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Cette nuit-là,Boudedieu rêva, lui aussi. Il vit une jolie femme se transformer tour à tour en vieille femme-à-canne,en bribiche racoleuse, en fée carabosse, en commère jacassant sur tout le monde en grinçant des dents, en grimaçant, en toutes sortes d'images plus ou moins vilaines. Des nuages sombres obscurcissaient le paysage et il ne voyait plus la fin de son enquête... Une diablesse chavauchant un vieux balai lui soufflait à l'oreille des mots inintelligibles dont il comprenait cependant le message: " Jouis de ta vie, jeune imbécile, tu vois bien que tu ne viendras à bout de rien. Même en amour, l'horizon t'est fermé, tout n'est qu'ombre, nuit, mystère... La vie a commencé en toi mais tu ne sais même pas ce qu'elle est. Du départ, tu ne connais absolument rien. De l'arrivée tu es certain mais tu ne sauras jamais ce qui t'est arrivé ...Ah! ah! ahhhhhhhhh.......
La vision une fois disparue, il vit une image partir du fond des ruelles du Vieux-Québec pour se présenter à lui. Mais il devint soudainement aveugle et culbuta dans des fossés imaginaires... Il se frotta les yeux avec une boue sale, dégoûtante qui lui enlevèrent la pellicule qui l'empêchait de voir. Puis, il parvient à se réveiller, fixant dans son esprit le véritable paysage de la rue qu'il avait visitée dans l'après-midi de la veille.
Et il s'assoupit à nouveau. Une nouvelle image se présenta à lui. Il s'agissait d'une jeune fille au visage décidé, d'allure gamine. Elle était habillée en cow-boy d'arrière-tradition. Un chapeau à la mexicaine flottait sur ses cheveux blonds. C'est à peine si on distinguait le voile dont elle était recouverte, du sommet de la tête jusqu'au bas du corps. Ses révolvers étaient plantés de chaque côté des poches arrière d'un pantalon trop grand. Elle le dévisageait comme si elle eut voulu lui dire:" Ne m'attaque pas! Je suis en mesure de me défendre."
D'un grand coup de caractère, Boudedieu se jeta en bas du lit. Il était à peine trois heures du matin...
Une fois ressaisi, il s'habilla pour aller marcher dans la rue où il habitait. Elle donnait sur le jardin Jeanne-D'Arc... Il traversa pour aller s'y asseoir.
Il hésita longtemps avant de se poser des questions sur l'existence des monades... Il se dit finalement qu'il ne s'agissait que d'un cauchemar et il s'efforça de chasser les peurs qui l'agitaient.
Des paroles mystérieuses lui revinrent à la mémoire: " Un seul phare est allumé, l'amour nous l'éclaire..."