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Un Monde Sans Argent : Le Communisme
VI. Au-dela de la politique



LA DÉMOCRATIE

Qu'y a-t-il de plus beau sous le ciel que la démocratie : le pouvoir du peuple souverain ? Autant le terme de capitalisme peut être gênant, autant celui de démocratie suscite d'adhésion. Tout le monde est pour la démocratie, qu'elle soit couronnée ou républicaine, bourgeoise ou populaire. Si l'on fait un reproche à ses adversaires c'est celui de ne pas être assez démocrate.

Qui se dresse contre la démocratie ne peut être dans le meilleur des cas qu'un nostalgique des anciennes monarchies absolues. En général on préfère lui coller l'infâme étiquette de fasciste. Les plus acharnés sont souvent les marxistes et marxistes-léninistes qui oublient ce que les pères fondateurs ont dit de la démocratie, qui tiennent à masquer leur goût pour le pouvoir et la dictature.. Hypocritement certains nostalgiques culpabilisés du stalinisme nous reprocheront d'être staliniens.

La démocratie apparaît comme l'antithèse du despotisme capitaliste. Là où on sait bien qu'en vérité une minorité dirige on prétend lui opposer le pouvoir sorti du suffrage universel.

En fait capitalisme et démocratie ont partie liée. La démocratie est la feuille de vigne du capital. Les valeurs démocratiques, loin d'être subversives, sont l'expression idéalisée des tendances réelles et moins nobles de la société capitaliste. Les communistes ne prétendent pas plus réaliser la trilogie "liberté, égalité, fraternité" que le "travail, famille, patrie".

Comment se fait-il, si la démocratie est la fille du capital, que dictature et capitalisme coexistent si souvent ? Comment se fait-il que la plupart des hommes vivent sous des régimes autoritaires ? Comment se fait-il que même dans les pays démocratiques son fonctionnement soit sans cesse entravé ?

Les valeurs et aspirations démocratiques sont la conséquence du caractère dissolvant du capital. Elles correspondent à la fin de l'insertion de l'individu dans une communauté et un réseau de relations fixes. Elles correspondent aussi à la nécessité de maintenir une communauté idéalisée, de régler les conflits, de limiter les heurts pour le bien de tous. La minorité se plie aux décisions de la majorité.

La démocratie n'est pas un simple mensonge, une vulgaire illusion. Elle tire son contenu d'une réalité sociale déchirée dont elle semble la réunification. Il y a dans l'aspiration démocratique une recherche de la communauté, une volonté de respect d'autrui. Mais la base sur laquelle elle prend racine et prétend se développer l'empêche d'aboutir.

La démocratie est encore souvent trop dangereuse pour le capital ou tout au moins pour certains intérêts en place. C'est pourquoi elle se voit sans cesse imposer des limites. A part quelques exceptions ces limites et même la simple dictature sont présentés comme des victoires de la démocratie elle-même. Quel tyran ne prétend pas gouverner sinon par le peuple, tout au moins pour le peuple ?

La démocratie qui peut sembler dans les périodes calmes un bon moyen d'amortir les luttes ouvrières se voit abandonnée sans vergogne dès que la défense du capital l'exige. Il y a toujours quelques intellectuels et politiciens tout surpris de se voir sacrifiés aussi facilement sur l'autel des intérêts des puissants.

Démocratie et dictature sont des formes opposées mais ce ne sont pas des formes étrangères. La démocratie en tant qu'elle implique la soumission de la minorité à la majorité est une forme de dictature. Une junte de dictateurs doit bien recourir pour trancher à des mécanismes démocratiques.

On oublie parfois que fascisme, nazisme et stalinisme ont mêlé pour s'imposer les procédés terroristes et les élections régulières. Ils aimaient opposer les larges masses, les tribunaux populaires aux poignées de "traîtres", d'"antipatriotes", d'"antiparti".

Le communisme n'est pas l'ennemi de la démocratie parce qu'il serait l'ami de la dictature et du fascisme. Il est l'ennemi de la démocratie parce qu'il est l'ennemi de la politique. Ceci dit, les communistes ne sont pas indifférents au régime sous lequel ils vivent. Ils préfèrent s'endormir tranquilles le soir sans se demander si ce n'est pas cette nuit que l'on viendra les sortir du lit pour les emmener en prison.

La critique de l'état ne doit pas se substituer à la critique de la politique. Certains s'en prennent à la machine de l'état mais c'est pour mieux sauver la politique. De même que certains pédagogues critiquent l'école pour généraliser la pédagogie à toute forme de relation sociale. Pour les léninistes tout est politique. Derrière chaque manifestation du capital, ils voient une intention, un dessein. Le capital devient l'instrument d'un projet politique auquel il faut opposer un autre projet politique.

