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Les monades.

Quand Boudedieu et son accompagnatrice arrivèrent dans l'entrée de la maisonnette, un parfum de léger flottait dans l'air. Des géraniums poussaient dans de grands bacs au bord desquels des rosiers éclataient en fleurs. La demeure était simple, ombragée, habitée d'un mystérieux calme.

Une jeune fille sortit de l'ombre... Elle apparut transparente, éclairée d'un rayon de soleil qui filtrait des fenêtres donnant sur l'avant de la maison. Une jeune fille simple, débordante de simplicité, au visage pure, chaste...Boudedieu en fut saisi, comme s'il n'avait plus rien à dire devant cette enfant qui se présentait à lui dans l'habit de la douceur. De ses yeux doux perlaient des rayons d'aurore. Sa voix était douce, sonore.

- Bonjour maman! fit-elle, tout simplement, puis, apercevant Boudedieu, elle vint vers lui, la main tendue, ajoutant : Oh! pardonnez-moi, Monsieur, je ne vous avais pas vu.

- Voici ma fille, ma perle, Monsieur. Elle s'appelle comme moi, Fannie. Fannie, je te présente monsieur Boudedieu. Nous avons fait une promenade dans le Vieux-Québec, avant de venir prendre le café.

Boudedieu avait souvent rêvé au bonheur mais il s'était toujours dit qu'il s'agissait d'un mirage. Il avait devant lui un être qui rayonnait de candeur, comme un ciel qu'éclaire l'aurore. Elle l'aurait appelé et il aurait quitté la terre pour s'enfuir avec elle dans sa lumière. Vision fugitive, elle prenait toute son attention... Il craignait qu'elle puisse prendre sa vie... Il eut le pressentiment qu'il ne pourrait plus oublier ce visage, ce corps fragile qui captait toute son attention.

- Bonjour, Mademoiselle... fut les seules paroles qu'il put prononcer.

- Allons, les enfants, dit madame Schwwartzer, prenez le temps de faire connaissance. Je m'occupe du café...

- Alors, Monsieur, vous connaissez ma mère ?

- J'ai cet honneur, Mademoiselle... Nous avons marché ensemble dans la ville durant une bonne partie de l'après-midi. Les vieilles maisons m'intéressent beaucoup, quel merveilleux coin est celui que vous habitez !

Mais Boudedieu n'avait pas la tête à parler du passé. Il était tout au présent, pénétré par un charme indéfinissable, face à un des plus doux mystères de la vie... Et ce mystère, il ne parvenait pas à le définir, il était en lui, agitait son coeur, réchauffait toute sa poitrine... Il cherchait ses mots, craignait de balbutier malgré l'air dégagé de la jeune fille... Elle pouvait avoir son âge, peut-être un an de moins que lui... Le parfum de ses cheveux pénétrait jusqu'à ses poumons, remplissait la pièce où Fannie l'amenait maintenant pour lui offrir un siège...

- J'était à l'étude... disait celle-ci en lui montrant des livres étalés sur la table du salon... Notre appartement est un peu petit, c'est pourquoi j'encombre le salon...

- Votre présence raviverait toutes les pièces d'un château, dit-il. Vous êtes d'une grâce charmante.

Fannie semblait s'amuser des compliments que lui adressait Boudedieu... " Quel garçon charmant, pensait-elle... Et ce pensant, elle souhaitait que le jeune homme exprime d'authentiques sentiments, de véritables pensées. Elle avait elle-même été charmée par la présence de Boudedieu.

La maman arriva et servit le café.La conversation dura jusqu'à la fin de l'après-midi, Boudedieu retardant le moment du départ...

Avant de revenir à son bureau, il commanda des roses blanches, et sur la carte, il écrivit: Fannie, vous êtes merveilleuse! J'espère vous revoir bientöt. Et il signa.

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