmerie qui ont tant
 défrayé la chronique ces trois dernières années ne sont pas régionalisées et relèvent d'une administration unique nationale-belge.
TITRE PREMIER
DU PEUPLE BRETON ET DE LA CITOYENNETE BRETONNE
Article 1