[ lundi 1er juillet ] [ 21:00 ]
J'ai déjà parlé de lui. Ici. Et puis là, et encore là. Quelque fois, les mots sont au présent. Un présent insaisissable, mais encore, au présent. Rien de plus qu'une aventure, ce que je vous ai conté. Légère comme le vent. Sans aucun sens. A peine là. Même pas là. En fait. Bouts de rien, bouts de rien...Et voilà ce que Lui est, Mon bout de rien. Aujourd'hui, ce bout de rien est encore une fois passé devant moi. Encore une fois à soutenir son regard - mon Dieu comme je peux abandonner un océan pour un autre, mon Dieu ce que je donnerais pour plutôt choisir cet océan par procuration que sont ces yeux-là. Aujourd'hui encore incapable de faire un pas vers moi, et moi tout juste capable de tourner les yeux vers lui. Encore une fois se taire, cacher au monde autour cette lumière que je sens envahir mon visage lorsque l'amant du passé apparaît. Encore une voix le savoir là tout près, la bouche silencieuse et les yeux bruyants de significations. Ainsi encore en ce jour nous nous sommes fait entendre. Par un regard et un silence, la parfaite équation à un désir du passé. Seulement voilà. Cette fois, la vision de lui m'en était douloureuse. Cette fois la vision de lui m'était insoutenable, insupportable. Voir s'éloigner ce garçon alors que je sens qu'encore il voudrait pouvoir se retourner, se retourner une dernière fois, et moi, moi qui le supplie en silence retournes toi parce que cette fois, c'est certain, c'est la dernière fois.
Bien entendu, l'instant d'après il n'y a plus rien ni personne, à l'endroit où il se tenait bien droit sous la pluie il n'y a que le vide et les feuilles qui s'envolent avec le vent. Il y a le gris du béton, le vert des arbres, et le bleu de ses yeux, si ridiculement bleu, si ridiculement à moi si j'y pense encore un peu. C'est à ce moment que je réalise que ma vie ne sera plus jamais la même. Je m'en vais dans deux jours, et ma vie ne sera plus la même. La frénésie des vacances va me balayer de ces rues où je n'ai osé que trop peu marcher cette année, et du café où je l'ai croisé, où je le croisais, puisqu'il en était devenu une habitude, une quasi-certitude. Je ne serai pas assise là lorsqu'il passera en revue les dizaines de visages dans ce café. Nous qui nous nous oublions déjà. Nous qui nous oublions c'est certain. Mais nous qui nous sommes souvenus. L'espace d'une heure, d'un jour, de tout le temps qu'un regard peux suspendre. Nous qui n'avons fait que nous croiser, sans jamais se retrouver, aujourd'hui pourquoi devrais-je supporter cette impression de devoir nous arracher, nous déchirer, rien qu'en m'éloignant, comme je l'ai fait il y a trois ans... Alors en voyant le garçon blond aux yeux d'ange disparaître au loin sous la pluie de juillet, j'ai su que ce soir je serai ici, et que ce soir j'écrirai, parce que c'est tout ce qu'il me reste. J'ai su que ce soir, je vais m'asseoir là sur le rebord de ma fenêtre une dernière fois, et prendre la feuille et le stylo. Et sur une enveloppe demain matin sera écrit en bleu marine le nom d'un garçon, et ce nom je le cacherai entre ma main et mon coeur. Et je marcherai jusqu'à la boîte aux lettres, et m'arrêterai une seconde sur mes doigts encore serrés sur le papier, sans pouvoir aller plus loin et devant lâcher prise. Et je lacherai prise et mon coeur, et je lacherai ces moments furtifs que j'ai fait revivre ici, mais revivre pour moi seule, et un peu pour vous aussi, je lacherai tout celà, je lacherai sa main dans mon souvenir, et ces bras qui m'ont un jour enlacée je n'en aurait plus besoin. Je lacherai la lettre, et mon coeur dans un timbre-poste.