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Peinture: paysage de Stoneham, près de  Québec, Canada.

- Votre mari était un athlète... Comment expliquez-vous sa faiblesse devant Gaston, votre ancien copain ?

- Je n'en ai pas la moindre idée.

-Biel vous a-t-il donné l'impression d'être en état avancé d'ébriété ?

- Oui.

- Etait-il plus agressif dans ces moments-là?

- Il lui arrivait de tomber dans les "bleus".  Il tappait des pieds, s'excitait, dans tous les sens du mot. Il devenait comme fou!

-Quelles étaient les idées de Biel concernant la mort?

-Il avait de drôles d'idées, il mêlait tout. Il était certain de mourir à cause des expériences confuses qu'il avait vécues. Son attention se portait sur les traits né gatifs de sa condition de vivant. Ses pensées se coagulaient sur les faits inévitables de la vie. Il se savait non-nécessaire, se demandait souvent qu'est-ce qu'il avait à apporter à une vie dont il ne savait rien du point de départ ni du point d'arrivée.L'angoisse le mordait douleureusement, parfois et il me demandait, dans les premiers temps de notre mariage: " Je mourrai un jour". Il se demandait quelle image resterait de lui car il était à la fois croyant et plongé dans l'absurde du doute. Parfois, il se définissait comme un mort revêtu du voile de la vie...

- Que disiez-vous dans ces moments d'angoisse?

- Je lui disais que je ne pensais pas à ça. Je lui disais que la mort est sans racine dans l'existence, que le temps de la vie nie le temps de la mort. J'éprouvais en même temps que je lui parlais de ça une gêne devant l'absence de fondement de mes paroles. J'avais peur, moi aussi, mais je ne voulais pas me le dire, encore moins à lui. Je lui parlais alors des animaux:" Ils ne savent pas pourquoi ils sont en vie... Ils ne savent pas qu'ils vont mourir... Faisons comme eux!" Il m'arrivait de parler de mes parents dont la foi en Dieu comble les inquiétudes. Pour eux, le problème, c'est de ne pas aller en enfer. Implicitement, ils croient en une autre vie... Ils n'ont pas besoin de plus... Biel réagissait mal lorsque je lui parlais de mes parents. Il ne comprennait pas que mon père puisse ainsi attendre la mort, déformé qu'il était par la maladie... Il voyait leur vieillissement à l'image de ce qu'il allait devenir. Il les haïssait parce qu'ils représentaient son avenir.

- Je sais que le fait de rappeler tous ces souvenirs fatiguerait n'importe qui. Il ne me reste plus que quelques questions à vous poser, si vous le permettez...

- Faites, je vous en prie, Monsieur.

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