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Des enfants jouaient dans la cour asphaltée de l'école Marguerite-Bourgeoys, non loin de là. Leurs cris enthousiastes rappelaient les bons moments de jeunesse de Bozo. Il prenait son métier comme il avait toujours aimé faire, c'est-à-dire, comme un enfant. C'était pour lui sa manière d'éviter le stress.

Il marcha vers la rue St-Vallier, se dirigea vers la maison de chambres où Juliette avait son pied-à-terre. Le trottoir qu'on venait de recouvrir d'une couche fraîche de macadam exhalait une forte odeur de goudron. L'atmosphère en était encore saturée... Il atteignit la maison , frappa.

Un homme au torse nu lui répondit. Il était ventru, énorme dans l'espace restreint et à peine éclairé où avait pénétré Bozo. Les questions qu'il posa pour savoir l'endroit où se trouvait Juliette restèrent sans réponse jusqu'au moment où l'enquêteur sortit sa carte du S. E. C. ...

L'homme hésita puis donna l'adresse de trois bars à gogo-girls. Il y trouverait Juliette par là. Le policier revint vers sa voiture en souriant. Ses pensées s'étaient momentanément éloignées de l'enquête. Il éprouvait toujours une certaine émotion devant l'inconnu: sa dernière aventure de Ste-Anne-De-Beaupré, son arrestation sur le pont de Québec... Et maintenant, l'idée d'assister aux spectacles érotiques qui ne manquaient plus en ville depuis que la loi s'était libéralisée à cet égard... Québec ! Et ses pensées revinrent à Martine Biguel avec qui il avait passé presque tout son temps depuis les deux derniers jours...

L'adresse de la première boite le conduisit dans un estaminet du bord de l'eau, à l'est des falaises de la ville, tout près de Notre-Dame-Des-Victoires. Boudedieu s'assit, commanda une bière. L'endroit était fréquenté par les débardeurs. L'air était enfumé. Le cliquetis du goulot des bouteilles heurtant les gobelets accompagnait les sons hétéroclites d'une musique amochée. Une femme à poil se démenait sur une scèene à fond gris. Des cris d'encouragement défonçaient parfois le murmure plat des conversations...

Le policier donna un généreux pourboire à la serveuse dont les seins et l'arrière-train étaient à découverts. Les danseuses à gogo étant habituellement servantes dans ce genre d'établissement, le détective avala sa première bière en cherchant des yeux une femme à tête blanche...

Il gratifia d'un nouveau pourboire la serveuse qui venait tout juste de lui apporter une deuxième bière.

- Juliette dansera-t-elle ce soir ? lui demanda-t-il.

- Juliette... ? Miss Albinos, tu veux dire ? mon pitou ! Elle gère actuellement le Rosier-Piquant. Si tu veux la voir à tout prix, c'est là qu'il faut aller... Mais on peut t'accommoder ici, si tu le désires.

Boudedieu hésita...

- Je veux dire que nos meilleurs numéros apparaissent en fin de soirée, reprit la serveuse en souriant mielleusement.

- Je reviendrai peut-être, fit Boudedieu.

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