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Communisme - Elements
De Reflexion (6)



CONCLUSION


( 1 )


Face à la négation de l'humanité que représente le capitalisme, tout ce qu'on peut finalement proposer c'est une autre vie où nos gestes, notre parole, notre imagination, toute notre sensibilité ne seraient plus en chaînes. Il est évident que cela ne peut se conquérir qu'avec la destruction de la société capitaliste, mais ne peut se ramener uniquement à cela. Cette destruction devra s'affronter à toutes les vieilles séparations entre les êtres héritées des anciennes sociétés de classe. Elle devra s'accompagner d'un mouvement positif vers la communauté humaine.

Même s'il la mutile, le capitalisme ne peut se passer de l'activité humaine. Les êtres humains ne sont pas des objets; les hommes souffrent des rôles dans lesquels les enferme cette société et peuvent manifester leur refus de tout cela. Cette contradiction est la seule contradiction insurmontable du capitalisme, celle qui fait du communisme une possibilité humaine.


( 2 )


L'humanité entière a intérêt à la suppression de la domination capitaliste. Pourtant, cela ne signifie pas que le Capital et l'Etat se sont transformés en monstres abstraits, face auxquels toute l'humanité s'opposerait potentiellement et unanimement. Il y a toujours de classes qui gèrent et administrent la production et la vente de marchandises. Ne possédant que leur force de travail, leur existence étant dépendante de la vente de celle-ci, il y a toujours des prolétaires, des exploités. Comme il y a toujours des catégories sociales, même salariées, qui participent à la reproduction et au maintien du travail salarié. Si la révolution communiste se fera « à titre humain », elle ne peut être considérée indépendamment de la place des uns et des autres dans cette organisation sociale; elle ne peut être que la négation de cette organisation.

( 3 )


Si les exploités, les opprimés ont par leur mouvement de classe un rôle important dans le dégagement de la perspective communiste, elle ne sera pas une simple transcroissance des luttes pour l'aménagement de la société marchande. Elle ne sera pas engendrée par des consciences aliénées se reconnaissant dans ses déterminations essentielles, mais par des êtres humains ne supportant plus de se voir réduits aux rôles de producteurs et de consommateurs de marchandises.

On ne peut tendre à la communauté humaine en constituant des communautés partielles et séparées qui ne sont jamais un obstacle au capital, ni en cultivant son être individuel en lequel on trouverait finalement le « vrai homme ». Réaffirmer l'individualité est insuffisant, même en tant que premier moment de rébellion. Est-ce que d'ailleurs cette société elle-même n'aboutit pas au culte de l'individu ( dans la séparation, l'atomisation... ) ?

La révolution communiste ne sera faite ni par des individus voulant acquérir une place dans cette société, ni par des consciences malheureuses éprouvant le mal de vivre ou des désespérés; mais par des êtres à la recherche de leur humanité et non pas laminés, insatisfait, oui mais pas seulement car ils auront la vision d'un autre possible. Les êtres ne sont véritablement humains--donc potentiellement subversifs--qu'en étant des explorateurs de possibles qui ne se contentent pas de celui qui leur est présenté comme immédiatement réalisable.


( 4 )


La tendance à la communauté traverse l'histoire humaine; elle s'est concrétisée à plusieurs reprises. Son éventuelle réalisation ne sera pour autant ni le produit d'un soi-disant sens de l'histoire, ni la fin de celle-ci. Elle sera le produit d'un mouvement pratique d'intervention humaine. La société ne sera alors pas figée et fermée à toute évolution; L'homme ne sera pas un être passif, jouissant béatement de biens extérieurs à son activité et à sa créativité. Sa jouissance dépendra de ce qu'il fera et de ce qu'il sera au sein de la communauté.

Se demander si cette tendance vaincra ou non n'a pas de sens puisque nous ne l'avons pas choisie : c'est elle qui nous tient et qui nous permet d'exprimer ce que nous considérons comme le meilleur de nous-mêmes.




Nouvelles de nulle part ( extrait )

« Mais l'économie ( le main-d'œuvre par les machines ?

- Oui-da ! ... dit-il; que me contez-vous là ? L'économie de main-d'œuvre par les machines ? Certes elles furent créées en vue d'économiser d'un côté la main-d'œuvre ( c'est-à-dire, pour appeler les choses par leur nom, la vie des hommes ), - mais afin de la mieux dépenser, - ou plus exactement, gaspiller, - à d'autres tâches probablement inutiles. Ami, toutes ces inventions pour réduire la main-d'œuvre n'ont abouti qu'à accroître le fardeau du labeur. L'appétit du Marché-Mondial augmentait à mesure qu'on l'alimentait. Les pays qui se trouvaient dans le cercle de la « civilisation », - autrement dit de la misère organisée, - regorgeaient de camelote, et la contrainte et le mensonge étaient libéralement employés pour « ouvrir au commerce » les pays qui n'étaient pas pris dans le circuit. Le procédé, qui consistait à « ouvrir au commerce » ces pays, peut paraître étrange à quiconque a lu les déclarations des hommes de ce temps, sans être au courant de leurs pratiques. Et peut-être nous montre-t-il, sous son jour le plus déplaisant, la grande tare du XIXe siècle, c'est-à-dire la pratique de l'hypocrisie et de la fausse vertu pour esquiver la responsabilité d'une férocité exercée par personnes interposées. Lorsque le marché du monde civilisé convoitait un pays qui n'était pas encore tombé entre ses griffes, on trouvait un prétexte qui ne trompait personne : la nécessité de supprimer une forme d'esclavage différente de l'esclavage commercial, et moins cruelle, - de répandre une religion à laquelle ses promoteurs eux-mêmes avaient cessé de croire, - de venir au secours de quelque individu de sac et de corde, ou de quelque forcené que ses méfaits avaient mis en difficulté parmi les indigènes d'un pays « barbare », - bref, tout était bon qui pouvait servir. Et alors, on allait chercher et on achetait quelque hardi aventurier, ignorant et sans scrupules, ( il n'était pas difficile d'en trouver en ces jours de compétition ), pour aller « ouvrir un marché » en détruisant la structure sociale traditionnelle qui pouvait exister dans le pays condamné, et en tuant tout ce qui pouvait s'y trouver de joie et de loisirs. Il imposait aux indigènes l'acquisition d'articles dont ils n'avaient nul besoin et s'emparait de leurs produits naturels « en échange », - selon le terme qui désignait cette forme particulière d'escroquerie, - et par là « créait de nouveaux besoins » pour la satisfaction desquels ( autrement dit pour obtenir de leurs nouveaux maîtres l'autorisation de vivre ) les malheureuses populations sans défense devaient se vendre et se soumettre à l'esclavage d'un labeur sans issue afin de gagner de quoi acheter les inutilités de la « civilisation ». Ah ! dit le vieillard en montrant du doigt le Musée, j'ai lu là-dedans des livres et des journaux qui relataient d'étranges histoires, en vérité, sur les procédés de la civilisation ( ou de la misère organisée ), à l'égard des « non-civilisés »; depuis le jour où le Gouvernement britannique envoya délibérément des couvertures contaminées de petite vérole comme présents de choix à des tribus de Peaux-Rouges qui le gênaient, jusqu'à celui où l'Afrique fut infestée par un homme du nom de Stanley qui ( ... )

William Morris 1889





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