Transphénoménologie de l'amour.

page 21

- D'après ce que j'ai pu comprendre de Morel, c'est que Pistoulache s'était présenté chez-lui le lendemaim, escorté de trois de ses lieutenants. Morel avait résolu de démêler l'imbroglio de la situation. Les propos délurés de ses comparses le déroutètent. Il ne devait pas s'en faire. Il irait en prison durant quelque temps mais ce n'était pas pour être long. Avant que la servante explique sa présence dans la chambre du Curé, il lui faudrait expliquer sa présence, sous le lit. Tu t'imagines le scandale... Les propos délurés de son entourage déroutèrent Morel des questions qui se posaient à son esprit. Il céda devant les consommations... Il avait abordé le monde des bordels, il avait voulu connaître la boue, la bouse, le bran, le caca, il acceptait la chierie, la crotte, il avait voulu le faire sans embarras, il ne croyait pas aux emmerdes, encore moins aux emmerdements, aux excréments, il était dans la gadoue, par-dessus la tête; mais il n'avait pas reculé devant l' héroïne, la merdouille, la mouscaille, l'ordure, la pagaille, la saleté, la tasse vidée jusqu'à la lie: il avait voulu vivre la vie des vaches! ... Zut!..

-Mais tu me racontes ce qui est survenu... Qui est Morel, d'après toi? me fait Célia dont les yeux grands me fixent intensément.

- Un personnage fascinant!

- Mais encore?

- L'être dont l'existence n'est qu'une portion de l'horizon. Il pense trouver la liberté dans et à travers un monde qu'il a connu... Il faudrait te raconter que nous sommes sous le régime de l'Union nationale. D'ailleurs, tu t'en souviens... Un de ses oncles avait été assassiné sans que justice ne fut rendue. Dans ce temps-là, le pouvoir civil et les prêtres conduisaient la justice à leur guise. Comme me l'a confié Morel, il avait six ans, à l'époque, cette injustice l'avait marqué et d'après l'enseignement qu'il avait reçu, des contradictions étaient apparues dans son esprit: la justice de Dieu et celle des hommes n'étaient pas la même. Il avait vraiment pris connaissance du premier mensonge de son histoire!

Et de là était né le premier doute qu'il avait nourri face à la justice des hommes qui maniaient tout à leur guise! À son âge, il ne pouvait se défendre. Il était comme un canevas, le tableau du mur sur lequel écrivait la maîtresse.Il ne fallait pas protester. Mais il y avait au fond de lui, en lui, quelque chose , comme une douleur qui se rappelait indéfiniment, une chose qui le tourmentait, vibrait dans ses entrailles, dans ses tripes ... et et dont il ne pouvait se séparer. Cette chose était en lui et gémissait, tout en sentant une déchirure et, il ne pouvait rien réparer...Quand arrive dans l'oreille le moustique qui ne cesse de piquer, on le chasse ; mais arrive la monade qui, sans faire de mal, rappelle constamment qu'il y a un problème à régler.

-Il ne haïssait personne, mais souffrait de cette turpitude qu'il portait dans les entrailles.

- J'ai parlé longtemps avec Morel et je me permets de te raconter tout ça aujourd'hui. Il n'y avait en lui rien de mauvais, du moins à ce j'en pouvais juger... Il y avait en lui une fausse donnée, une donnée venant de faux hommes!

- Le mal était là. présent, omniprésent!

-La douleur demeurait, comme un insulte à la divinité, à la faiblesse de la divinité dont abusait le mensonge des hommes!

- Mais alors ? fit Célia

- Morel ne mit pas la faute sur Dieu! Mais il s'était mis en quête de la vérité, et il la chercha, devint solitaire. Pour l'âge qu'il avait, je demeure toujours surpris de ce qu'il me dit, sans préparation, sans autre préparatifs qu'une simple réflexion faite avec un sourire dans les yeux: " Ni fille, ni garçon ne connaissent leur père! Ni garçon, ni fille ne connaissent leur mère! La vérité est orpheline. La justice nous est rendue que et à-travers soi-même...

- J'ai eu deux enfants! Et j'ai bien le sentiment qu'ils sont de moi, me fit remarquer Célia.

- J'ai crû comprendre que ce qui t'apparaît venir de toi ne vient qu'à travers toi...Mais au - delà...

page précédente

page suivante