Back Forward Table of Contents This Author Return to Homepage

Bilan et contre-bilan (9)


Et Si Faurisson Avait Gagne...

Supposons qu'en 1980 des historiens et des journalistes de plus en plus nombreux, rejoignant le professeur, aient conclu qu'avaient existé très peu de chambres à gaz homicides.

Au lieu de l'opprobre, ses soutiens ultra-gauches auraient récolté une petite célébrité, et bientôt le prof délaissé la Vieille Taupe pour Apostrophes.

L'opinion aurait dit que les déportés avaient cru de bonne foi à l'existence de chambres à gaz. Que ceux qui « savaient » ( les chefs sionistes par exemple ) avaient jugé de bonne guerre d'en accuser les nazis pour entretenir la répugnance à l'égard d'un régime effectivement répugnant et qui a massacré massivement ( de cela personne ne doute ni ne douterait ) des Juifs conformément à sa politique officielle. Que les conditions imposées aux déportés, surtout aux Juifs, les conduisaient à la mort. Même sans Zyklon B, le nazisme resterait le criminel no. 1 de l'Histoire.

Le « mensonge » sur les camps dévoilé par Faurisson serait devenu un parmi d'autres, comme les Russes sur Katyn ou Mitterrand sur son passé vichyste, tous plus ou moins secrets de Polichinelle.

Faurisson eût été comblé d'atteindre son but : établir une vérité factuelle.

Ses relais ultra-gauches, eux, mobilisés contre un système, eussent été utilisés : leur vision de 39-45 et du nazisme ne serait pas plus dans les têtes qu'avant.

Aucune position idéologique ne dépend d'un fait. En 1950, un stal était rarement ébranlé par des récits sur la déportation en Sibérie, qui le confortaient plutôt dans sa conviction de défendre la patrie du socialisme tant calomniée. Le jour où l'URSS entre en déclin, où les bases sociologiques du PCF s'effritent, une configuration politique et mentale devient intenable : soudain notre homme entend Soljénitsyne répéter des témoignages qui circulaient depuis les années 30, et en tient compte.

Ce n'est presque jamais une donnée seule qui fait bouger la conscience. Celle-ci fonctionne comme un tout, une structure de pensée qui évolue en intégrant et négligeant des éléments factuels. Soit elle assimile l'intrus, soit il la désintègre.

Question au lecteur : Son opinion sur le nazisme et la 2nde guerre mondiale, quelle qu'elle soit, dépend-t-elle beaucoup ou très peu de sa conviction sur les chambres à gaz ? Et changerait-elle si cette conviction changeait dans un sens ou un autre ? Celui qui estime criminelle la plus légère interrogation sur leur existence est peut-être prêt à traquer le réviso au bout du monde, parce que la certitude du gazage représente pour lui l'ultime garde-fou contre le retour des SS, mais là n'est pas l'origine réelle de l'idée qu'il se fait du nazisme et de 39-45. De même l'auteur de ces lignes a cru aux chambres à gaz, un peu comme tout le monde, sans se poser de questions ni y accorder grande importance, puis admet à nouveau leur existence, après réflexion cette fois, sans que son opinion sur la guerre et le question démocratie / fascisme ait changé au fond.


Back Forward Table of Contents This Author Return to Homepage