CALCUL
![]() A partir du moment où l'on s'attaque à la mise en oeuvre de productions ou de projets complexes, lorsque certaines décisions déterminent des chaînes d'autres décisions, il faut être capable de prévoir et de calculer pour sélectionner les procédés les moins coûteux. Le coût doit souvent être estimé en fonction du long terme. Un gain sur le moment ou un manque d'étude peuvent avoir des conséquences coûteuses pour l'avenir. ![]() En choisissant tel ou tel écartement de rails de chemins de fer l'on s'engage de façon difficilement réversible. Dans ce cas comme dans de nombreux autres un manque de prévoyance au départ peut entraîner par la suite des conditions d'utilisation beaucoup moins rationnelles. ![]() Il s'agit aussi de déterminer les coefficients techniques qui lient entre eux la production de différents produits. La production de tel matériau ou de tel objet implique nécessairement la production et la dépense d'autres biens suivant un rapport déterminé. ![]() Il s'agit d'anticiper les dépenses possibles, de simuler la réalisation d'un projet. Ces prévisions peuvent porter sur des projets considérables par les moyens qu'ils mobilisent, par la durée de leur déroulement, par les aléas qu'ils supposent. ![]() Admettons que des hommes aient l'ambition d'atteindre, d'explorer et éventuellement de s'installer sur une planète vierge. On ne peut se lancer dans une telle opération sur un coup de tête. Il faut estimer les possibilités et prévoir les dépenses. ![]() La première estimation de la validité de l'affaire sera donnée par le nombre des individus d'accord pour y participer ou la soutenir. Ce nombre sera lui-même déterminé par l'impression de sérieux que dégagera le projet et ses partisans. ![]() Une fois le projet amorcé il faudra faire des choix et rendre compatible ces choix entre eux. Doit-on centrer l'exploration sur des engins automatiques ou sur des vaisseaux habitée ? Doit-on préférer pour ces vaisseaux une atmosphère d'air ou d'oxygène ? ![]() Ces questions sont aujourd'hui des questions techniques sur lesquelles pèsent des contraintes financières ou politiques. Avec le communisme il n'y a plus que des questions techniques qui sont aussi des questions humaines. Le débat sur les engins automatiques, habités ou habitables, porte sur le niveau de la science, sur le confort que l'on entend fournir aux cosmonautes, sur les efforts de construction, sur l'avenir de chaque projet... ![]() Les choix effectués se conditionnent les uns les autres. Il n'est pourtant pas nécessaire que tout soit décidé et prévu au départ. Les premières décisions orientent ce qui suit sans pourtant tout définir dans le détail. Ce qui importe c'est que à chaque étape le choix effectué soit si possible le meilleur et qu'il ne conduise pas à une impasse. Le nombre des décisions à prendre est énorme, mais elles ne se prennent pas toutes à la fois et des rectifications peuvent être faites. ![]() Pourquoi se compliquer la vie avec toutes ces histoires ? Avec le capitalisme tout ça se règle automatiquement. ![]() Rien n'est plus faux. Ce n'est pas parce que les coûts deviennent des prix monétaires et que le marché sanctionne le comportement des entreprises que tout est automatique. A un niveau général il existe une planification et une prévision, cela vaut aussi pour les entreprises un tant soit peu conséquentes. ![]() Toutes les opérations ne sont pas immédiatement sanctionnées par le marché. Cette sanction représente l'étape finale d'un ensemble de dépenses et de décisions. ![]() Il faut si possible anticiper sur la décision du marché. Les entreprises puissantes ne font plus dépendre directement leur prix des fluctuations du marché mais tendent à calculer et à imposer un prix optimum. Ce prix n'est pas forcément celui qui permettra d'écouler le plus de marchandises ou même de maximiser les rentrées d'argent à court terme. Il peut être fixé en fonction d'une stratégie globale. Dans les pays de l'est les prix commencent à être déterminés par des moyens mathématiques. ![]() A l'est comme à l'ouest l'entreprise tend à se libérer du marché pour imposer sa stratégie à travers ses prix. Ce n'est pas une tendance fondamentalement nouvelle. Aujourd'hui elle se voit accentuée par la puissance des groupes, par la possibilité technique de singulariser un produit, par le développement des méthodes de calcul économique. La concurrence et le marché ne sont pas abolie. Simplement leurs effets sont retardés et la bataille entre les monopoles ne porte pas directement et uniquement sur le niveau des prix. ![]() L'important est que se développent, au sein même de la société et des entreprises capitalistes, des méthodes d'estimation et de prévision qui pourront être utilisées de façon plus systématique avec le communisme. Le développement des ordinateurs s'est accompagné de toute une recherche mathématique destinée à représenter et à formaliser la réalité pour traiter des problèmes de choix, de simulation, de stratégie économiques. Même lorsqu'il ne s'agira plus de prendre en considération et de satisfaire au mieux des critères financiers cette recherche pourra être utilisée et développée. ![]() De façon courante les entreprises ne comptent pas sur le marché pour organiser le plus rationnellement possible la production des biens. Le marché est une sanction d'un comportement mais non un guide précis et technique pour ce comportement. ![]() "Ainsi, imaginons un industriel qui désirerait, avec des tôles, fabriquer le nombre maximum de boites cylindriques. S'il est doublé d'un ingénieur, il pourra calculer immédiatement le rapport hauteur/diamètre assurant la meilleure utilisation du métal : ce rapport vaut 1,103. A défaut, notre industriel adoptera des valeurs "au hasard". Mais si une concurrence intervient entre plusieurs entreprises, celles ayant choisi les plus mauvaises valeurs seront ruinées. Et donc, par voie purement expérimentale, les fabricants seront conduite à retenir - sans savoir pour-quoi - des coefficients toujours plus proches de 1,103." ( Le roman de la vie, A. Ducrocq ). ![]() La rationalisation "scientifique" s'étend à l'organisation même de la production et de la distribution. La recherche opérationnelle complète l'habitude et le bon sens. ![]() Déjà en 1776 le mathématicien Monge entreprenait d'étudier de façon systématique l'organisation la moins onéreuse des travaux de déblais et remblais. Cela déboucha aussi sur des apports purement mathématiques. ![]() Appliquée aux opérations militaires durant la deuxième guerre mondiale la recherche opérationnelle continua à se développer grâce à la puissance des calculateurs électroniques. On l'utilise pour des problèmes de compétition et de réaction entre adversaires, des phénomènes d'attente, la gestion des stocks, la prévision de l'usure et du remplacement des équipements, la simulation... ![]() Il ne s'agit plus de simple comptabilité, mais de déduction à partir de l'analyse du passé et du présent de ce qui pourra se produire et de ce qui sera souhaitable. ![]() |