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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
V. Argent Et Estimation Des Couts



COMPARAISONS

Avec le communisme comme avec le capitalisme, pour estimer les coûts et choisir les meilleures solutions il faut pouvoir comparer. Comment comparer ?

Tant qu'il existe une monnaie, c'est-à-dire un équivalent universel, tout est simple puisque n'importe quel bien est censé pouvoir être évalué en fonction de cet étalon unique. Il existe un rapport quantitatif entre tous les produits. A partir du moment ou l'on veut se passer de la monnaie et même de la mesure par la quantité de travail, sur quoi fonder la comparaison ? Que peut-on trouver d'autre qui soit commun à tous les biens, qui les rende comparables entre eux ?

Il n'y a pas d'autre étalon unique et universellement valable. On s'en passera donc. Cela n'empêchera pas les comparaisons. Ces comparaisons seront qualitatives et se fonderont sur des critères différents et variables. Elles ne s'effectueront plus en fonction d'une référence abstraite et universelle. Elles resteront attachées à des situations et à des objectifs concrets.

Ce qui est fantastique c'est que des biens différente puissent être équivalents entre eux indépendamment de leur nature propre. On peut comprendre que des aliments puissent être comparés en fonction de leur teneur en protéines, de leur poids, de leur fraîcheur. Mais ces différents critères ne permettent pas de définir une équivalence générale.

Le besoin d'une équivalence générale ne peut pas être dissocié du besoin de l'échange. Toutes les choses doivent pouvoir se comparer d'un point de vue universel parce qu'elles sont devenues des biens échangeables, des valeurs économiques. C'est justement cela qui doit disparaître et que le rêve ou le cauchemar de la mesure par le temps de travail voudrait sauver en le déguisant.

Même sous le règne du capital toutes les comparaisons ne peuvent pas être réduites à des comparaisons de valeur. Les biens restent des valeurs d'usage. Le jugement de l'acheteur porte sur le prix mais aussi sur l'utilité et la qualité du produit.

Lorsqu'une ménagère fait son marché et choisit entre une laitue et une botte de radis elle le fait en fonction du goût de son gendre, du repas de la veille, de l'aspect du produit, de la place qui reste dans son panier... Le prix n'est vraiment déterminant que lorsque deux produits identiques ont des valeurs différentes.

La multiplicité des critères qui entrent en jeu n'empêchent pas la ménagère de faire des comparaisons et de choisir. Son jugement est subjectif. Il n'est pas universellement valable. Cela ne veut pas dire qu'il soit irrationnel au regard de la situation qu'il concerne.

Lorsqu'il s'agira de choisir entre plusieurs procédés de fabrication, il faudra certes dégager un accord plus général. Le choix sera moins subjectif dans le sens où il devra se libérer de l'humeur du moment, où ses conséquences seront à plus long terme.

Actuellement il arrive que les évaluations purement monétaires ne soient pas décisives ou se voient corrigées par d'autres. Les risques de variation importantes de certains prix au cours du temps, les nécessités politiques contrarient les visions financières.

Prenons la question des centrales nucléaires. A côté des arguments économiques s'opposent des points de vue sur le coût écologique, social ou politique. L'on parle, souvent avec mauvaise foi, de rendement énergétique, des problèmes de transport et de stockage des déchets, d'indépendance nationale, de création ou de réduction d'emplois.

Dans la société communiste il n'est plus nécessaire de ramener toute comparaison à une échelle universelle. Il suffit de pouvoir déterminer les possibilités réellement offertes et de favoriser celles qui donnent les résultats les plus rapides, celles qui sont les plus sûres, les moins dangereuses...

L'important est de déterminer sur le tas un ensemble de critères pertinents et en fonction de ces critères de confronter directement entre elles les solutions envisageables. Il ne s'agit pas tant de quantifier que d'ordonner entre eux les critères et les solutions. C'est la signification relative, qualitative qui prédomine.

Nous ne comptons pas sur les calculateurs pour tout régler. Mais ils seront nécessaires et utilisables. "Conçus d'abord pour des opérations comptables et la gestion à posteriori, employés aussi pour des calculs scientifiques, ils ont longtemps ( dix ans, peut-être... ) été considérés comme des instruments destinés à fournir des résultats quantitatifs. Voilà que ce caractère se transforme. Grâce aux méthodes de la recherche opérationnelle, et plus spécialement à celles de la simulation, l'accumulation des chiffres aboutit à un résultat qualitatif : on ne s'intéresse plus aux nombres exacts, mais à leur signification relative, de laquelle dépend l'orientation du choix. Ainsi les calculateurs deviennent-ils des moyens de gestion prévisionnelle." ( La Recherche Opérationnelle, Faure Boss et Le Garff )

Ce qui doit être simplifié et universalisé ce ne sont pas tant les facteurs de décision entrant en jeu que les procédés de résolution, les programmes qui permettront de traiter un ensemble de données. Dans un certain sens plus le nombre de critères est important plus la représentation de la réalité risque d'être précise

On peut imaginer ce que donnerait un débat sur l'importance à donner aux différentes sources d'énergie. Un nombre important de données rentrerait en jeu. On ne pourrait utiliser un seul critère qu'en acceptant de mutiler la réalité. Les choix devraient être faite de façon globale en fonction de facteurs généraux mais aussi de façon locale en fonction des ressources et des besoins différents des régions.

Le communisme n'exclut pas les choix et comparaisons purement quantitatifs. Ils restent valables quand un seul critère de choix suffit en fonction de la nature des produite en jeu. Ainsi quand il s'agit d'accroître ou de réduire une production donnée. Ainsi quand l'économie de dépense correspond à une économie quantitative dans l'utilisation d'un matériau considéré pour un même usage, comme dans le cas des boites de conserve. Mais même là cette économie ne doit pas être considérée comme une économie en temps de travail mais simplement en quantité de matériau. Qu'elle se traduise par une réduction de la durée de l'activité productrice est simplement une conséquence possible.

Ne doit-on pas craindre cette frénésie communiste de rationalisation ? Ne risque-t-elle pas de rejoindre la frénésie capitaliste d'exploitation ?

Aujourd'hui rationalisation et exploitation se confondent. L'homme tend à être considéré comme un objet dont il faut tirer le plus possible. On développe des méthodes inhumaines qui ne relèvent pas de contraintes techniques. : cadences infernales, travail en deux ou trois équipes. La rationalisation capitaliste, qu'elle soit brutale ou douce, se fait toujours plus ou moins contre les hommes. C'est pourquoi elle reste toujours fondamentalement irrationnelle.

La rationalisation communiste n'a pas pour but d'imposer un rythme de travail. Elle tendra par essence à augmenter la liberté et la satisfaction des humains. La prise de décision et la mise en oeuvre ne se fera pas extérieurement aux goûts et aux habitudes des gens concernés. Il existe des contraintes techniques, des besoins de production qui influeront sur l'allure et la durée de l'activité. Mais cela n'aura plus rien à voir avec la rentabilisation du capital humain.



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