La politique c'est le domaine de la liberté, de l'action, de la manoeuvre par rapport à la fatalité économique. L'économie, le domaine de la production des biens, est dominée par la nécessité. L'évolution et les crises économiques apparaissent comme des phénomènes naturels qui échappent à l'emprise de l'homme.

La gauche a l'habitude de mettre l'accent sur les possibilités de la politique, la droite sur les nécessités de l'économie. Faux débat.

La politique apparaît de plus en plus comme le décalque de la vie économique. Elle a pu jouer pendant une certaine période un rôle de compromis et d'alliance entre couches sociales.

Aujourd'hui l'importance de la politique en tant qu'intervention dans l'économie a augmenté. Mais dans le même temps la sphère politique a perdu son autonomie. Il n'y a plus qu'une seule politique du capital que sont contraints de faire la droite et la gauche indépendamment des intérêts spécifiques de leur base sociale.

Si l'état apparaît comme une institution à peu près délimitable, la politique naît et renaît de tous les pores de la société. Bien qu'elle se traduise par l'action d'une couche particulière de militants et de politiciens elle s'appuie et trouve un écho dans les comportements de chacun. C'est ce qui fait sa force et qui donne l'impression que toute solution sociale ne peut être que politique.

La politique découle, s'appuie sur la dissociation entre la décision et l'action et sur les séparations qui dressent les individus les uns contre les autres. La politique apparaît d'abord comme cette recherche permanente de pouvoir qui anime les hommes dans la société capitaliste. La démocratie et le despotisme semblent eux-mêmes être les seules façons de régler les problèmes entre les gens. L'introduction de la démocratie dans les couples ou les familles passe pour une nouvelle étape du progrès humain. Elle exprime avant tout, peut-être de la façon la moins mauvaise, la perte d'unité profonde qui peut unir les êtres humains.

Le communisme ne sépare pas décision et exécution. Il n'y a plus de division entre deux groupes ou même deux moments distincts et hiérarchisés. On fait ce que l'on doit faire ou ce que l'on a décidé de faire sans se poser le problème de savoir si l'on est majoritaire ou minoritaire. Notions qui présupposent l'existence d'une communauté formelle.

Le principe dé l'unanimité règne dans le sens où ceux qui font quelque chose sont au départ d'accord et où l'accord fournit la base et la possibilité de l'action commune. Le groupe n'existe pas indépendamment et préalablement à l'action. Il ne se scissionne pas dans le vote pour ensuite se réunifier par la soumission d'une partie à une autre partie. Il se constitue dans et par l'action et par la capacité des gens à s'identifier et à comprendre le point de vue d'autrui.

Il ne s'agit pas de rejeter systématiquement tout vote et toute soumission de la minorité à la majorité. Ce sont des formes techniques auxquelles on ne peut donner une valeur absolue. Il se peut que la minorité détienne la vérité. Il se peut que la majorité cède à la minorité vu l'importance de l'enjeu pour cette minorité.

Est-ce que le communisme est l'avènement de la liberté ? Oui, si l'on entend par là que les hommes auront plus de choix que maintenant, qu'ils pourront vivre en accord avec leurs goûts.

Ce que nous récusons c'est la philosophie qui oppose libre-arbitre et déterminisme. Cette séparation reflète l'opposition de l'homme et du monde, de l'individu et de la société. Elle exprime le déracinement de l'individu et son incapacité à saisir ses propres besoins pour les satisfaire. Il peut choisir entre mille travaux, entre mille loisirs, entre mille amours, et être influencé de mille façons parce que rien ne le concerne vraiment. Aucune certitude né l'habite. Il doute de tout et d'abord de lui-même. Ce faisant il est prêt à tout supporter et souvent croit avoir choisi. La liberté se présente comme l'habit philosophique de la misère. Le doute comme l'expression de la liberté de la pensée quand il signifie l'égarement, l'incapacité de l'homme à se situer dans son monde.

Dans le cours de la révolution l'homme perd ses chaînes mais devenant enfin lui-même il se trouve enchaîné simultanément à ses désirs et aux nécessités de l'heure. Il redevient passionné et recommence à se connaître. Le climat extraordinaire de joie et de tension des insurrections est lié au sentiment que tout est possible et conjointement que ce que l'on fait doit impérieusement être fait. Il n'y a plus à hésiter et à être ballotté entre des occupations insignifiantes. Les contraintes subjectives et objectives se confondent.

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