Back Forward Table of Contents Return to Homepage

Un Monde Sans Argent : Le Communisme
VI. Au-dela de la politique



LE PARTI

Au fur et à mesure que la crise du capital s'approfondit et rend plus visible la vanité des solutions capitalistes à cette crise, un parti communiste se reforme au sein de la population.

La formation du parti n'est pas la cause qui détermine la crise. Il n'est pas le préalable à l'assaut contre le capital. Son développement quantitatif et qualitatif est au contraire extrêmement dépendant de la montée de cette crise. Il va chercher à en orienter et à en faciliter l'issue.

Le parti n'est pas un rassemblement constitué en fonction d'une doctrine formée qui irait en s'élargissant sans que sa nature change. Le parti n'est pas, il se constitue. Peu à peu il émerge, prend des contours et un contenu plus net. Sa nature se précise et le nombre de ses membres s'accroît au fur et à mesure que se dessinent des possibilités de rupture avec le système.

La constitution du parti n'est pourtant pas un phénomène nouveau et indéterminé. Le parti, tel qu'il naît à une période historique donnée, est la résurgence d'un mouvement qui échappe à ces limites temporelles. Le parti moderne renoue avec un parti dont la réalité et même le souvenir ont été effacés par la contre-révolution.

Eh dehors des périodes insurrectionnelles, lorsque le communisme ne peut s'affirmer que de façon timide et discontinue le parti au sens strict est condamné à rester une fraction infime et négligée de la population. A côté des communistes conscients il existe de nombreux communistes inconscients qui manifestent par leur comportement des exigences révolutionnaires. Le parti, au sens large de ceux qui se montrent plus ou moins consciemment communistes au gré d'occasions qui se multiplient, n'est pas visible. Son image ne prend pas corps dans le spectacle régnant. Pourtant sa puissance se fait sentir au niveau même de ce spectacle. Les publicistes et les politiciens pour placer leur camelote se font l'écho déformé de ses espoirs. Les bourgeois et les bureaucrates tremblent devant cette menace encore sans nom et encore sans visage.

Il est contradictoire de s'affirmer communiste dans un monde qui refoule le communisme par tous les moyens. Les communistes ne sont pas des surhommes qui vivraient déjà autrement que leurs semblables. Ils n'échappent pas à la misère ambiante. Pour transformer leur propre vie leur conscience théorique est de peu de poids.

Il est essentiel et de toute façon inévitable que des communistes conscients apparaissent et qu'ils s'occupent de comprendre et de préparer la révolution communiste. Mais l'on ne peut opposer communistes conscients et communistes inconscients. Ce qui importe c'est de voir comment et pourquoi la conscience communiste se développe comme une nécessité pratique.

Il existe certes des gens qui se disent révolutionnaires. La production de ces "révolutionnaires" n'est pas indépendante de la montée de la crise. La plupart d'entre eux ne sont pas communistes et ne savent même pas ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent. Le désir de la révolution se présente comme le dernier et le plus creux des désirs possibles dans cette société. C'est une abstraction coupée des besoins et des espoirs concrets. Le "révolutionnaire" peut disserter sur tout, se passionner pour des questions de stratégie, mais il est incapable de définir ce à quoi il aspire. SI' il parle des transformations à faire son optique est dominée par la question du pouvoir. La société à construire repose sur une nouvelle répartition du pouvoir. Ce que l'on "veut" c'est le pouvoir populaire, le pouvoir ouvrier, le pouvoir étudiant, le pouvoir des conseils ( + l'électrification ou l'automation ! ), le pouvoir des gens sur leur propre vie, le pouvoir de pouvoir pouvoir...

Au contraire, la plupart de ceux qui seront révolutionnaires quand la révolution correspondra à des besoins et des possibilités concrètes n'éprouvent pas le besoin de se dire révolutionnaires.

Ce n'est que dans une phase d'affrontement ouvert, lorsque la possibilité de communiser le corps social existe, que le parti peut cesser de n'être que le rassemblement d'opinions communes ou le produit d'actions sporadiques. Il peut enfin devenir une communauté d'action.

Lorsque le prolétariat participe dans son ensemble à la révolution le parti ne se confond pas avec la classe. Il ne prétend pas être le prolétariat ou le représenter. Il en est la fraction la plus lucide et la plus décidée. Il coexiste, collabore ou se heurte avec d'autres fractions plus modérées ou inféodées aux appareils et idéologies bourgeoises.

On peut caractériser son action en une phrase : Créer la situation qui rende tout retour en arrière impossible.

Il est normal que des oppositions se manifestent entre l'action des communistes et le comportement des masses. Cela n'est pas le signe d'un antagonisme fondamental. Le parti n'a pas à éliminer les organisations et mouvements de masse. Les conseils et autres comités de base n'ont pas à éliminer le parti. Si l'une de ces deux choses arrivait cela signifierait obligatoirement la fin et la défaite de la révolution. Cette vision d'un antagonisme est un héritage de la révolution russe et de la vague conseilliste des années vingt. Elle n'a qu'un défaut : prendre pour communistes des organisations qui ne l'étaient pas.

Le parti se battra pour les conseils car cette lutte ne peut être dissociée de celle pour le communisme. Même si sur tel ou tel point ou mode d'organisation les communistes se trouvent en désaccord avec les masses.

Le parti lui-même qui n'est pas une organisation ou pire une institution unifiée par le haut, s'organisera sur le mode conseilliste. Il est la réunion de ceux qui se fixent au-delà des tâches et des intérêts immédiats la défense de l'ensemble du mouvement. Il doit indiquer les forteresses à démanteler, concentrer des forces sur les points stratégiques, proposer des solutions.

Il n'y a pas une organisation qui pourra dire qu'elle est le parti. Celui-ci ne s'identifie jamais à une secte ou à une organisation de masse quelconque. Les partisans du communisme se manifestent par ce qu'ils font et non par une adhésion à un regroupement limité. Les formes d'organisation n'ont pas à être figées ou unifiées à l'avance. Elles se découvriront dans le cours du mouvement.

Back Forward Table of Contents Return to Homepage