Bozo offrit une consommation à Martine qui accepta. Les jeunes gens entamèrent la conversation sur des sujets communs: où, quand, comment, quoi, etc. Tous les propos qui permettent d'établir les liens nécessaires à une conversation.
- Je vous regarde avec attention, dit Bozo, les yeux perdus dans ceux de Martine. J'ai comme l'impression de voir de beaux yeux pour la première fois, comme si je n'en avais jamais vus d'autres.
- Vous voulez me flatter, cher Monsieur, dit Martine, les joues un peu rouges.
- Au contraire, c'est comme si vos yeux brillaient en moi... Autrefois, je disais en moi-même:"Les yeux se ressemblent tous. Ils sont comme les miens, les tiens, ceux de tous les autres!" Mais, vos yeux Martine, c'est comme si je n'en avais jamais vus d'autres. Ils sont comme l'eau que la lumière décompose. Vous êtes, chère amie, comme la rosée du matin,avec deux perles, là, qui évoquent mon univers enfantin!
- Allons danser, Monsieur, ce sera mieux.
L'orchestre entammait la musique de "Valse exquise". Une fois sur la piste, Martine chanta de sa voix de soprano:
Qui nous grise
Lentement
La tendresse,
La caresse
Du moment.
L'inneffable extase
De nos coeurs jaloux
Tout dit "Gardez-moi
Puisque je suis à vous."
Et Bozo reprit de plus belle:
"Sanglots profonds et longs
Des tendres violons
Mon coeur chante avec vous
A casse-coeur, à casse-cou..."
- Me donneriez-vous votre adresse... J'irais vous rendre visite demain, s'il était possible, évidemment.
Martine lui donna son adresse et Bozo promit qu'il serait là l'après-midi même. Il désirait ardemment visiter la ville et ses environs accompagné d'un guide aussi adorable qu'elle.
Bozo sortit quelque temps après le départ de Martine. Il demanda au "bouncer" s'il était possible de rejoindre Biel Biguel, prétextant toujours être un ami de jeunesse.
- Il est mort, lui répondit l'homme. La femme avec laquelle tu as passé la soirée, c'est Martine Biguel, sa veuve.
- Biel avait un commerce... Tu vois ce que je veux dire ?
- Ouais... Mais compte pas sur ça ici.
- Penses-tu que Martine pourrait me donner des renseignements ?
- Elle sait que Biel faisait ce commerce. Quant à elle, avec la vie qu'il lui a fait faire, c'est tout différent. Elle est d'ailleurs d'une famille assez haut coté dans la région. La drogue, on touche pas!
Biel tendit un autre billet bleu à l'homme qui héla un taxi pour le reconduire à sa maison de chambres.