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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
V. Argent Et Estimation Des Couts



L'ARGENT

Avec la société capitaliste développée lorsque la marchandise est devenue la forme générale des produits l'argent se présente aux yeux de tous comme une nécessité bien que tous n'en aient pas la même quantité et n'en fassent pas le même usage. Il est un bien presque aussi nécessaire à la vie humaine et presque aussi naturel que l'oxygène. Peut-on survivre sans argent ? Le riche comme le pauvre doivent sortir leur porte-monnaie pour satisfaire leurs besoins les plus essentiels ou leurs caprices les plus futiles.

A la place objective et cependant limitée que prend la monnaie répond la place subjective et fantastique qu'elle occupe dans la conscience sociale. Toute richesse finit par être assimilée à la richesse monétaire par les serviteurs de l'économie. Ce qui ne se paie pas semble perdre toute valeur même si il s'agit des biens les plus indispensables â la vie : l'air, l'eau, le soleil, les spermatozoïdes et les bulles de savon. Paradoxalement cette époque se termine mais dans le sens où l'économie triomphante s'occupe d'attribuer à tout une valeur marchande, de mettre l'eau en bouteilles et de mettre le sperme en banque.

Là où le vulgaire se contente de constater l'omniprésence et l'omni-puissance de l'argent et tente de profiter des faveurs de cette divinité capricieuse messieurs les économistes s'occupent d'en faire l'apologie. L'argent n'est pas seulement indispensable dans la société présente vérité qui s'appuie sir une expérience quotidienne et malheureusement indiscutable, il est indispensable à toute vie sociale un tant soit peu civilisée. La circulation monétaire est au corps social ce que la circulation sanguine est au corps humain. L'histoire du progrès c'est l'histoire du progrès de la monnaie du coquillage à la carte de crédit. Vous voulez débarrasser la société de l'argent ? Vous ne pouvez être qu'un attardé mental, un partisan du retour au troc. Remarquons en passant que ce troc si décrié non seulement le capitalisme ne l'a pas éliminé mais encore le réinvente sans cesse, notamment au niveau des échanges internationaux.

La monnaie devient un voile qui finit par dissimuler la réalité économique. Il n'y a plus des fraiseuses, des ingénieurs, des spaghettis... mais des dollars ou des roubles. L'illusion que le contrôle de la monnaie, de son émission, de sa circulation et de sa distribution corresponde à un contrôle en profondeur de cet assemblage de valeurs d'usage que reste l'économie s'impose. D'où des déboires.

L'argent est souvent contenté mais ce n'est pas tant son existence qui est en cause que la parcimonie avec laquelle il se glisse dans les bourses. Plus on le critique plus on en réclame. Veut-on briser le veau d'or et extirper l'idolâtrie il vaut mieux pour être efficace avoir les poches pleines. Vous avez le choix entre l'abrutissement du travail, le risque du hold-up, les aléas de la loterie...

N'en déplaise aux économistes, l'argent est une chose bien étrange. Cela saute aux yeux dès que l'on cesse de s'occuper de son indéniable utilité économique pour se concentrer sur son utilité humaine.

Efforçons noue d'être naïfs.

Comment est-il possible, par quelle magie infernale la richesse, possibilité de satisfaire des besoins, en est-elle arrivée à s'incarner dans la monnaie ? Quitte à prendre une forme particulière pour rester visible à nos yeux et ne rappeler à notre bon souvenir elle aurait pu, à l'exemple de notre Seigneur Jésus Christ, choisir le pain et le vin qui sont choses utiles et agréables. Eh bien non ! Elle a préféré s'incarner sous la forme de l'or et de l'argent, métaux parmi les plus rares et les plus inutiles. Pire, aujourd'hui elle ne se présente plus au commun des mortels que sous sa forme de papier.

Le seul besoin auquel répond la monnaie est le besoin de l'échange. Elle disparaîtra avec la disparition de l'échange.

Il est monstrueux de vouloir supprimer l'argent en conservant l'échange ou en voulant un échange enfin égal. Au début du 19e siècle des "socialistes ricardiens" ont proposé que les marchandises soient échangées directement en fonction de la quantité de travail consacrée à leur production. Les bolcheviques Boukharine et Preobrajensky propageaient en 1919 de semblables illusions :

"L'argent, dès le commencement de la Révolution socialiste, perd peu à peu de sa valeur. Toutes les entreprises nationalisées, pareilles à l'entreprise d'un seul grand patron... ont une caisse commune et elles n'ont plus besoin de se faire des achats ou des ventes contre de l'argent. L'échange sans argent est ainsi graduellement introduit. L'argent est, de ce fait, écarté du domaine de l'économie populaire. Même à l'égard des paysans, l'argent perd lentement de sa valeur et c'est le troc qui le remplace... La suppression de l'argent est encore favorisée par l'émission par l'Etat d'une énorme quantité de papier-monnaie... Mais le coup décisif sera porté à l'argent par l'introduction de carnets de travail et par le paiement des travailleurs au moyen des produits.. " ( L'ABC du communisme ).

Il y a eu des tentatives pour démonétariser au moins partiellement l'économie. Les transactions entre entreprises se traduisant uniquement par des opérations comptables. Cela n'a rien donné, ni de très fameux, ni de très communiste.

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