LA GRÈVE
![]() La démocratie se voit niée avec le développement des grèves et soulèvements sauvages. Le démarrage de l'action n'est pas suspendu à une consultation démocratique de la base ou de ses représentants. ![]() Une fraction de travailleurs, parce que plus combative, moins aliénée, placée dans des conditions plus propices, s'insoumet. Il n'y a pas de scission entre la décision et l'exécution, entre ceux qui décident et ceux qui exécutent. ![]() Le problème fondamental n'est pas forcément de rallier tout le monde. A partir d'une position-clé dans la production on peut faire céder le patron. L'arrêt de travail peut être son propre but, il ne s'agit que de souffler un peu ou de refuser de faire un travail donné. ![]() Il est possible que le débrayage d'une poignée provoque un débrayage général. C'est ce que l'on a vu se réaliser à l'échelle d'une nation en mai 68. ![]() La grève s'étend. Elle est approuvée par une large majorité de travailleurs. L'adhésion se crée dans l'action et il n'y aura pas eu consultation préalable de l'ensemble de ceux qui se retrouveront concernés. ![]() Si les travailleurs avaient dû se prononcer démocratiquement sur l'opportunité d'ouvrir les hostilités peut-être auraient-ils renoncé. L'exemple d'un petit nombre leur aura montré la brèche où s'engouffrer, la peur de la direction et le succès possible. Ils seront pris par le climat de lutte et de solidarité et plus à même de surmonter le sentiment de découragement et de résignation qu'engendre l'impuissance quotidienne. ![]() Admettons que la grève ait été décidée au cours d'une consultation. Elle se serait probablement déroulée de façon différente. Fini l'imprévu de l'offensive ouvrière. L'adversaire aurait été informé sur la nature, la forme, l'ampleur, les buts du mouvement. L'organisation aurait précédé l'action et découragé les initiatives. Les grévistes seraient restés plus ou moins passifs et, à part une minorité de syndicalistes ou d'organisateurs, étrangers à leur grève. ![]() Lorsque les ouvriers commencent à se radicaliser le moment démocratique se présente de plus en plus comme le moment de la récupération. Il s'agit de voter sur la reprise. Les bureaucrates, spécialistes de la négociation, reprennent le dessus. ![]() La démocratie devient l'expression du renoncement. Elle devient visiblement ce qu'elle était déjà essentiellement. ![]() Le recours à l'assemblée générale seule souveraine pour lutter contre la bureaucratisation n'est pas suffisant. L'assemblée peut devenir le lieu privilégié de la manipulation, la réunion en masse des individus séparés et impuissants, le support de bavardages confus et inutiles. ![]() Les assemblées générales sont nécessaires. Il faut pouvoir faire le point, évaluer ses forces, contrôler et demander des comptes aux délégués et commissions spécialisées. Mais l'assemblée ne doit pas apparaître comme le moment auquel tout est 'suspendu, au profit duquel le reste de la réalité se dépouille. |