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Boudedieu ne dormit pas cette nuit-là. Il y avait en lui une personne qui peuplait ses pensées. Fannie l'habitait à la manière d'une âme qui donne vie au corps... Le visage de Fannie bordé de cheveux blonds, habité de grands yeux rieurs et tout à la fois sérieux... La silhouette de Fannie, tout à côté de la sienne, vagabondant librement dans la tiédeur enchanteresse de cette soirée aux brises sublimes. Une Fannie enfant et femme, toute d'une donnée...
Il pensa lui envoyer des fleurs mais une gerbe de roses ne traduirait certainement pas les sentiments qui l'habitaient. Il eut l'idée de lui écrire un poême... Et pourquoi pas! La poésie, jointe aux tendres effluves des boutons de roses exprimeraient certainement mieux les sentiments de tendresse qu'il nourrrissait à l'endroit de la jeune fille.
Son métier ne l'avait pas initié aux expressions poétiques de l'âme. Tant pis... Il se mit à gribouiller. Aux petits moments du jour, il avait rédigé un texte qu'il joindrait aux fleurs et qu'il ferait livrer le soir-même.
" Ma douce Fannie...
Ma nature première me portait à un certain pessimisme. Cherchant dans mon adolescence quelques pages d'un journal que je rédigeais, j'ai trouvé quelques lignes qui traduisent bien mes pensées d'alors. Les voici:
APPARAÎT, FRISSONNANT, LE JOUR NOUVEAU,
DANS LES RAYONS DU SOLEIL RAJEUNI,
JE NOUS VOIS, FANNIE, ET NOUS TROUVE BEAUX!
C'EST LE MOMENT OÙ LE COEUR ÉBAHI,
DANS UN TENDRE ET LANGOUREUX FRISSON,
PERÇOIT LA RICHESSE DE LA SAISON,
DANS UNE VISION NOUVELLE DE LA VIE...
C'est alors que mon âme
Chante l'hymne à la joie
Dans ses plus doux accords,
Mon être s'unit à toi.
Sous la brise,
L'air parfumé frémit,
L'âme éprise,
Toi, chérie ,tu souris.
Dans ma prière silencieuse,
Je te redis des paroles tendres.
Des pensées peut-être soucieuses...,
Ce sont-là, ma mie, mes offrandes!
Eggraegore