Démocratie/ fascisme![]() La position « radicale » à ce sujet ne se fonde pas sur un mépris, du style : ![]() « Tout ça, c'est le capitalisme », ou « La révolution, sinon rien ». ![]() Sur le fascisme et le moyen de le combattre, la thèse de loin dominante prône de rassembler autour des partis de gauche et des syndicats un camp démocratique gagnant à lui les couches moyennes et isolant le noyau réactionnaire. La preuve par la réussite serait le Front Populaire français, la preuve par l'échec les cas italien puis allemand où le fascisme a vaincu un mouvement ouvrier désuni, ainsi que le cas espagnol où le Front Populaire n'a pu agréger autour de lui assez de forces politiques modérées pour mettre Franco en échec. ![]() Selon une autre thèse, ultra-minoritaire, défendue dans les années 20 et 30 par des groupes issus des gauches communistes allemande et italienne, mais aussi par des libertaires, on ne peut faire confiance aux partis démocratiques : ceux-ci ont soit capitulé devant le fascisme ( en 1922, puis en 1933 ), soit lutté contre lui par les armes ( Espagne ), mais en liquidant ce qui avait fait la force du soulèvement populaire contre le coup des militaires. Même s'ils le voulaient, les prolétaires ne peuvent promouvoir ou soutenir une forme d'Etat ( démocratique ) contre une autre ( dictatoriale ), et la meilleure action anti-fasciste consiste à lutter... pour la révolution, la résistance à la bourgeoisie et à l'Etat sapant la base sociale du fascisme. ![]() Il est de bon ton de reprocher au PC allemand d'avoir favorisé la venue au pouvoir d'Hitler en refusant l'alliance avec la social-démocratie. Hélas, KPD et SDP unis n'auraient produit qu'une gauche parlementaire aussi impuissante devant l'impasse sociale et politique que ces deux partis pris séparément. Et les rênes de l'Etat se seraient aussi bien retrouvés dans les mains d'un Hitler, seul recours, en l'absence de révolution, capable de dénouer cette crise par la dictature et une logique de guerre. C'est en habituant les prolétaires à l'action légale que le KPD a désarmé la classe ouvrière, et en rivalisant volontiers de nationalisme avec les nazis. ![]() La gauche communiste posait cette question : Quelles sont les conditions les plus favorables à une révolution ? et inversement : Quelles sont pour la bourgeoisie les conditions les plus propices à la lutte contre un mouvement révolutionnaire ? Force est d'admettre que la démocratie parlementaire s'est avérée une des meilleures formes d'étouffement des prolétaires. ![]() Allemagne, 1919 : la pièce politique maîtresse de l'écrasement des révolutionnaires, c'est le parti socialiste qui, en charge de l'Etat au sortir de la guerre, lance des réformes, canalise la majorité ouvrière vers les urnes, isole les radicaux et traite avec les corps-francs ancêtres des fascistes. ![]() La défaite idéologique et politique se combine ainsi à l'écrasement armé, et souvent le précède. Chili, 1973 : Allende avait noyé les prolétaires sous l'adhésion à l'Etat réformiste, usé les mouvements sociaux et fait leur place aux militaires dans son gouvernement. Le schéma se vérifie aussi lors de passages à un pouvoir fort, comme en France en 1958. Rappelons le refus du PC de lutter contre la guerre d'Algérie et son appui réitéré aux gouvernements les plus répressifs ( SFIO + modérés ). Finalement, le même G. Mollet qui avait couvert la Bataille d'Alger sera ministre de de Gaulle. ![]() Personne ne nie de tels faits. Mais l'extrême-gauche continue d'exhorter PC et SFIO ( aujourd'hui PS ) à leur vraie mission, comme si leur fonction n'était pas de représenter les « masses » pour les encadrer, et les encourager, en 1914 comme en 1933 ou 1996, à respecter l'Etat. ![]() Les démocrates ne sont pas les fascistes, lesquels ne se privent pas de massacrer le cas échéant les démocrates. N'empêche que les démocrates ne se sont jamais dressés sérieusement sur la route des fascistes vers le pouvoir. Pour les partis de droite (« bourgeois »), l'intérêt de l'Etat prime : si la dictature assure momentanément mieux la continuité étatique, ils s'en accommodent. Quant aux partis de gauche, désireux avant tout de ne pas s'aliéner l'Etat dont ils dépendent comme garants des réformes, leur 1er souci, pour d'autres motifs que la droite mais avec le même effet, est de rester dans les limites du légalisme. ![]() Ce ne sont donc pas les bordiguistes qui prétendent : démocratie = fascisme, mais la société moderne qui s'avère cruellement orwellienne : sans être jumelles, démocratie et dictature sortent de la même matrice, et les démocrates cèdent la place aux dictateurs dès que l'exige l'intérêt de la classe dominante. ![]() Il ne servirait à rien de regretter que les ouvriers espagnols, au lieu de rester sages et soumis, aient incité par leurs révoltes une partie des classes dirigeantes à soutenir Franco. Ou de souhaiter qu'un vote massif pour Jospin ou Chirac éloigne la menace Le Peniste. La société produit des insurrections et aussi, l'un accompagnant l'autre, les moyens de les canaliser ( gauche parlementaire, syndicats ), mais également en période de crise grave des forces ouvertement réactionnaires. Ce sont les assauts révolutionnaires vaincus ( souvent par la gauche et la majorité du mouvement ouvrier ) qui font le lit de la réaction. ![]() |