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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
III. Fin De La Propriété



QU'EST-CE QUE LA PROPRIÉTÉ ?

La question n'est pas si simple à résoudre. Témoin la polémique qui a opposé Marx à Proudhon. Ce dernier avait posé que « la propriété c'est la vol ». Proudhon saisit bien que l'origine de la propriété n'est pas naturelle. Elle est le produit d'une société où les rapports de force, la violence et l'appropriation de l'effort d'autrui règnent. Seulement si l'on dit que la propriété c'est le vol, alors que le vol ne se définit que par rapport à la propriété, on tourne en rond.

Le problème s'est encore obscurci lorsque l'on est passé de la propriété à l'abolition de la propriété. Faut-il abolir toute propriété qu'elle concerne les moyens de production ou les biens personnels ? Faut-il agir de façon sélective ? S'agit-il de remplacer la propriété privée par la propriété collective ou étatique ? S'agit-il d'en finir radicalement avec toute propriété et à quoi cela pourra-t-il ressembler ?

Le communisme choisit in dernière proposition. Il ne s'agit pas d'un transfert des titres de propriété mais bien de la disparition de la propriété tout court. Dans le société révolutionnaire on ne pourra « user et abuser » d'un bien pour la raison que l'on en est propriétaire. Cette règle ne connaîtra pas d'exception. Un bâtiment, une épingle, un terrain n'appartiendra plus à personne ou si l'on veut appartiendra à tout le monde. L'idée même de la propriété sera vite considérée comme une absurdité.

Est-ce alors que tout sera également à tous ? Est-ce que le premier venu pourra ce déloger, me dévêtir, m'enlever le pain de la bouche puisque je ne serai plus propriétaire ni de ma maison, ni de mon vêtement, ni de ma nourriture ? Certainement pas, la sécurité matérielle et affective de chacun se trouvera au contraire renforcée. Simplement ce ne sera pas le droit de propriété qui sera invoqué comme protection mais directement l'intérêt de la personne en cause. Chacun devra pouvoir ce nourrir à sa faim et à sa convenance, être abrité et habillé. Chacun devra pouvoir être tranquille. Certains idéologues ne veulent voir dans la propriété que le prolongement humain du territoire animal. Ainsi la propriété n'est plus le fait d'une époque donnée ni même d'une espèce particulière mais de toute une branche zoologique. Pourtant l'on n'a jamais vu un renard ou un ours louer un territoire dont il est propriétaire ou habiter un terrier dont il ne serait que le simple locataire ! C'est pourtant chose fréquente dans notre société. C'est justement la propriété qui permet de dissocier l'usage et la possession.

Qu'un bien ne soit plus propriété ne donne pas d'indication sur l'usage que l'on en fait. Mais précisément l'usage est ramené à l'usage. Une bicyclette servira à se déplacer et non plus seulement à ce que or. Dupont, son légitime propriétaire, se déplace. Savoir si pour des raisons sentimentales ou affectives les êtres humains ou certains êtres humains ont besoin d'un territoire fixe et d'objets auxquels ils puissent s'attacher n'est pas de l'ordre de la propriété. Que les hygiénistes se rassurent : Nous ne proposons pas de mettre en commun les brosses à dents.

Opposer individualisme et collectivisme, l'usage personnel et social pour essayer d'en faire l'objet d'un « choix de société » c'est bien de la crétinerie bourgeoise. De ce point de vue il faudrait absolument prendre partie pour le chemin de fer contre le véhicule individuel. Les communistes seraient pour l'orgie collective et les bourgeois pour la masturbation ! Nous nous fichons de ce genre de débat, il ne peut être réglé qu'en fonction de circonstances pratiques. En tout cas ce n'est pas nous qui entassons et dépersonnalisons.

Dans la situation présente le droit de propriété constitue une garantie face à la destruction de la vie personnelle. C'est une garantie bien dérisoire. Il n'empêche pas dans des immeubles mal insonorisés le bruit de passer. Il ne peut pas grand chose face à une expropriation. Le paysan est peut-être propriétaire de sa terre. Cela n'a pas empêché les campagnes de se dépeupler.

Aujourd'hui des terrains restent en friche, des maisons sont inhabitées, des richesses de toute sorte sont laissées de côté. Tout cela serait bien nécessaire. Malheureusement les propriétaires ne veulent pas ou pire ne peuvent pas les utiliser ou les céder.

La notion de propriété recouvre une réalité, c'est pourtant aussi une mystification. On peut être propriétaire sans pouvoir contrôler véritablement. Le mensonge est double. Il est social et économique. Il porte aussi sur les rapports entre les hommes et la nature.

Le droit de propriété est nécessaire au capitalisme. L'échange impose que les choses soient nettes. Il faut savoir, lorsque l'on est en affaire, qui dispose véritablement de la marchandise et qui n'en dispose pas. La coutume locale peut régler la question de savoir comment s'arranger et user des choses. Dès que ces choses acquièrent une indépendance par rapport aux hommes et peuvent passer de main en main la coutume ne suffit plus. Il n'en reste que des lambeaux dans les campagnes : droit de passage, d'adduction d'eau, de glanage... La marchandise et le capital ont besoin d'un ensemble de règles valables indépendamment du caractère particulier de la situation.

Au Moyen Age la propriété de la terre au sens moderne n'existait pas. Sur un domaine donné s'exerçaient les droits des serfs, du seigneur, de son suzerain de l'église... Jusqu'au 19e siècle un certain nombre de règles continuent de limiter le pouvoir du possédant qui ne peut jouir que de la première coupe d'une prairie, n'a pas le droit de l'enclore, doit permettre le glanage et la vaine pâture.

Dans le monde de l'égalité bourgeoise tout le monde est un libre propriétaire. Le paysan l'est de son champs, le patron de son usine, l'ouvrier de sa force de travail. Il n'y a pas de vol, pourtant l'un s'enrichit et accumule sans commune mesure avec ce que devrait lui permettre son propre travail. La propriété cache les rapports d'exploitation.

Si le paysan devenu « exploitant agricole » possède la parcelle qu'il cultive il n'en est pas moins soumis à des prix dont la formation lui échappe. Travaillant sans cesse il n'arrive pourtant pas à s'enrichir.

La propriété n'explique pas la puissance de l'entreprise capitaliste. L'entreprise est propriétaire du capital fixe : bâtiments, machines. Cela ne rend pas compte de l'importance des richesses qui lui passent entre doigts et qui constituent son chiffre d'affaires.

L'interpénétration de l'économie oblige à limiter le droit de propriété. En effet, ce que l'on fait chez soi risque d'avoir des conséquences fâcheuses chez la voisin. On ne peut impunément ce débarrasser de ses déchets dans une rivière pour la seule raison que l'on est propriétaire d'une partie de la berge.

Le caractère absolu du droit de propriété, il est « inviolable et sacré » suivant la Déclaration des droits de l'homme, ne compte pas avec le force et les caprices de la nature. La plus acharné des propriétaires sera impuissant si un volcan vient à éclore chez lui. Il pourra appeler les gendarmes à l'aide, cela ne fera pas décamper l'intrus. C'est une règle générale que les objets et les phénomènes naturels ne nous obéissent pas au doigt et à l'oeil.

Comme le remarque Niño Cochise, petit-fils du grand Cochise, les hommes blancs passant leur existence à se disputer la terre. Pourtant ce ne sont pas les hommes qui peuvent posséder la terre, mais au contraire la terre qui possède et nourrit les hommes. Elle finit par les enterrer tous un jour ou l'autre.



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